Depuis quelques temps, j’entends l’expression « arc » utilisée de plus en plus dans les vidéos d’analyse de séries et de films dont je raffole, à l’instar de la saga Star Wars. Arc vient de « Arc narratif », une expression du domaine de la narratologie (l’étude des récits) et de la dramaturgie.
Elle est inspirée de la métaphore visuelle de l’arc, qui représente la courbe formée par la progression d’une histoire : le début (l’exposition), le développement (les péripéties, le climax), et la fin (la résolution).
On peut citer quelques exemples dans la culture populaire :
- Dans le roman Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, le jeune hobbit Frodon Sacquet passe de l’innocence à la responsabilité, affrontant des épreuves pour détruire l’Anneau de pouvoir et sauver la terre du milieu.
- Harry Potter de J.K. Rowling : Harry Potter apprend à accepter son destin, à surmonter ses peurs et à comprendre l’importance de l’amour et du sacrifice, passant de l’orphelin ignoré au sauveur du monde magique.
- Le dessin animé Le Roi Lion de Disney présente l’arc de Simba, jeune lion insouciant, qui fuit ses responsabilités après la mort de son père. Il doit grandir, affronter son passé et reprendre sa place comme roi.
Très récemment, Tibo InShape, le youtubeur francophone le plus suivi, comptabilisant plus de 26 millions d’abonnés, a utilisé cette expression a plusieurs reprises lors d’une interview. Plus aucun doute, cette expression allait devenir le qualificatif d’une tendance 2026 !
2026 : le client sera arc, quatrième tendance client
Les marques valorisent leur héritage
L’expression, notée dans mes carnets, a pris vie lors de la découverte de la nouvelle publication réalisée avec l’Observatoire B2V des Mémoires qui vise à explorer le rôle stratégique de la mémoire dans la relation client. Les contributeurs, dont mon ami Pierre Volle, Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine-PSL, déclarent : « Les directions marketing et commerciales gagneraient à conjuguer mémoire et données. Les historiques transactionnels constituent une base nécessaire, mais insuffisante sans un travail narratif. En conjuguant l’analyse quantitative à des histoires résonnant avec les préoccupations actuelles des clients, les entreprises peuvent transformer la mémoire en véritable levier stratégique. Une mémoire vivante, au service du présent. Réinventer la relation client passe par une articulation subtile entre passé et présent. La mémoire devient pertinente lorsqu’elle nourrit des interactions actuelles, adaptées aux attentes révélées par les données, mais enrichies d’un récit identitaire et singulier. »
Lorsque Pierre Volle ajoute : « Les marques devront relever le défi de combiner narration et relation, histoires et données. », il illustre parfaitement le propos de ma tendance. Le client sera arc : les entreprises vont puiser dans leur passé pour se différencier et les clients seront encore plus sensibles à la prise en compte de leur historique dans la relation qu’ils entretiennent avec elles.
- Decathlon s’apprête à célébrer ses 50 ans et a créé un département « Heritage & legacy » destiné à préserver et valoriser l’héritage culturel et historique de la marque.
- Nicolas vient de se rebaptiser Maison Nicolas, une « transformation d’identité en lien avec son histoire ».
- Nespresso a créé un lieu nommé « Maison Nespresso » au même moment, comme un signe qui apporte de l’eau à mon moulin.
Ces trois exemples prouvent l’ambition de ces entreprises de reprendre le contrôle du récit de marque en faisant de « l’history-telling » (pour citer Pierre Volle). En devenant une « maison » ou en créant un département en charge de l’héritage, ces marques entendent dépasser leur fonction première pour revendiquer une culture, créer de nouveaux repères et donner du sens au delà de leurs communications commerciales.
Jason Dressel, le PDG de l’entreprise « History Factory », affirme : « Il y a un désir d’authenticité, un désir de connexion émotionnelle et un désir de contexte. Aucun de ces désirs n’est nouveau ; ils sont simplement plus présents dans un monde où il y a tant de contenu et tant d’espace pour que les choses paraissent superficielles. » Il s’appuie sur les résultats d’une étude où l’on apprend que 75% des clients sont intéressés par l’utilisation par les marques de leur histoire et leur héritage. Je pourrais illustrer ce point avec l’histoire récente de Duralex et sa levée de fond salutaire qui fait dire au journal Les Echos « Pourquoi les histoires d’entreprise sont sacrées. La levée de fonds de Duralex, souscrite au-delà des attentes, convoque un capitalisme rarement vu : populaire et émotionnel. C’est un récit puissant qui opère. Car les mythes d’entreprise ne sont pas de simples « fabulettes ». (merci à Patrice Mazoyer pour le lien).
Les rétrospectives de marque, l’arc rendu public
La récente étude de KPAM sur les sources d’enchantement digital dans le monde aux yeux des clients chinois, britanniques, américains et français a révélé des pratiques a fort impact émotionnel dont celle de la rétrospective. Le Wrapped de Spotify suscite dans l’étude de nombreux commentaires spontanés de clients qui retrouvent le fil de leur histoire personnelle à travers leurs souvenirs.
