30 mai 2020

Marie-Louis Jullien (AMARC) et le Sens du client


Association Réclamations Client
J'ai le très grand plaisir de partager avec vous aujourd'hui l'interview d'un des hommes les plus affables et sympathique que je connaisse. Délégué général de l'Association pour le MAnagement de la Réclamation Client (dont je suis fièrement membre depuis 2006), Marie-Louis Jullien est une personnalité de notre secteur d'activité. Toujours disponible, d'égale humeur, maniant la diplomatie et l'humour comme personne, sans esprit partisan, Marie-Louis est un formidable rassembleur de talents. 
Au service d'une cause à but non lucratif, rappelons-le, il est au service des élus de son association et de ses membres. Il contribue à ce je-ne-sais-quoi, dans l'ambiance, dans le style de l'AMARC, qui fait que chaque convention de l'AMARC compte des centaines de participants ravis, à la recherche de benchmarks utiles et de découvertes.
Sa modestie devra en souffrir, mais je dois vous le dire, j'ai une grande admiration pour lui.
Je suis d'autant plus heureux de vous proposer ses réponses au questionnaire du Sens du client (interview réalisée avant la crise que nous connaissons actuellement).
Qui êtes-vous ?

39 ans, marié et père de deux lutins, je m’éclate professionnellement depuis bientôt 15 ans dans l’univers de la relation client.
Après une formation initiale en marketing, je persévère dans la communication de crise et rencontre Philippe Détrie, serial entrepreneur. De professeur, il devient mon boss, probablement même un mentor. Recruté pour accompagner la création d’une communauté de pratiques, je tombe alors dans la marmite de l’AMARC (Association pour le MAnagement de la Réclamation Client) dans laquelle je me réalise, en accompagnant avec passion et humilité des organisations, mais surtout des femmes et des hommes.
Délégué général de l’association, cette mission me donne l’illusion de servir concrètement mes concitoyens, consommateurs et acteurs de la relation client, souvent peu considérés ; mais aussi de participer à la pérennisation de marques, car tel est bien l’enjeu de la relation client aujourd’hui. En cela, j’aime me voir comme un troubadour ou polinisateur entre des univers qui ont tant à s’apporter : entreprise, recherche académique, armée, religion, santé, art…

Selon vous, pour une entreprise, qu’est-ce qu'"avoir le sens du client " ?

Les réflexions portées par Philippe Moati, économiste et co-président de l’ObSoCo, sont clairement à la source de ma réponse : c’est une entreprise qui s’ajuste aux besoins de ses clients pour leur « délivrer les effets utiles » qu’ils sont venus requérir auprès d’elle. Si cette formulation n’est pas sexy, elle me parait claire : avoir le sens du client, c’est l’accompagner pour lui permettre de trouver la réponse à ses besoins. C’est viser sa satisfaction, en s’adaptant à ce qu’il est, à ce qu’il vit.
La réalisation, et dans certains cas le dépassement, de l’effet recherché par le client concourt à sa satisfaction, sa fidélité, sa recommandation !
Maintenant, si la question porte sur la tonalité relationnelle, il me semble qu’une marque qui aborderait chaque client, non comme le suivant mais comme son prochain aurait de la gueule ! Elle produirait une réelle valeur ajoutée, non seulement pour ses clients, mais aussi pour la fierté d’appartenance de ses collaborateurs, et donc pour la Société dans son ensemble !
Il va de soi, mais c’est mieux en l’écrivant, qu’une telle capacité à accompagner ses clients nécessite une organisation et un management cohérents avec cette ambition…

Que pensez-vous de l’évolution de la relation client en France ?

