Entre le moment de la sortie d’un livre et ma chronique, il peut se passer un certain temps. Certains livres me tombent des mains et viennent garnir les étagères de ma bibliothèque professionnelle, faute d’intérêt. J’ai l’impression d’avoir perdu un peu de mon temps, mais d’être fixé sur les auteurs. Je fais alors le choix de ne pas en parler. Et puis certains ouvrages sont plus difficiles à lire, prennent du temps et dorment à mes côtés sur ma table de chevet. Les post-its s’y accumulent dans les pages et lorsque ceux-ci passent un certain volume, ils me rappellent par leurs couleurs éclatantes que je dois me mettre à en faire une chronique. « Réussir en équipes » fait partie de ces livres qui m’ont vraiment passionné et dont je sens le besoin de partager les bonnes raisons de le lire sur mon blog. Son titre original « Raise the bar » (mettre la barre plus haut, élever le niveau) a des accents anglosaxons de success story, son titre français est davantage orienté sur le management. Les deux angles s’entendent bien d’une certaine façon.
Présentation du livre Réussir en équipes par l’éditeur et les auteurs
Avec un simple téléphone et un ordinateur portable, Nicolas Chartier et Guillaume Paoli ont créé une start-up de vente de voitures en ligne qui a aujourd’hui dépassé le milliard d’euros de chiffre d’affaires et qu’ils ont menée jusqu’à l’introduction en Bourse.
Leur volonté de fonder une entreprise pérenne les a vite confrontés aux contradictions de la croissance et de la rentabilité, de la satisfaction des clients et de l’épanouissement des collaborateurs, de l’ajout de nouvelles offres, fonctions et systèmes face au poids de la complexité.
Réussir en équipes raconte leur rencontre avec le lean : comment cette méthode de management innovante leur a permis de changer de regard en résolvant les problèmes avec les équipes pour la satisfaction de chaque client, et de maintenir la dynamique et la vitalité de l’entreprise face au changement d’échelle.
La lecture de cet ouvrage vous donnera les clés d’un management sincère et performant qui a appris à concilier apprentissage individuel et intelligence collective, réussite de chacun et réussite de l’entreprise.
Vous y trouverez comment les fondateurs et leurs équipes ont su transformer les crises en opportunités, comment ils ont coconstruit cette réussite à partir des idées et des initiatives de tous, et comment ils continuent à innover pour réussir en équipes les virages du digital, de l’économie circulaire et de la voiture électrique.
Les bonnes raisons de lire le livre « Réussir en équipes, de zéro à un milliard : comment coconstruire la croissance avec les équipes et les clients. »
Parce qu’il s’agit d’un excellent témoignage sur la réussite d’une entreprise. J’adore les histoires, et lorsqu’elles sont le récit d’une entreprise orientée client, je m’empresse de les lire. AramisAuto n’est pas naturellement dans le radar lorsqu’on parle d’expérience client en France, n’ayant remporté aucun prix dans ce domaine. La première chronique de mes livres cet été était consacrée au réseau Gens du confiance avec le livre du même genre – l’Insider Story – de Enguerrand Léger (lire ma chronique publiée il y a quelques semaines). « Réussir en équipes » est profond, riche et digne de figurer dans une belle bibliothèque de dirigeants d’entreprise ou de jeunes diplômés, à côté de Mission BlaBlaCar de Frédéric Mazzella (lire mon billet à son propos). Deux livres remarquablement écrits, documentés et utiles. Les auteurs de Mission Blablacar qualifiaient leur livre de « MBA à 19 euros », je dirais que « Réussir en équipes » est « Une formation pratique au lean à 28 euros ».
Parce que les auteurs invitent à une forme d’humilité et de curiosité. Michael Ballé (chercheur, cofondateur de l’Institut Lean France), Régis Medina (consultant, cofondateur de Learning to Scale Academy) sont les co-auteurs de ce livre avec Nicolas Chartier et Guillaume Paoli, les cofondateurs d’Aramis. Le groupe est devenu le leader européen de la vente de voitures d’occasion et la plateforme de référence pour les Européens souhaitant acheter une voiture d’occasion en ligne. La raison d’être du groupe est d’offrir une mobilité individuelle abordable et durable à tous les Européens. Son ambition : être la plateforme de référence pour l’achat de voitures d’occasion en Europe. Aramis compte plus de 700 000 clients dans 6 pays. C’est une réussite extraordinaire et remarquable à plus d’un titre. Le ton de ce livre, les exemples qui sont donnés, réussites comme échecs, montrent à quel point les dirigeants de cette entreprise ont accepté la remise en cause, le questionnement de leur management et la découverte de nouvelles méthodes pour grandir. S’ils ne lèvent que très peu le voile sur leur propre personnalité (ce que feraient des auteurs américains naturellement et ce qu’on attend un peu comme lecteur), on comprend leur cheminement personnel en filigrane dans une narration complètement dépersonnalisée, ce qui favorise in fine notre propre compréhension et notre capacité à mettre en oeuvre leurs conseils. Ils ont appris et ils nous partagent avec deux coauteurs talentueux leur parcours. Ils font leur cette maxime, titre d’un chapitre du livre « Ce n’est pas la quantité de connaissances qui compte, mais la qualité de l’apprentissage ». Tout l’esprit du lean est dans ce livre.
