Aujourd'hui 24 avril, c'est la Saint Fidèle, un jour idéal pour publier un billet sur le blog du Sens du client à propos des programmes de fidélité (cette journée avait donné lieu ici même à une célébration sous la forme d'une étude l'an passé) : les 10 conditions de réussite d'un programme de fidélité client.
Les entreprises ont appris à favoriser la fidélisation de leurs clients de différentes manières.
On sera tenté de suivre le bon vieil adage selon lequel il est moins couteux et plus rentable de fidéliser que de recruter, en se rappelant que pour survivre à l’inévitable taux d'attrition (ou taux de churn), il faut tout de même rafraichir son capital client en recrutant. Gardons en mémoire l’image assez juste du tonneau des Danaïdes qui se vide au fur et à mesure qu’on le remplit.
Rappelons également que pour lancer un programme de fidélité, comme me le disait mon vieux Maître Jean-Louis Ferry, il faut un produit ou un service fidélisant à la base. Faute de quoi toute initiative n’est qu’un gadget ou un bref et inefficace remède à une maladie plus grave. Nul besoin d’outils de fidélisation lorsque l’offre est suffisamment attractive et fidélisante (Hermès par exemple n’a pas de programme de fidélité, tout comme mon boucher).
Comme le rappelle si justement le Publicitor (Editions DUNOD) « un bon programme de fidélité doit fidéliser une majorité de clients satisfaits et rattraper une minorité de clients insatisfaits », car la concurrence est devenue rude et avec une offre compétitive, il faut aussi recourir à des outils de fidélisation.
Entrons dans le vif du sujet avec ces 10 conditions de réussite d’un programme de fidélité, que j’ai présenté lors d’une conférence de l’UDA et lors de la présentation du PanoTrade 2010 de la société lesitemarketing.com.
1) Être fidèle à son positionnement
Peu d’entreprises ont une vision holistique de leurs clients et de leur marque. Souvent, les personnes en charge de l’image de marque et de la stratégie publicitaire se contrefichent du programme de fidélité.
Ils ont tort ! Il n’est pas inutile de rappeler qu’un programme de fidélité n’est pas déconnecté de la marque qu’elle véhicule. Il doit être conçu comme un point de contact essentiel de la marque ou de l’enseigne, d’autant que du fait de son appartenance à ce programme un client va être sollicité de nombreuses fois par ce biais (et lorsqu'il possède une carte, il aura souvent l'occasion de s'en servir ou de la voir dans son porte carte). Dans les entreprises, on laisse souvent à un prestataire ou un service déconnecté des valeurs de la marque le soin de concevoir le programme, alors que tous les attributs d’un programme doivent être cohérents avec les valeurs de la marque ou de l’enseigne. Deux excellents exemples : la carte FeelGood de Go Sport et le QODE de Courir.
2) Gérer les données
D’un marketing traditionnel orienté sur l’offre et favorisant la masse, nous sommes passés à un marketing plus ciblé avec l’avènement des techniques de CRM. L’explosion des données client issues d’internet et des nouveaux moyens informatiques nous mène directement à un marketing basé sur des données qui devient lui-même marketing de masse. Pour citer un des chiffres nouveaux du passionnant PanoTrade, les enseignes de grande distribution alimentaire françaises recensent à elles seules pas moins de 62 millions de cartes (soit 2,23 cartes par ménage). Les bases de données sont aussi encombrées que les porte-cartes ! (Les enseignes devraient songer à gérer leur part de porte-cartes…)
Il faut développer un nouveau savoir faire dans les entreprises, celui de la gestion des données client, longtemps laissé pour compte ou jugé non stratégique. Pour citer à nouveau le PanoTrade 2010, Carrefour est capable d’analyser 85% des données sur les Produits de grande consommation, même s’il ne s’agit pas toutes de données reliées à un client, ce chiffre illustre un savoir-faire grandissant. Ajoutons à cela (comme je le signalais en début d’année dans mon billet sur les 10 tendances 2010 avec « le client sera plusieurs ») le fait que les clients connectés possèdent par exemple 2,4 adresses mails chacun, et que de nouvelles données arrivent depuis les réseaux sociaux pour rejoindre le grand "troupeau" de données. Il faut trouver vite un bon berger !
3) S’adapter au rythme du client
Le client est multiple, il est très occupé et de plus en plus difficile à toucher. Il faut trouver les canaux sur lesquels il est réceptif en évitant l’intrusion. Trop peu d’entreprises laissent aux clients le choix du nombre de sollicitations et du média de préférence. On préfère "pousser" à l’aveugle à tous les clients connus un email, un mailing papier, un sms, pourquoi pas un appel téléphonique. J’ai bien peur que la pression sur les coûts de communication ne conduise les entreprises à se jeter sur le canal le moins cher et en masse. L’étude PanoTrade nous révèle que Système U (dont j’admire le programme de fidélité) a réduit son nombre de mailings papier passant de 12 à 6 par an, suivant la tendance du marché ; dans les trois dernières années sur le total emailing+mailing d’enseignes de grande distribution, la part des mailings est passée de 27 à 15%. A la demande du client ou suite à l'injonction du directeur financier ?
