Guénaëlle Gault et David Medioni viennent de signer Penser sans entraves, un ouvrage qui tente de faire la peau aux concepts qui nous empêchent de réfléchir. C’est un peu l’antithèse des livres de Jérôme Fourquet – très friand de concepts et d’expression frappantes -, dont le dernier qui s’intitule Métamorphoses françaises. J’ai cité ce dernier dans ma première tendance « Le client sera en repli ». Le fait d’opposer ces deux livres, desquels je tire des enseignements pour mes tendances, est bien la preuve que le comportement du client n’est pas si évident que cela à décrypter. A la fin, je me dis que l’essentiel est d’y consacrer du temps et y réfléchir avant de se réveiller un matin en se disant qu’on n’a pas vu arriver un phénomène de masse ou qu’on n’a pas cru à un signal faible.
Avec cette tendance du client conscient, j’ai voulu indiquer, non pas que les clients étaient sensibles aux enjeux écologiques et attentifs à l’impact de leurs choix de consommateurs, mais VRAIMENT sensibles et VRAIMENT attentifs.
La preuve venue de l’Obsoco – reprise dans le livre Penser sans entraves – : 72% de Français d’accord avec la proposition « Le moment est venu de donner la priorité à la promotion de modes de vie moins portés sur la consommation et moins consommateurs de ressources non renouvelables ».

La fin du green gap, vers un client (encore plus) conscient ?

On appelle le green gap (le fossé vert), l’écart entre la croyance, l’intention et l’action réelle. Il se peut que ce fossé se rétrécisse vraiment pour de bon. Faisons un état des lieux des usages et attitudes à partir d’études récentes :

  • Conscience aiguë : près de 6 clients sur 10 ont étudié en détail les produits et services qu’ils ont consommés en 2024 (selon Source : Euromonitor International, Voice of the Consumer: Lifestyles Survey 2024), je qualifierais cela de conscience aigüe, une espèce de continuité de ma tendance passée « Le client sera scrutateur ».
  • Volonté d’agir. 63 % des consommateurs ont essayé d’avoir un impact positif sur l’environnement au travers de leurs actions quotidiennes en 2024 (selon l’étude citée auparavant), preuve qu’il y a une conscience et une volonté d’agir. Ces dernières peuvent être déçues tant certaines promesses peinent à être tenues pas les entreprises.
  • Exposition au greenwashing. 52% de clients qui déclarent avoir ou entendu de fausses ou trompeuses informations à propos des actions durables des entreprises (Source : Kantas sustainability sector index).
  • Défiance en toile de fond. 63% de clients d’accord avec « Quand une marque ou une entreprise communique sur ses engagements, je me méfie toujours un peu » (Source : Observatoire de la perception de l’engagement des marques 2024 BVA Xsight Stratégiques CRSE Fondation Jean Jaurès).

Une des raisons du choix de cette tendance vient entre autres de cette étude du cabinet Simon Kucher, Sustainability 2024 : Navigating consumer behavior. On y apprend que 56% des clients sont prêts à payer plus pour des services et des produits durables (ce qu’ils nomment le « sustainability premium »). Au-delà de cette moyenne, ce qui m’a frappé est l’augmentation très sensible des proportions de clients secteur par secteur. Dans l’automobile par exemples, les clients n’étaient que 36% en 2022, ils sont 57% en 2024. Idem pour les biens de consommation : 40% en 2022, 59% en 2024…

Les entreprises font désormais face à un client conscient :

