J’ai dirigé un service client dans lequel mes collaborateurs se plaignaient de ne pas avoir de repères pour savoir si leurs pratiques étaient à la hauteur des attentes des clients et en ligne avec la promesse de la marque. Rétrospectivement, je pense que ma meilleure idée était ce conseil : faites des réclamations régulièrement, étudiez les réponses des entreprises dans le détail et partagez-les en interne.

Je précise en introduction qu’on peut intégrer à cette routine non seulement les réclamations, mais aussi les avis client, les feedbacks écrits ou oraux, à distance ou en face-à-face, négatifs comme positifs. J’ajoute évidemment qu’il est préférable de choisir vos mots, d’être sincère et de faites preuve d’empathie pour les gens qui traiteront votre message !

Mon conseil : une réclamation, un feedback ou un avis par semaine.

Quels sont les bénéfices de cette routine ?

  1. Motiver les collaborateurs ou les challenger. L’expression « Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console » convient parfaitement pour illustrer ce bénéfice. Trop de collaborateurs laissent leurs reflexes de client au vestiaire lorsqu’ils travaillent. Rédiger une réclamation ou un avis par semaine va leur donner des raisons de se réjouir en constatant une réponse navrante d’une grande entreprise. « Bah finalement on n’est pas si mauvais ! » pourrez-vous entendre. L’inverse est tout aussi vrai. En faisant des expériences positives surprenantes, on pourra prendre conscience du chemin à parcourir pour faire de même. Dans mon expérience, je me suis souvent réjoui d’entendre mes collaborateurs conclure qu’il n’y a pas d’expérience parfaite, mais que la bonne volonté et le bon sens appuyés par de simples mots ou gestes pouvaient transformer un pépin en pépite, pour reprendre le slogan de l’AMARC (Association pour le management de la réclamation client). Il vous suffira de poser quelques simples questions en conclusion pour faire naître un changement : « Mais alors pourquoi ne fais-tu pas ça toi-même ? », « Qu’est-ce qu’il nous manque pour pouvoir mettre en place cette bonne pratique ? », etc.
  2. S’intéresser à ses concurrents d’expérience. La pratique de veille concurrentielle s’arrête trop souvent à sa concurrence directe, ce à quoi il faut ajouter que faire une expérience de la concurrence est parfois impossible, notamment en B2B. Faire une réclamation par semaine à la marque ou l’entreprise de son choix est une bonne façon de découvrir ses concurrents d’expérience. Un jour un cadre d’une banque me dit « Mais comment osez-vous nous comparer à Amazon ? ». « Ce n’est pas moi qui fait cette comparaison mais vos clients » lui répondis-je. L’exercice que je vous recommande est une bonne façon d’abolir les frontières, et de prendre conscience des attentes universelles du client. Le client est un collectionneur d’expérience, pour répondre une de mes formules favorites (lire mon plus ancien billet à ce sujet).
  3. Se mettre à la place du client. Ecrire un avis, rédiger une réclamation, c’est vous entrainer à décrypter une expérience client, être attentif à tous les points de contact. Toutes les personnes en contact avec les clients (à peu près un Français actif sur deux) sont en général plus observatrices que la moyenne. Entrainer ses collègues ou collaborateurs, quelle que soit leur position dans l’entreprise et la distance qui les sépare du client, à faire des feedbacks positifs comme négatifs, fait d’eux des professionnels de l’expérience client, des personnes capables d’avoir un peu de recul et un avis sur ce qu’ils vivent.
  4. S’offrir une belle occasion de parler d’émotions. L’expérience client est une affaire de ressentis et de perceptions du client. Au cœur de celles-ci : les émotions. Avez-vous remarqué dans les discours des entreprises championnes de l’expérience client -dont je me fais souvent l’écho dans mon blog (lire par exemple mon compte-rendu du webinaire du podium de la relation client) – on s’intéresse aux émotions du client et pas seulement à ses attentes fonctionnelles ? Demander aux collaborateurs de s’exprimer sur leur réclamation hebdomadaire est une bonne façon de les faire s’exprimer sur leurs émotions…
  5. Réaliser un benchmark à moindre coût. Pour peu que cette discipline interne donne lieu à un partage ou une historisation, vous bénéficiez d’un extraordinaire benchmark des pratiques de gestion de la voix du client. Vous allez découvrir de bonnes pratiques, des formules adaptées dans les réponses, des gestes de dédommagement originaux, des excuses bien senties, bref, de quoi alimenter votre benchmark interne en enrichir votre expérience.
  6. Décrypter un process. Si vous prenez soin de noter les heures, les dates, les lieux, les canaux de relation et que vous conserviez tous les éléments de l’échange écrit ou oral, vous serez en mesure de comparer les délais de réponse ou la capacité de l’entreprise à résoudre les problèmes du premier coup. Avec le temps et le volume, vous aurez des tendances, vous verrez des évolutions intéressantes, y compris dans les technologies mises en œuvre.
  7. Mesurer l’écart entre la promesse et la preuve. Mettre en place cette routine au sein de votre organisation est une bonne façon de faire prendre conscience à vos collègues ou vos collaborateurs de la distance qui peut séparer une promesse de marque ou d’entreprise et une preuve. Prenez par exemple le décryptage que j’ai fait d’une réclamation à la marque 1664 (lire mon billet à ce sujet dans ma rubrique Réclamathon). J’y fait beaucoup référence à l’image de la marque, ses prises de parole publicitaires, son slogan avant de passer mon expérience au crible.
  8. Alimenter vos réunions et vos discussions. Beaucoup d’entreprises sont à la recherche de contenu dans leur programme de culture client, beaucoup se demandent comment sensibiliser les collaborateurs à l’importance de l’expérience client. Demander aux collaboratrices et collaborateurs de faire une réclamation ou un avis par semaine et utiliser cette matière première comme source d’échange est une bonne pratique. La magie de cette pratique est que les collaborateurs se mettent à parler d’expérience client entre eux sans le savoir. Il vous reste alors à leur demander si ce qu’ils ont vécu leur apprend quelque chose sur leurs propres pratiques et celles de l’entreprise.

Lorsqu’on me demande après une conférence comment je fais pour avoir un tel stock d’histoires de client, je cite l’écrivain Paul Auster (disparu il y a quelques semaines) : « Les histoires n’arrivent qu’à ceux qui sont capables de les raconter. De même, les expériences ne se présentent qu’à ceux qui peuvent les vivre. » Faire grandir sa culture client, améliorer son expérience client, demandent de la discipline. Demander à vos collègues ou collaborateurs de mettre en œuvre cette routine pourrait bien vous aider à progresser pour peu que vous fassiez cet exercice avec application et enthousiasme !

Avec le temps, vous verrez que vous y prendrez goût. Cette semaine, j’ai fait 3 exercices : un feedback positif à un serveur après un irritant résolu, une réclamation à PaperMate car un de mes stylos Flare (mes préférés) n’avait pas d’encre et ce matin, j’ai rédigé un avis à propos de mon expérience désastreuse dans un magasin Picard.

1115ème billet signé Thierry Spencer, conférencier, créateur du blog Sens du client, co-fondateur de KPAM Next.

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