02 mars 2019

Gestion des réclamations clients : les 7 enseignements de l'enquête AMARC / INIT

L'Association pour le MAnagement de la Réclamation Client et le cabinet d'étude INIT viennent de publier une grande enquête sur la gestion des réclamations, un véritable état des lieux sur le sujet qui est à mes yeux le plus important marqueur d'une forte orientation client.

De cette enquête menée auprès de 135 entreprises dont la quasi totalité sont membres de cette association (dont j'ai le plaisir de faire partie depuis 2006), j'ai tiré 7 enseignements.
  1. De plus en plus de réclamations. Le solde entre réclamations en hausse et réclamations en baisse est à la faveur de l'augmentation des réclamations. 36% des entreprises interrogées considèrent que le volume de réclamations est croissant depuis quelques années, vs 13% qui observent une baisse, et 52% qui estiment que le niveau est stable. Rien d'étonnant à cela du fait que le client a de plus en plus de moyens de s'exprimer ; il a plus de canaux ouverts et il utilise plus volontiers son propre terminal connecté, à savoir le téléphone mobile. Je ne peux que me réjouir de cette hausse qui montre, outre le niveau d'attente plus élevé des clients, un engagement plus fort des clients qui prennent la peine de réclamer (lire la chronique du livre "Hug your haters / câlinez vos réclamants"). N'oubliez jamais qu'une réclamation est un cadeau !
  2. Une minorité d'entreprises matures dans la gestion des réclamations. Selon l'AMARC et INIT, seulement 22% des entreprises sont considérées comme "matures" dans cette discipline. Elles ont en commun d'avoir sensibilisé tous leurs collaborateurs en contact avec le client au thème de la réclamation, elles utilisent les réclamations comme un levier d'optimisation (autrement dit, comme dirait l'AMARC dans son slogan, elles "transforment le pépin en pépite"), et enfin, elles mettent en oeuvre la majorité des bonnes pratiques recommandées dans l'enquête et parmi lesquelles : accuser systématiquement réception des réclamations, avoir des engagements auprès des clients en termes de délais de traitement de la réclamation et informer systématiquement le client de l'avancement du traitement de sa réclamation.
  3. 9 entreprises sur 10 disposent d'un service dédié. En hausse de 15 points par rapport à la précédente enquête, la proportion d'entreprises disposant d'un service dédié au traitement des réclamations est de 88%. Parmi elles, 71% connectent leur outil de gestion des réclamations à leur base de données, permettant ainsi un meilleur suivi des clients mécontents et un potentiel calcul du ROI (voir le dernier point de ma synthèse). Si la proportion d'entreprises qui possèdent un service au sein de leur organisation, seules 45% d'entre elles diffusent leurs reportings concernant la réclamation hors du cercle du comité de direction. Un service réclamation est une chambre d'écho du client, c'est l'incarnation en interne de la voix du client, et pas seulement un bureau de traitement des problèmes dont on ne voudrait pas entendre parler !
  4. Une trop faible sensibilisation.  Alors que 4 clients sur 10 réclament à l'occasion d'une visite, c'est à dire en face-à-face avec un représentant de l'entreprise, seules 43% des entreprises ont formé ou sensibilisé l'ensemble du personnel (5%) ou l'ensemble du personnel en contact avec les clients (38%). Cela signifie que des situations conflictuelles ou de grandes insatisfactions ne sont pas résolues et génèrent des clients mécontents qui deviennent potentiellement infidèles. Il y a des trous dans la raquette ! Cette absence de sensibilisation de tout le personnel a des impacts directs sur le chiffre d'affaires, sans compter le fait qu'un collaborateur seul et sans solution face à un client réclamant finit par se démotiver et se désengager.