4) Être cohérent sur tous les canaux
Une condition qui ressemble à un défi tant notre fameux multi-canal parait difficile à mettre en œuvre. Beaucoup de sociétés savent faire de belles opérations multi-canaux en communication, mais la reconnaissance d’un individu sur chaque point de contact est encore un doux rêve. Le bénéfice d’un programme de fidélité pour une entreprise est de mieux connaitre ses clients pour les conserver et les faire évoluer vers le segment des meilleurs. Pour un client, le premier bénéfice est d’être reconnu. Les clients se savent fidèles, se vivent comme clients fidèles et s’attendent, en échange de leur adhésion et de leurs achats à avoir des avantages en récompense et surtout à être reconnus. Je montre mon morceau de plastique doré et j’ai une caisse réservée. Je reçois un mailing ou un email dans lesquelles la marque me parle différemment. Si j’appelle (et c’est là ou ça se gâte), si je me connecte à mon site Internet ou si je m’adresse à une personne, il est rare que je sois traité différemment et donc reconnu.
5) Donner de vrais bénéfices transactionnels
A la base du contrat passé entre le client et sa marque préférée, il y a un échange. Je donne mes coordonnées, je fais des achats réguliers et j’ai le droit à une récompense. C’est ce que nous confirme le baromètre de l’intrusion : en échange d’avantages personnalisés, ils sont prêts à donner en majorité leur pedigree, y compris leur taille, leur poids puis âges et prénoms de leurs enfants. J’ai observé dans le passé moi-même à posteriori que les clients les plus fidèles étaient ceux qui m’avaient donné le plus d’information lors de leur adhésion. C’est dire à quel point le niveau d’attente est élevé.
Ce qui indique que la première promesse doit être tenue : avoir de vrais bénéfices transactionnels, c'est-à-dire une récompense sous quelque forme que ce soit (des points, des remises, des avant-premières, des cadeaux…). Sur ce premier niveau, il ne faut jamais être déceptif et ne proposer que des bénéfices sensibles, concrets, visibles, et atteignables. Quitte à en avoir peu mais des vrais.
6) Exploiter tous les ressorts de la relation
Deuxième pilier d’un programme de fidélité après le bénéfice transactionnel : la relation avec le client. Pour peu qu’on ait un certain nombre d’informations sur le client, il est facile de construire avec lui une relation. On peut mettre dans cette catégorie les informations exclusives ou les services réservés, autant de techniques assez bien maîtrisées par les compagnies aériennes ou les grands magasins avec leur carte (assortie d’une fonction de crédit pour la plupart). J’observe que dès qu’on sort de ces registres classiques, les marques se font plus rares. Mon illustration favorite : l’anniversaire du client. 4 malheureux chiffres dans une base de données, « JJ » et « MM », qui permettent à moindre frais de souhaiter à son client un bon anniversaire (lire mon billet classique à ce sujet).
Un programme de fidélité peut aussi se jouer comme un club, un axe vieux comme le monde qui favorise la relation entre un client fidèle et une marque. A condition que le segment composant les clients soit homogène et que l'enseigne ou la marque favorise une communication "aspirationnelle".
7) Innover dans les avantages statutaires
Troisième pilier d’un programme de fidélité favorisant ce que les auteurs du Publicitor nomment « la zone de non retour » : les avantages liés au statut du client. Un grand classique de France Loisirs (lire l’interview ici), un nouveau monde pour la FNAC avec sa carte ONE (lire mon billet exclusif en suivant ce lien). Une technique que les compagnies aériennes ici encore maîtrisent toutes plutôt bien avec une clientèle plus professionnelle. Il s’agit d’offrir au client des avantages liés à son statut de client fidèle (traitement VIP, ligne dédiée, salon d’attente, services exclusifs). Plus facile à dire qu’à faire ! Quand la relation s’opère à distance sur des canaux hors point de vente, tout est possible. Lorsqu’on a une surface de vente, un comptoir, une caisse, c’est plus difficile à mettre en œuvre (d’où le grand mérite de la FNAC et sa carte ONE) car il faut distinguer les clients entre eux (donc en discriminer une majorité) et surtout avoir les moyens techniques de les reconnaitre. Il est impératif lorsqu’on se lance dans cette belle aventure d’avoir les process les plus fiables possibles ce qui n’était pas le cas de ACCOR avec ma carte A club Gold (lire mon billet irritant à ce sujet).