L’oppression concurrentielle et l’effraction digitale ont permis à beaucoup d’entreprises de découvrir l’existence de leurs clients (sic), et par là même de leurs collaborateurs (re-sic) ; les seconds étant indispensables à la satisfaction des premiers. Cette évolution a enclenché un premier glissement, nous faisant passer d’une ère où le client était souvent méprisé à celle où il fit l’objet d’un fabuleux "customer washing". Désormais, la majorité des entreprises semble percevoir qu’il s’agit d’une question de survie, essayant enfin de joindre les actes à la parole. Mais… bouger une culture d’entreprise requiert 5 à 10 ans, or « Culture eat strategy for breakfast » comme l’édictait Peter Drucker.
C’est ainsi que les entreprises nativement orientées clients recherchent dans chaque innovation ou évolution du marché, une opportunité d’améliorer leurs modèles ; là où les retardataires voient en ces mêmes innovations ou évolutions, des boulets additionnels. Dans un marché qui requiert toujours plus de facultés d’adaptation, cette dimension culturelle est (la) clef.
Aussi, grâce à la menace des baïonnettes digitales, la relation client est sur la bonne pente. Globalement, clients et acteurs de la relation client semblent mieux considérés de part et d’autre, plus affûtés dans leurs attentes, dans leurs exigences. Cette satisfaction en bande organisée commence à prendre forme mais – heureusement – il nous reste encore beaucoup à faire. Et pour balayer devant ma propre porte, il reste fort à faire pour poursuivre notre quête d’ancrer la réclamation comme un levier au service de l’innovation, de la performance financière et de la transformation. Transformer le pépin en pépite® n’est pas un simple slogan, c’est une démarche exigeante, passionnante et gagnante.
Voici le verre à moitié plein, la version à moitié vide consisterait à alerter sur le fait que le département client fait désormais, régulièrement, l’objet de convoitises plus que de convictions dans la mesure où il permet d’élargir ses équipes dans un parcours de direction ; que rémunérer la satisfaction client c’est bien mais qu’en abuser ça craint ; que le concours de celui qui aura le plus gros NPS dresse une issue inquiétante car, à la fin, c’est un actionnaire échaudé qui nous chassera avec fracas et raison. 
Non sans humour et efficacité, Frédéric Lobermann directeur de l’expérience client d’Orange illustrait cette menace par l’image de l’indicateur pastèque, vert à l’extérieur et rouge à l’intérieur. On pourrait même parler d’un syndrome John Lerouge, ce smiley ensanglanté qui nargue Patrick Jane sur les différentes scènes de crime de la série du Mentalist. 

Avez-vous une anecdote, un exemple de relation client remarquable ?

A vrai dire, j'en ai plusieurs à partager.
La remise de deux petites bouteilles d’eau fraîches alors que mon épouse et moi-même rejoignions notre voiture après avoir réglé notre séjour d’une semaine dans un fabuleux resort. Cette attention (de quelques centimes) a surpassé la débauche des services, aussi appréciés qu’attendus, lors de cette même semaine.
Le coup de fil d’un fonctionnaire de la Préfecture de Paris m’invitant à le rejoindre sans délai pour rectifier une coquille lors d’une demande de passeport accélérée. Sans cette personne, qui avait pris l’initiative de me harceler tout un après-midi, à partir de son téléphone personnel, je n’aurais pu partir deux jours plus tard à mon premier séminaire SOCAP, association américaine qui réunit les acteurs de la relation client US.
Un couple de visiteurs ramassant un papier gras laissé par d’autres dans les allées du Parc du Puy du Fou, ce geste simple traduisant, à mes yeux, l’adhésion de visiteurs conquis par la qualité de l’expérience qui leur est donnée à vivre et qu’ils souhaitent préserver pour les autres.
Vivre l’authenticité d’une relation humaine en franchissant les portes d’un Café Joyeux. Lieu de vie où notre quête, souvent insatiable, de performance ou d’efficacité s’efface devant la joie de la rencontre à l’autre, sincère, authentique… et aujourd’hui tellement rare.
Enfin, la qualité du temps, pourtant court, accordé par les équipes de la maternité de l’Hôpital Foch de Suresnes où mes deux lutins sont nés. De la délicatesse… un mot souvent absent dans nos bouches et dans nos actes !

Pour compléter cette interview, vous pouvez relire mes billets récents consacrés à l'AMARC :

En savoir plus sur l'AMARC : 
L’AMARC, est un réseau de professionnels passionnés et convaincus que l’amélioration de la relation client est un formidable levier pour faire grandir les équipes et les entreprises.
Son ambition ? Professionnaliser et promouvoir le management de l’insatisfaction client et, plus largement, de la relation client.
Depuis plus de 15 ans, l’AMARC a consolidé son expertise et développé des outils de référence pour progresser. Plus de 300 entreprises venant de tous les secteurs sont impliquées et représentées dans son réseau. A travers différentes activités, l'AMARC propose à ses membres d'avancer ensemble sur ce qui les rassemble : l’envie de transformer le pépin en pépite ! ® (son slogan et son moto).
Sa conviction : la réclamation client est le moment de vérité de la relation client. C’est un véritable levier de performance financière, d’innovation et de transformation.
Acteurs de la réclamation, relation client, qualité, marketing, expérience client, parcours client… Rejoignez l'AMARC et venez partager vos expériences !
Pour adhérer, suivez ce lien.

911ème billet et 161ème interview signée Thierry Spencer, créateur du blog Sens du client, Customer Experience Storyteller à l'Académie du Service, et auteur du livre Avez-vous le Sens du client ? qui vient de sortir aux Editions KAWA.

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