  5. Une autonomie à développer. En prolongement du point précédent, on apprend dans cette étude que la majorité des 41% de réclamations faites dans un lieu d'exercice (point de vente, magasin, lieux d'accueil physique, agence...) ne sont pas traitées au moment de l'expression du client. 50% des réclamations exprimées en point de vente sont transmises à un autre interlocuteur pour traitement. Je sais que toutes les réclamations ne peuvent pas être traitées sur place, mais je pense qu'une grande partie d'entre elles pourraient être gérées en autonomie. Un collaborateur qui n'a pas les moyens de gérer seul une insatisfaction en face-à-face est un collaborateur qui est mal considéré par le client, c'est un collaborateur qui perd toute sa crédibilité et son efficacité par le fait qu'il va rompre la relation avec le client. Par le manque de confiance qu'on lui a accordé, il finit par se désengager et se désintéresser de l'insatisfaction du client. Combien de fois avez-vous entendu en tant que client le mot qui tue (lire mes billets à ce sujet) : "il faudrait écrire au service réclamations" ? C'est l'expression des collaborateurs en manque de reconnaissance à qui on ne donne pas le droit de traiter le plus important moment de vérité de l'expérience client : la réclamation.
  6. Un "once and done" trop faible. 60% des réclamations ont été clôturées dès le premier contact. C'est la mesure dite du "once and done", le "tout bon du premier coup" ou "first contact resolution" (résolution au premier contact). Evidemment, on ne peut pas tout résoudre en une seule fois, néanmoins, 4 réclamations sur 10 non clôturées est une proportion encore trop faible. La faible autonomie laissée au collaborateurs (voir point précédent) et l'absence de politique de dédommagement partagée sont deux causes majeures de cette inefficacité. Seule une courte majorité d'entreprises (53%) a mis en place une politique de dédommagement, une mesure susceptible d'aider les collaborateurs à faire face à la majorité des situations et prendre des responsabilités. Le fait de traiter rapidement la réclamation, au moment où le client s'exprime est qui plus est généralement une action très bénéfique d'un point de vue économique. C'est un calcul simple à faire auquel il convient d'ajouter le fait que le client est toujours moins gourmand en dédommagement tout de suite qu'à la suite d'un long et pénible process qui ne fera que faire monter son niveau d'attente (on relira avec intérêt l'histoire de Dave Caroll le client mécontent le plus célèbre).
  7. Une vision du ROI encore trop faible. On ne peut que se réjouir du fait que la mesure de la satisfaction post réclamation est en croissance : 55% des entreprises réalisaient cette mesure en 2010, elles sont 63% en 2018. En revanche, seulement 6% des entreprises interrogées calculent le retour sur investissement du traitement des réclamations, 11% calculent le taux de ré-achat et 21% estiment le coût moyen de gestion d'une réclamation. C'est pour moi la plus grande alerte de cette enquête car elle témoigne d'une trop faible vision économique de la gestion des réclamations. En calculant le ROI (retour sur investissement) des réclamations, les personnes en charge de leur gestion apportent des preuves essentielles aux dirigeants de l'entreprise qui n'ont qu'une très faible culture de la gestion de l'insatisfaction. Comment voulez-vous défendre un budget, demander des moyens ou embaucher des collaborateurs si vous n'êtes pas capable de prouver que bien gérer une insatisfaction génère de la valeur pour l'entreprise ? J'en reviens à un de mes billets dans lequel je raconte mes expériences personnelles et où je défends l'indispensable réconciliation entre les convictions et les preuves. Ce résultat devrait alerter tous les membres de l'AMARC et vous cher(e) lecteur(trice) : il y a urgence à sortir de votre bureau et aller demander de l'aide à un collègue de la direction financière pour faire le business case de la réclamation. Vous en sortirez renforcé(e) et vous aurez fait évoluer la culture de votre entreprise.
Je vous invite à télécharger l'infographie de cette étude sur le site de l'AMARC et à regarder la video de restitution

858 ème billet de Thierry Spencer , auteur du blog Sens du client, Customer Experience Storyteller à l'Académie du Service

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