Parce qu’il nous aide à comprendre un discipline centrale de management des entreprises. J’ai choisi comme illustration de ce billet une photo à bord de ma voiture, une Toyota Yaris et ce n’est pas fortuit. Il est beaucoup question du constructeur japonais dans ce livre et de ses célèbres méthodes de production et de management. On y suit les interventions de plusieurs sensei (« celui qui emmène le dirigeant sur le terrain pour lui apprendre à voir la réalité et à penser les situations différemment », définition de l’Institut Lean France), et on se régale du compte rendu des visites dans un lieu d’accueil des clients alors qu’un client peine à aller du parking à l’intérieur de la concession, ou bien lorsque le sensei s’adresse aux équipes marketing avec la très subtile et très simple question « Pouvez-vous décrire la conversation que le site a avec le client ? ». Les auteurs nous rappellent les bénéfices de l’accompagnement dans ce mode de pensée – et d’action – du management : « Les sensei que nous avons rencontrés s’accordaient tous sur un point : l’enjeu n’est pas seulement de trouver des problèmes, mais d’y faire face. » Les auteurs ne sont pas avares en exemples et certains sont savoureux. Au cours d’un gemba walk (une démarche du lean management qui consiste à aller sur le terrain pour voir la réalité du travail, comprendre les problèmes et échanger avec les équipes.), les auteurs reconsidèrent leur approche des notes Google et décident d’abandonner les pratiques consistant à demander avec insistance aux clients de laisser un avis plutôt que d’examiner avec soin les critiques et corriger les problèmes.
Parce qu’il nous rappelle la place centrale qu’occupe un service client. On comprend à la lecture du livre le chemin parcouru par les dirigeants d’AramisAuto qui caressaient le doux rêve de construire une plateforme sur internet offrant une expérience client parfaite. Ils l’avouent avec une forme de candeur : « Les clients insatisfaits (…) restaient tout de même un problème incontournable. », déclarent ils dans le chapitre 2 du livre. Ils découvrent ce qu’ils nomment « la zone grise » entre un produit et un service, la situation où le client est sans solution et doit faire appel à un humain pour régler son problème. Ils ajoutent dans ce même chapitre : « Si vous pensez que tout peut être automatisé, la promesse du numérique vous met en difficulté. » Un peu plus loin dans le livre dans un chapitre nommé « Une source d’avantage concurrentiel », les auteurs nous rappellent que « Le lean débute au service client, une excellente source de mauvaises nouvelles. » et que « notre entreprise s’est construite sur les plaintes de notre entourage au fil de leurs expériences d’achat chez les concessionnaires automobile. » Le livre est une leçon d’orientation client pour toutes les entreprises, une bouffée d’oxygène pour tous ceux qui font de la résolution des problèmes leur quotidien et leur passion.
Parce qu’il nous donne une belle leçon de management profitable à la culture client. Les auteurs fendent (un peu) leur armure en avouant d’entrée de jeu leur approche du management par le commandement et le contrôle au lancement de l’entreprise. Puis au fil des pages, à mesure qu’ils progressent eux-mêmes, ils partagent leurs défis liés à la croissance des effectifs, des clients et des fonctionnalités du site. Ils s’engagent avec force dans la voie de la « culture de l’écoute et de la résolution des problèmes centrés sur le client ». Ils nous partagent leurs convictions avec force exemples :
- le nécessaire encouragement à l’initiative, ou comment passer d’un système où les prises de décision et les règles sont centralisées à celui où les manageurs locaux et les collaborateurs font preuve d’initiative et sont soutenus par le central. Ils précisent avec justesse « (…) une grande partie de la culture dépend plus de l’orientation du leader local que de celle de l’entreprise » pour étayer leur conviction qui est « Soutenir les manageurs de terrain pour développer une culture de croissance ».