La généralisation des rétrospectives de marque, à l’image du Spotify Wrapped ou de la rétrainspective de SNCF Connect en France (10 millions d’utilisateurs, 800 000 combinaisons de bilans), est un signal fort de l’évolution de la communication vers un usage de l’histoire partagée entre la marque et le client. Spotify a lancé la tendance en 2016, imitée désormais par Duolingo avec son Year in Review, Discord et son Checkpoint, PlayStation et son Wrap-Up, Twitch et son Twitch Recap, et YouTube pour la première fois cette année avec YouTube Recap (retrouvez l’article du BDM le récap des récaps).
Une rétrospective est une manière de donner de la valeur aux données en les rendant ludiques et désirables. La marque prend la parole pour valoriser le récit personnel du client et reconnaitre une histoire commune. En figeant une année d’usage et de relation, la marque s’inscrit dans l’histoire du client, dans son arc.
La valorisation des données du client, l’arc du client
Les entreprises qui exploitent l’historique des clients savent que pour la majorité des clients, être fidèle, c’est être client de la marque ou de l’enseigne sur le long terme (lire mon billet 2025 sur la fidélité). Lorsque Nespresso commence ses emails par « Monsieur Spencer, pour fêter vos 15 années avec Nespresso », lorsque Darty écrit à ses clients un an après l’achat pour demander un avis éclairé, lorsque Jimmy Fairly envoie un SMS un an après l’achat de la paire de lunettes, le client se sent considéré dans sa relation sur le long terme, l’arc prend forme.
Salesforce (State of marketing 9ème édition) a intelligemment mesuré cette stratégie : seulement 57% des professionnels ont une approche de la personnalisation par cycle de vie du client.
La personnalisation n’a jamais été aussi facile à opérer pour les entreprises et pourtant 65% des clients déclarant avoir changé de marque car adhérer à un programme de fidélité et partager leurs préférences n’a pas résulté dans une meilleure expérience d’achat (selon Capgemini research Institute 2025). Je me désole à titre personnel de la faiblesse de la personnalisation dans les sollicitations que je reçois et comme la majorité des clients, j’apprécie celle-ci. 57% des clients préfèrent les entreprises qui adaptent leurs expériences à leurs besoins individuels, une proportion en hausse selon Qualtrics 2026 Consumer Experience Trends report.
La personnalisation en direct, l’arc du futur
Dans la relation client, les avancées de l’intelligence artificielle sont manifestes et la personnalisation en est le bénéfice le plus tangible. Chaque interaction avec un service client devient un point clé de l’arc narratif : le moment où le client vérifie que l’entreprise se souvient et fait progresser l’histoire commune. Il sait que son passé compte et attend que l’entreprise mobilise de façon pertinente les données le concernant. Le niveau d’attente monte légitimement à ce sujet : 69% des clients sont irrités ou vraiment frustrés lorsqu’un agent n’a pas d’accès immédiat aux données le concernant (State of Customer Expérience 2025 Genesys). Les clients en relation avec leur marque préférée apprécient en premier lieu deux caractéristiques en lien avec l’usage des données :
- Pour 72% d’entre eux, « Ils m’écoutent et comprennent ce que j’essaie d’accomplir »
- Pour 56%, « Ils connaissent mon historique et mes activités actuelles avec cette entreprise ».
Selon la même étude, on apprend que 6% des données sont inaccessibles directement, 48% sont accessibles manuellement et 47% fournies automatiquement aux conseillers ou agents lorsqu’ils entament une interaction avec un client !
La 7ème édition du « State of service » de Salesforce nous montre que les organisations utilisant l’IA dans la relation client développent davantage de relations avec les clients ou travaillent sur les clients à forte valeur ajoutée davantage que les organisations sans IA. La comparaison montre 15 points de différence a minima entre les deux types d’organisation. L’IA ne fait pas que personnaliser : elle permet de tenir, enfin, la promesse d’un arc client cohérent et continu.
LES ENJEUX FACE AU CLIENT ARC
- Valoriser le patrimoine de l’entreprise pour créer un « arc » reconnaissable et différenciant.
- Exploiter les données pour transformer l’historique client en arc narratif.
- Donner accès aux informations clients afin que chaque collaborateur (humain ou virtuel) dispose, en temps réel, d’une vision contextualisée et actionnable du parcours et des attentes.
Ce 17ème exercice de tendances client annuel a donné lieu à une conférence le 4 décembre 2025 dont les partenaires étaient KPAM, Smart Tribune, SVP et Yampa.
Vous pourrez accéder début janvier à l’intégralité des slides présentées dans un livre blanc. Elles viennent illustrer les propos de ce billet de blog.
Pour avoir une idée de l’ambiance qui y régnait, vous pouvez accéder à l’album photo en ligne sur la plateforme Joomeo.
A News Expérience client, le média d’Agora managers, a réalisé une vidéo qui retrace la conférence des Tendances client 2026.
1194 ème billet signé Thierry Spencer, conférencier, créateur du blog Sens du client, consultant et co-fondateur de KPAM Next, auteur du récent livre « Merci, petites et grandes histoires de l’expression de la gratitude ».