  • La prime aux vertueux. 77% des Français choisissent une entreprise qui valorise les comportements responsables (Relation client durable EY AFRC décembre 2024).
  • Cohérence avec ses valeurs. 64% des clients français déclarent avoir tendance à acheter des marques qui reflètent leurs valeurs personnelles (Source : Ipsos global trends 2024)
  • Une demande d’exemplarité. 85% % des Français qui jugent que les entreprises doivent intégrer les enjeux sociétaux et environnementaux au cœur de leur activité (Source : Observatoire de la perception de l’engagement des marques 2024 BVA Xsight Stratégiques CRSE Fondation Jean Jaurès)
  • Un point de vue sur le modèle des entreprises. 68% des Français qui pensent qu’une entreprise peut concilier engagement (social et environnemental) et recherche de profit (Source : la même étude BVA Xsight)
  • Besoin d’engagements. 66% des clients ont besoin de connaître les engagements des marques et des entreprises pour faire leur choix, et seulement 15% sont capables de citer une campagne de communication d’une entreprise sur ses engagements environnementaux, sociaux et sociétaux (Source : BVA Xsight)

Que font les entreprises ?

Elles font des fresques ! Une technique de sensibilisation très à la mode adoptée – tenez vous bien – par 60% des entreprises vs 41% en 2022 (Source : Baromètre de la RSE 2024 Vendredi Kantar), que la très piquante Julia de Funès qualifie de « lubie des progressistes bien-pensants »).

Des initiatives instructives.
Au-delà de ces actions de sensibilisation dont vous jugerez vous-même de l’intérêt et de l’efficacité, je note quelques initiatives intéressantes et surtout bien pensées (dont deux proviennent d’une conférence de All4customer Paris animée par Florence Bouchot en 2024) :

  • Lorsque IKEA annonce qu’elle livre ses produits en bateau par la Seine pour 70 000 clients parisiens et le fait savoir, l’enseigne suédoise prend appui sur ce qui pourrait être considéré comme anecdotique pour faire valoir ses engagements en faveur de la sauvegarde de notre planète. J’y vois une démarche modeste mais parfaitement exécutée et rendue publique. Pas besoin d’un grand plan RSE, il faut agir.
  • Deuxième initiative : l’enseigne Jacadi qui s’adresse à une clientèle aisée et propose un service premium clé en main avec une expérience d’achat « la plus simple et la plus fluide possible » pour la citer. « 2nd Jacadi » promet de donner une seconde vie à votre vestiaire, mais pas n’importe comment. Repassage, photos, mise en ligne des produits, Jacadi s’occupe de tout et propose à ses clients un service adapté à leurs moyens. Une très bonne façon de faire rimer positionnement haut de gamme et démarche RSE.
  • Troisième initiative : Truffaut, dont la raison d’être est « Faire découvrir les richesses et les joies de la nature pour contribuer à un monde meilleur », a choisi un combat : économiser l’eau, si indispensable à la majorité des produits que l’enseigne commercialise. Les collaborateurs, quant à eux, peuvent passer une journée par an à participer à un « chantier nature ».

Les enjeux des entreprises pour faire face à un client conscient :

  • Choisir des combats – même modestes -, s’engager et le faire savoir
  • Faire participer les collaborateurs pour la simple et bonne raison qu’ils constituent la première partie prenante d’une démarche RSE, avide de changements et en recherche de bonnes raisons d’être fiers de leur entreprise. C’est un des enseignements de l’étude « Les Français, les marques et la RSE » signée KPAM (extrait à télécharger gratuitement).
  • Aider les clients à mieux consommer en leur donnant davantage d’informations pour un choix raisonné et en faisant preuve de transparence pour les rassurer.

1147ème billet signé Thierry Spencer, conférencier, créateur du blog Sens du client, co-fondateur de KPAM Next et auteur du livre « Merci, petites et grandes histoires de l’expression de la gratitude« .

La rubrique Tendances client vous donnera accès à mes billets de tendances.

Vous retrouverez bientôt ces tendances sous forme d’un livre blanc sur le site de KPAM.

Vous pouvez également découvrir ci-dessous la vidéo de présentation de la conférence du mois de décembre dont les partenaires étaient Comearth, KPAM et SmartTribune. Vidéo réalisée par ANews Expérience client.