Je vous propose la chronique d'un livre de ma sélection des livres de l'année pour les professionnel.les de l'expérience client et de la relation client : "Tous sociétaires ! L'entreprise mutualiste, un modèle pour la société du XXIème siècle", un livre signé Adrien Couret, le directeur général d'Aéma Groupe (Macif, Aésio, Abeille).
Présentation du livre par l'auteur :
En ces temps de pandémie et de dérèglement climatique, beaucoup s'interrogent sur les actions à entreprendre, les habitudes à transformer, les solutions à inventer. Autour de nous existe pourtant un modèle qui a fait ses preuves face à l'adversité ; un modèle fondé sur le partage - du risque comme des bénéfices -, où la solidarité n'est pas contradictoire avec un impératif d'efficience économique. Ce modèle, c'est l'entreprise mutualiste, qui permet à celui qui devient sociétaire d'être acteur de sa protection, de celle des autres, et d'œuvrer en faveur du bien commun. Car l'entreprise et l'intérêt général ne sont pas deux notions incompatibles. Bien au contraire : c'est en les associant que nous pourrons répondre aux défis qui nous attendent.
Pourquoi le lire ?
- Parce que son auteur est un dirigeant engagé. C'est le qualificatif qui va le mieux à Adrien Couret le directeur général d'Aéma Groupe, né en janvier 2021 de l’ambition partagée entre la Macif et Aésio Mutuelle de créer le premier Groupe mutualiste de protection Français auquel s'est intégré Aviva en octobre de la même année. Ce groupe est un acteur de référence du marché assurantiel se plaçant au 5ème rang des assureurs français avec plus de 11 millions d’assurés, 18000 collaborateurs et 14,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France. Je me suis réjoui de faire la chronique du livre "L'entreprise une affaire de coeur" d'Hubert Joly récemment sur ce blog (issu de la même école de commerce qu'Adrien Couret), j'éprouve la même joie à faire ici celle de cet homme de 38 ans, qui occupe les fonctions de président du réseau d’Alumni d’HEC Paris. L'auteur du livre "Tous sociétaires !" est un des grands dirigeants du secteur de l'assurance et préside l'association des anciens élèves de cette grande école de commerce. Je ne peux pas m'empêcher d'y voir le signe de la transformation de la gouvernance des entreprises et de l'évolution de l'état d'esprit des élites françaises.
- Parce qu'il s'inscrit dans un mouvement profond. La lecture de ce livre m'a fait prendre conscience que les livres traitant de la gouvernance des entreprises et de leur impact sur notre société figurent désormais en bonne place dans ma sélection sur l'expérience client. On ne s'étonnera pas de trouver dans le livre "Tous sociétaires !" de nombreuses références au livre chroniqué sur mon blog il y a deux ans : "L'entreprise altruiste" d'Isaac Getz et Laurent Marbacher. Les entreprises sont confrontées à un environnement en mouvement et font face aux attentes de clients et de collaborateurs toujours plus sensibles au sens et aux valeurs défendues par les organisations. Adrien Couret fait référence au concept pertinent d'"entreprisocène" (né du néologisme anthropocène qui qualifie l'influence de l'homme sur la biosphère) pour évoquer une nouvelle ère, celle dans laquelle les entreprises "portent, au moins autant que les Etats, la responsabilité des dérèglements en cours et doivent trouver les solutions pour en contenir les effets.", pour citer l'auteur. Ce livre s'inscrit dans cette vague de témoignages de dirigeants soucieux de redonner du sens à leur action, d'affirmer les croyances partagées au sein de leur entreprise, autrement dit leur culture.
- Parce qu'il démontre la force d'un modèle. Adrien Couret fait la démonstration de la vertu du modèle de son groupe. Un conseil d'administration composé de sociétaires, le fait de ne pas avoir d'actionnaires à rémunérer sur le court terme expliquent selon lui "pourquoi l'on retrouve régulièrement des mutuelles en tête des palmarès de satisfaction, d'image ou de compétitivité tarifaire". Les observateurs dont je fais partie le savent : les podiums de la relation client sont trustés par les entreprises mutualistes qui servent des sociétaires avant de servir des clients. Les concurrents finissent par faire preuve de fatalité ou cherchent inlassablement la formule secrète conduisant à la qualité durable de l'expérience client. Tout est parfaitement résumé dans ce livre et articulé autour d'un principe que l'auteur nomme "le coeur battant du mutualisme", à savoir ses valeurs. A cette orientation fondatrice s'ajoute ce qu'il nomme la "promesse sociétaire", articulée sur trois principes : le principe d'humanité, le principe de performance et le principe de relation "qui renvoie à la relation de confiance unique que nous instaurons avec nos sociétaires, fondée justement sur l'éthique et la performance dont nous sommes capables de faire preuve." Et enfin l'auteur développe ses convictions et ses réflexions sur la place et l'avenir des organisations dans notre société en usant d'une formule forte que j'affectionne : "l'éthique du lointain", pour qualifier les enjeux de l'environnement et du futur auxquels nous devrions être encore plus sensibles.
