Nous vivons dans un environnement qui se durcit, un monde plus violent. IFOP a réalisé une étude en 2025 intitulée Les Français et le civisme dans laquelle on apprend que nous observons une augmentation de l’agressivité verbale dans différents contextes, à commencer par le débat politique (78%), suivi des réseaux sociaux (78%), l’espace public (76%), dans les médias (70%) et dans le cadre professionnel (41%).

Les incivilités ne cessent d’augmenter dans les situations de relation avec les clients. La RATP recense 1400 agressions de conducteurs sur une année, soit 102% d’augmentation sur 3 ans (source SudRadio), le ministères des Transports évoque 200 à 500 incidents par mois à bord des avions, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) rapporte une augmentation de 70 % des incidents entre 2021 et 2024, avec 1 781 cas signalés en 2024 contre 1 050 en 2021, les agressions verbales ou physiques sont en hausse de 61 % depuis 2021 selon cet article de Air Journal.

Le client ne se réveille pas irritable, il le devient par accumulation. Accumulation de tensions (voir la tendance client 2026 Le client sera anxieux), de sollicitations ou encore d’injonctions contradictoires (cf la tendance Le client sera plutôt). Il évolue dans un environnement anxiogène et parfois brutal, avant même d’entrer en relation avec une marque. La relation client n’est plus un moment isolé : elle est le prolongement direct d’un monde sous pression. Dans ce contexte, l’irritabilité du client n’est pas qu’une dérive individuelle, mais un symptôme collectif qu’on ne peut ignorer.

Alors pourquoi le client sera irritable en 2026 ?

« Les incivilités et agressions à l’encontre des salariés ne sont pas nécessairement le fait d’individus ayant un passé de violence, désocialisés ou vivant dans un milieu défavorisé. Sous le coup de l’impatience ou de l’exaspération, tout le monde peut devenir un client ou un usager irascible« . C’est ce que nous dit le rapport de l’INRS intitulé « Travailler en contact avec le public. Quelles actions contre les violences ? ». L’irritation du client est aussi la résultante de situations insupportables. Dans la nouvelle édition de l’Observatoire des Services Clients 2025, Ipsos, BVA et Elu service client de l’année nous apprennent que 4 clients sur 10 ont vécu un moment particulièrement négatif lors d’un contact avec un service client à distance. Quand on leur demande quel mot décrit le mieux ce qu’ils ont ressenti à ce moment-là, ils répondent :

  • la déception à 34%
  • la colère à 34%
  • la frustration à 24%
  • l’incompréhension à 20%

Plus grave, ils sont 48% à déclarer avoir ressenti qu’un conseiller semblait stressé ou pressé lors de leur échange. Un effet dommageable sur la qualité des échanges pour 84% des clients.

Qu’est-ce qui irrite les clients ? C’est ce qu’a voulu savoir Tersea avec une étude réalisée par Ipsos digital il y a quelques mois dont il ressort que « les réponses automatiques inadaptées » dominent ce triste podium avec 58% des réponses, suivies de « l’attente téléphonique excessive » (54%) et « l’impossibilité de parler à un humain » pour 53% des répondants.

Dans son « State of Customer Experience 2025 », Genesys aborde le sujet des conséquences individuelles de ces irritants.

  • 14% des clients déclarent « J’ai perdu mon calme ou crié lors d’une interaction avec un service client »
  • « Une mauvaise expérience avec un service client m’a presque fait pleurer » selon 10% des clients
  • et plus grave, 8% avouent « J’ai insulté un représentant du service client / support »

Sachant tout cela, on ne comprend pas pourquoi les entreprises ne cessent de blâmer les clients alors qu’il y a tant à faire pour améliorer la qualité de l’expérience client. Occurrence pour Avec des Mots, a réalisé le passionnant Baromètre du Langage clair 2025 dans lequel on apprend que 45% des clients ont déjà abandonné la lecture d’un document jugé trop complexe. Face à un texte qu’ils ne comprennent pas, 10% des clients ressentent de la colère et 11% de l’anxiété. Et devinez quoi ? 23% d’entre les clients confrontés à un document compréhensible vont contacter un service client.

Notre monde est plus anxiogène, plus brutal, plus tendu. C’est un fait. Mais s’en servir comme unique explication à l’irritation des clients est une facilité. Car une part importante de cette irritation est fabriquée par les entreprises elles-mêmes : parcours déshumanisés, réponses automatiques absurdes, attentes interminables, langage incompréhensible, conseillers sous pression.

À force de nier leur responsabilité, les entreprises transforment des clients déjà fragilisés et sensibles en clients irrités. Or, plus l’environnement se durcit, plus leur rôle devrait être inverse : réduire l’effort, faire preuve de prévenance, humaniser ce qui a été brutalement digitalisé. En 2026, le client sera irritable. La vraie question est donc moins son comportement que la capacité des entreprises à cesser d’ajouter de la violence à un monde qui en déborde déjà.

LES ENJEUX FACE AU CLIENT IRRITABLE

  • Débanaliser le sujet des incivilités, en faire un recensement et un suivi transparent.
  • Outiller et soutenir les équipes en première ligne (et leurs manageurs) en développant des outils pour éviter ce que je nommerais l’usure émotionnelle.
  • Agir – toujours et encore – sur les causes systémiques des tensions en identifiant les irritants récurrents des parcours clients.

Ce 17ème exercice de tendances client annuel a donné lieu à une conférence le 4 décembre 2025 dont les partenaires étaient KPAM, Smart Tribune, SVP et Yampa.

Vous pourrez accéder début janvier à l’intégralité des slides présentées dans un livre blanc. Elles viennent illustrer les propos de ce billet de blog.

Pour avoir une idée de l’ambiance qui y régnait, vous pouvez accéder à l’album photo en ligne sur la plateforme Joomeo.

A News Expérience client, le média d’Agora managers, a réalisé une vidéo qui retrace la conférence des Tendances client 2026.

1195 ème billet signé Thierry Spencer, conférencier, créateur du blog Sens du client, consultant et co-fondateur de KPAM Next, auteur du récent livre « Merci, petites et grandes histoires de l’expression de la gratitude ».