- le poison des silos au sein de l’entreprise ou « les fonctions sont orientées verticalement pour faire des ‘offrandes au chef’ (montrer au patron des projets réussis) et non horizontalement, c’est à dire pour apporter de l’aide aux autres fonctions et in fine aux véritables clients. »
- le danger de la perte de sens, à mesure qu’on recrute en masse et que les fondateurs s’éloignent des recrutements par exemple. Ils évoquent le cauchemar de tout nouvel entrepreneur à un certain stade, à savoir : « devenir une entreprise normale ». Ils insistent sur l’impérieuse nécessité de « fournir aux équipes de terrain un sens clair, une raison d’être. »
- l’écueil central de toute entreprise de grande taille : les choix quotidiens des manageurs. « (…) les manageurs sont confrontés à un flux incessant de problèmes qu’ils peuvent résoudre soit par la conformité (se conformer aux processus, systèmes, règlementations et instructions de l’entreprise émanant de la direction), soit par la compétence (utiliser leurs connaissances et leur expérience pour résoudre les problèmes en réunissant des têtes bien faites). » écrivent les auteurs.
- la posture capitale d’exemplarité des dirigeants illustrée par cet extrait : « lorsqu’on nous annonce une mauvaise nouvelle, la façon dont nous réagissons renforce la culture de confiance et de résolution de problèmes en encourageant une réflexion de haut niveau, ou bien, au contraire, l’affaiblit en déclenchant des réflexes de base. La tendance des êtres humains à reproduire le comportement de leurs dirigeants, reste le mode de comportement le plus répandu du management. »
- la dimension émotionnelle : « On nous apprend à considérer la résolution de problèmes comme un exercice logique et cérébral. Bien sûr le raisonnement logique est important. Mais l’autonomie dans la résolution de problèmes est aussi largement une question d’émotions. Les gens doivent ressentir un déplaisir, une insatisfaction et avoir envie de faire quelque chose. Ils doivent résister à la tentation de trouver rapidement des solutions ou de détourner le problème. » J’aurais aimé un plus grand développement dans ce livre de la dimension émotionnelle, et j’ai eu parfois l’impression de lire un livre signé par des Japonais. J’en veux pour preuve cette citation de Yoshino-san extraite du livre « Le secret du succès durable de Toyota, c’est qu’il n’y a pas de secret. Toyota est une entreprise sérieuse, c’est tout. » « Réussir en équipes » est un livre sérieux, les auteurs sont sérieux, les méthodes sont sérieuses, les méthodes sont japonaises.
- la place centrale de la confiance « ingrédient magique qui permet à un groupe de travailler en équipe » nous disent les auteurs qui développent ce chapitre en 3 points en s’appuyant sur une étude du management de Google : des relations de confiance, la confiance dans les intentions et la confiance dans la compétence.
- dernière conviction que j’ai eu grand plaisir à découvrir, au chapitre concernant la théorie lean qui préconise de « faire preuve de respect » en essayant de « ne pas contrôler la conversation » lors des gemba (visites sur le terrain). Un des conseils est « Dites merci (et soyez sincère). Remerciez-les pour la conversation. C’est une chose que nous ne faisons jamais assez. Notre règle d’or est de dire au moins un « merci » par jour. Dire merci a des conséquences inattendues. L’approbation reste le facteur de motivation le plus puissant que nous connaissions ». Si j’avais lu ce livre plus tôt, nul doute que ce conseil aurait figuré dans mon livre « Merci » sorti en janvier dernier. Mais le témoignage d’Hélène Vay Rapp, DRH de Toyota dans mon ouvrage (comme cette vidéo que je vous conseille, issue de l’émission CX Impact) est une bonne illustration de cet esprit japonais que j’affectionne.
Je vous recommande l’achat de ce livre passionnant dont les auteurs font preuve de talent et de sens du partage. AramisAuto est une belle réussite française, une entreprise dont j’ai découvert la forte culture client grâce à ce livre.
Il vous faudra cinq heures pour lire ce livre de 348 pages écrit dans un style limpide, soit le temps d’un trajet en voiture qui sépare l’agence AramisAuto de Nice à celle d’Annecy, deux belles destinations où vous pourrez acheter une Toyota. Pour le commander, suivez ce lien.
Pour compléter votre lecture, vous pouvez relire mon billet « Genshi Genbutsu ! Faites comme Toyota, Leroy Merlin et BlaBlaCar : allez sur le terrain ! »
1172ème billet signé Thierry Spencer, conférencier, créateur du blog Sens du client, consultant et co-fondateur de KPAM Next, auteur du récent livre « Merci, petites et grandes histoires de l’expression de la gratitude » .
Mon livre blanc des tendances client 2025 est en téléchargement gratuit en suivant ce lien.