- Parce qu'il interroge les nouvelles postures des entreprises. Adrien Couret est le premier auteur à offrir une réflexion sur la récente loi Pacte qu'il qualifie "d'objet inachevé" (en louant son principe) et observe que "beaucoup d'entreprises cherchent aujourd'hui à démontrer leurs efforts pour tenir compte des enjeux sociaux qui les entourent, comme si cela conférait un supplément d'âme à leur business." On comprend qu'il s'amuse de ce "missionwashing" ou "fairwashing" qui conduit nombre d'entreprises à adopter une raison d'être et de beaux principes de gouvernance sans pour autant interroger leur modèle et leur style de management au quotidien. Il rappelle une étude du BCG qui montre que pour les directeurs de la communication des grands groupes, la raison d'être est essentiellement un "levier de réputation". "Chacun voit bien l'intérêt à verdir sa communication, à saupoudrer ici et là des préoccupations sociales et sociétales." ajoute l'auteur.
- Parce qu'il appelle à la reconquête. Ce livre m'a touché car j'ai fait mes débuts à Niort à la Camif en 1990, à la grande époque de la coopérative des assurés MAIF. A l'époque, l'économie sociale, le modèle mutualiste avait plutôt la réputation d'un monde ringard et dépassé, loin du capitalisme conquérant et performant. 30 ans plus tard, j'observe et je me réjouis du retour en grâce de l'économie sociale et du modèle mutualiste. Signe des temps, le nouveau président de la Camif, Emery Jacquillat, est un acteur engagé, président de la communauté des entreprises à mission (vous pouvez lire son interview sur mon blog et la chronique d'un livre que j'ai chroniqué l'an passé "Entreprises à mission et raison d'être"). Le directeur général de la MAIF a publié "L'entreprise du XXIème siècle sera politique ou ne sera plus" et le directeur général du groupe Aéma affirme (non sans une certaine malice et en écho au livre de Pascal Demurger) "L'entreprise du XXIème siècle sera mutualiste ou bien ne sera pas". Adrien Couret affirme ce besoin de reconquête en ces termes : "Redéfinir collectivement la mission et la raison d'être de l'entreprise doit être l'occasion pour les mutuelles de reconquérir leur héritage : faire en sorte que le sociétaire ne soit pas un client comme un autre, l'associer davantage à la démarche d'engagement de l'entreprise, le faire participer plus activement à l'établissement des contours de la ou des missions, lui permettre de calculer sa contribution à l'impact social et environnemental de sa mutuelle... Bref, il s'agit de réactiver le potentiel de solidarité collective inhérente au modèle mutualiste."
- Parce qu'il défend une valeur cardinale. Convaincu d'un équilibre indispensable entre les parties prenantes, d'une attention égale à l'égard des salariés et des clients et donc du lien entre l'expérience collaborateur et l'expérience client, l'auteur conclut son ouvrage avec ces mots : "Je souhaiterais clore mon cheminement en m'arrêtant sur une valeur, qui est aussi une attitude, une disposition d'esprit, un principe, une éthique et sur laquelle nous souhaitons bâtir l'identité même de notre Groupe. Cette valeur, c'est la prévenance. Prévenance vis-à-vis de nos sociétaires, de nos adhérents, de nos clients, de nos partenaires et plus généralement vis-à-vis de toute personne et de son environnement."
Pour compléter la lecture de ce billet et de ce livre, je vous invite à relire mon billet "Valeurs d'entreprise : applaudissements pour la démonstration de la Macif en vidéo" et l'interview de Dominique Russo, Directeur Expérience clients et sociétaires de la MACIF. Je ne peux pas m'empêcher de faire un lien entre le livre dont je viens de faire la chronique ici, la campagne de communication de la MACIF et les récents prix de la relation client reçus par la mutuelle ces derniers mois. La MACIF (dont Adrien Couret a été directeur général avant d'occuper les fonctions de dirigeant du groupe) a décidé de sortir du bois si je puis dire, s'exposer davantage auprès de la communauté des professionnels de l'expérience client et de la relation client. Le livre "Tous sociétaires !" doit être une motivation supplémentaire pour Dominique Russo et ses collègues de la MACIF, une invitation à faire connaître davantage leurs remarquables initiatives et leurs convictions.
Notez qu'il vous faudra un plus de 3 heures pour lire ce livre, soit le temps de trajet (en transport en commun) entre la rue du 4 février à Niort, le siège de la MACIF et la place Etienne Pernet à Paris, le siège du groupe AEMA. Pour commander tout de suite Tous sociétaires !, rendez-vous sur ce lien.
1035ème billet signé Thierry Spencer, conférencier, créateur du blog Sens du client, co-fondateur de KPAM Next, tombé dans l'économie sociale lorsqu'il était petit.
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