07 mars 2020

Pourquoi les grèves et le Coronavirus impactent l'expérience client

La France a connu une période de grève importante à la fin de l'année 2019 dans les transports principalement (en Ile de France en particulier avec la RATP), et s'apprête à vivre un épisode inédit et national d'épidémie de Coronavirus. Comment ces deux événements ont un impact sur l'expérience client ? Essayons avec quelques exemples de montrer à quel point le phénomène du client "collectionneur d'expériences" s'amplifie avec ces crises.
De nouvelles expériences 

Expériences inédites en mobilité
Grève ou épidémie : une restriction de la circulation a un impact sur le quotidien de millions de personnes qui s'organisent et cherchent une alternative à leurs modes de transport quotidien pour se rendre sur leur lieu de travail ou pour faire leurs achats.
Selon un sondage OpinionWay, 20% des Français ont été impactés par les grèves (dont 7% "fortement"), un chiffre à mettre en perspective à l'échelon national  avec 50% de Franciliens impactés (soit 6 millions de personnes) et 11% hors Île de France (soit 6 millions d'individus, le même nombre en valeur absolue).
12 millions de personnes au total, ça fait environ 9 millions de personnes majeures, autant de consommateurs et de clients qui ont du changer tout ou partie de leurs habitudes.
En décembre, la société d'autocars Flixbus est passée de 400 à 500 bus en circulation. Blablalines a connu le 9 décembre un pic d'inscriptions correspondant à 20 fois la moyenne. Blablacar et Blablabus ont comptabilisé 220.000 clients pour la journée du 20 décembre (chiffres cités par l'Echo Touristique) et 10% des Français déclarent avoir eu davantage recours au covoiturage (OpinionWay).
Ce sondage Opinionway pour Challenges nous révèle en outre que la marche à pied est devenue le premier mode de transport, passant d'un usage déclaré de 17 à 70% pendant les épisodes de grèves. 11% des Français interrogés déclarant que "c'était même la première fois qu'elles se rendaient à pied sur leur lieu de travail".
Quant au vélo dans les grandes villes, son usage qui ne cesse de se développer (+ 54 % entre septembre 2018 et septembre 2019, selon la mairie de Paris) a connu un boom pendant les grèves de décembre et plus d'un tiers d'entre les utilisateurs projettent de maintenir leur utilisation dans le futur, "principalement pour des raisons de coûts et de santé" (selon Challenges/Opinionway).
Ajoutez à ces nouvelles expériences celles d'application de navigation (recensés par Libération à l'occasion des grèves) type Google maps, Moovit, Geovelo, CycloFix, CityGo, RailZ, et bien sûr Waze qui compte 12 millions d'utilisateurs en France (son premier marché) ou encore Citymapper, la startup britannique présente dans 41 villes du monde qui a profité de la grève pour développer une communication en connivence avec un bulletin météo quotidien des grèves très humoristique. De quoi faire ne nouveaux adeptes...

La téléconsultation en hausse
Blablacar n'est pas la seule licorne a bénéficier des périodes de crises. Doctolib enregistre une "augmentation de 40% des téléconsultations" du fait de l'épidémie. Selon son fondateur  "la peur des salles d'attente et la volonté d'être soigné, d'être orienté au plus vite" a dopé ce service jusqu'ici peu connu des patients. Rappelons que, selon RTL la Chine a compté durant le mois de janvier entre 400.000 et 800.000 téléconsultations par jour. En Chine comme ailleurs, une crise est une opportunité de développer de nouveaux services.

L'amplification des tendances

La déconsommation amplifiée ?
L’Alliance du commerce estime que les commerces de centre-ville ont connu une baisse de leur chiffre d'affaires allant jusqu’à 30 % de moins sur le mois de décembre 2019, un chiffre qui pourrait bien selon Novethic - qui s’appuie sur une étude de Wavestone - accentuer un phénomène de "déconsommation" dont je parlais sur mon blog dans mon exercice de tendances client en 2019. Les Français achètent moins mais mieux.

Le drive plébiscité
L'impossibilité de se déplacer, dans le cas d'une grève ou dans l'épisode d'épidémie que nous connaissons favorise d'autres canaux de distribution. Le site lebondrive.fr a estimé l'augmentation des commandes en drive alimentaire en France (des chiffres repris par le Figaro). La région Hauts-de-France, principal foyer d'infection, a vu ses commandes augmenter de 59% sur la période du 17 février au 2 mars par rapport à celle du 20 janvier au 3 février. La Corse, enregistre une hausse de 143% et les Pays de la Loire 176% (record national).

L'e-commerce renforcé
Le secteur de l'e-commerce a franchi en 2019 le cap historique des 100 milliards d’euros, un montant qui comprend à la fois les ventes de services et celles de produits, ces dernières comptant pour 45% du total. La hausse du chiffre d’affaires a atteint +11,6% par rapport à 2018 selon la FEVAD. En 10 ans les ventes de produits et de services sur internet ont été multipliées par 4. Les ventes de produits ne représentent aujourd’hui encore que 10% en moyenne de l’ensemble du commerce de détail, contre 90% des ventes qui se font toujours en magasin, une proportion deux fois moins importante que chez nos voisins anglais par exemple. On peut faire le pari que la grève comme le virus, ne font qu'accélérer la croissance des ventes en ligne et en particulier via mobile. Au quatrième trimestre 2019, selon Médiamétrie, on dénombrait plus de 16,27 millions de cyberacheteurs sur mobile, contre 13,16 millions fin 2018.
Qu'ils fassent leurs courses alimentaires chaque semaine ou bien leurs achats de Noël, les clients sont contraints dans les situations que nous vivons de faire de nouvelles expériences. Pour peu que le service leur convienne, ils y resteront fidèles, ou bien auront de nouvelles bases de comparaison de prix ou de service.

Des clients encore plus attentifs
Avec l'épidémie de Coronavirus et ses recommandations d'hygiène, on peut parier que les clients seront encore plus sensibles à la propreté des lieux publics et des lieux d'accueil de la clientèle, dans les zones commerciales, comme dans les toilettes. Certains d'entre eux feront (malheureusement) l'expérience de l'accueil dans les hôpitaux ou bien voyageront à l'étranger et découvriront d'autres façons de gérer cette crise mondiale. Il se peut que les clients deviennent plus vigilants pendant ces quelques mois et prennent de nouvelles habitudes.

Le client collectionneur d'expériences
Les deux crises qui impactent les clients dans leur quotidien ne font à mon sens qu'amplifier ce que j'appelais la tendance du "client collectionneur d'expériences", un phénomène très marqué en France ou 36% des clients déclarent que leurs attentes sont plus élevées en raison d'une meilleure expérience dans d'autres secteurs (étude Medalia Ipsos 2019)., contre 28% en Allemagne ou aux Etats-Unis.
Les clients font depuis plusieurs mois de nouvelles expériences qui vont affecter à nouveau leur niveau d'attente, leur perception des standards et leur capacité à trouver une alternative à leurs enseignes, marques ou fournisseurs habituels. Ces crises sont une façon de rappeler qu'il faut remettre en permanence en question l'expérience produite car la perception du client change beaucoup plus vite que les standards adoptés par les entreprises.

901 ème billet signé Thierry Spencer, créateur du blog Sens du client, Customer Experience Storyteller à l'Académie du Service, et auteur du livre Avez-vous le Sens du client ? qui vient de sortir aux Editions KAWA.

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