Lorsqu’on est arrivé à ce niveau de relation et de reconnaissance du client, il faut encore innover et trouver des idées –parfois toutes simples- de traitement différencié.
8) Favoriser la conversation
Cela ne vous a pas échappé, nous sommes entrés dans le nouvel âge de la relation client (lire ma prose à ce sujet). Le client s’exprime, il bénéficie avec Internet d’une formidable caisse de résonance de ses états d’âme et découvre les vertus de l’échange en direct avec les marques. Mais la déception est grande car la gestion des réseaux sociaux par exemple n’est pas encore à la hauteur de la reconnaissance du client. Prenons Facebook et ses 17 millions de français inscrits : sur ce réseau social la marque Lacoste a 1,3 million de fans (enfin je veux dire de personnes qui aiment – c’est la nouvelle terminologie) et les 300 000 détenteurs de la carte de fidélité de la marque au crocodile n’ont pas d’avantages particuliers ni de possibilité d’interagir en ligne avec la marque. Reconnaissons que Lacoste, qui est la première marque française sur Facebook, a adopté une posture très favorable à la conversation pour sa marque. En lisant les commentaires sur chaque édition du mur, je lis une majorité de messages télégraphiques sans intérêt de la part des clients bien sûr (« I love it » « you are the best » et autres « Muy magnifico ») mais pour les rares commentaires contenant des questions, aucune réponse de Lacoste. Je rêve d’un jour prochain ou les marques seront en conversation et les clients fidèles auront un interlocuteur dédié par canal. Et si ma prochaine Miss client (l’agent conversationnel de l’année) savait reconnaitre les clients fidèles ?
9) Anticiper les usages
L’évolution d’un programme de fidélité doit s’inspirer des usages du client. Et ceux-ci sont en train de changer à mesure que le client est « amélioré » (voir mes tendances de l’année). J’avais émis il y a quelques années déjà mes réserves sur la carte de fidélité Haagen Dasz dans un billet sur ce blog aussi dur qu’une boule glacée. Il y était question de sens du client et plus particulièrement d’usage que fait le consommateur de la carte de fidélité. Un programme de fidélité voudra de moins en moins dire "carte plastique" et "points-qui-donnent-droit-à-des-cadeaux".
Ce qu’il faut anticiper aujourd’hui, c’est l’avènement de l’Internet mobile et la reconnaissance du client par ce terminal. Le secteur de la grande distribution qui n’est pas le premier dans l’innovation en marketing client se distingue en 2010 par le lancement d’une carte dématérialisée chez Franprix. On y scanne son téléphone mobile à la caisse (information issue du PanoTrade 2010). Voilà, nous y sommes : il faut jeter les morceaux de plastique qui encombrent nos porte-cartes et parier sur le téléphone ou je ne sais quel outil de reconnaissance du client du futur. Observez vos clients et posez-vous des questions tout de suite !
10) S’inscrire dans la durée
Je connais des clients qui gardent un an d’emailings dans un dossier et peuvent ainsi observer un an d’objets de mails à la suite, et saisir leur cohérence (j’en fais partie et je dois dire que le résultat est impressionnant). Je connais des clients qui gardent toutes leurs cartes de fidélité depuis vingt ans dans un joli classeur (et j’en fais partie, lire mon billet à propos d’IKEA). Je connais des clients qui conservent tous leurs mailings comme du courrier personnel depuis des années (j’en fais partie et par exemple je déplore le manque de consistance du club Tropicana, qui a un potentiel selon moi aussi fort que Nespresso, lire mon ancien billet à propos de ce club qui manque de jus). Quel marketer adopte ce point de vue du client ?
Bref, il y a des clients moins obsédés que moi qui entretiennent une relation avec une marque pendant toute leur vie. Ils voient évoluer cette relation d’une manière qui est trop peu souvent stable et progressive (il faudrait se replonger dans les mailings des vépécistes de la grande époque pour trouver 10 ans de mailings de la Redoute, de (feu) la CAMIF ou des 3 Suisses avec une cohérence de discours et de traitement).
La faute à qui ou à quoi ? Les clients ont une durée de vie bien plus longue que celle d’un(e) directeur(trice) marketing ou d’un(e) responsable du programme de fidélité. Chaque nouveau responsable fait table rase du passé et ne prend pas en compte l’historique du contact et de la relation. Les objectifs sont à court terme et chacun aura à cœur de marquer son passage par une malheureuse innovation, un changement de logo, une réduction de coûts mal calculée, de nouvelles règles de gestion, des process nouveaux… Alors que beaucoup de clients n’attendent qu’une chose : qu’on prenne en compte leur investissement dans la durée, un investissement qu’on nomme fidélité.
Je vous souhaite une bonne Saint Fidèle et vous donne rendez-vous sur l’Ile de la fidélité dès aujourd’hui, une brillante et ludique initiative de Christian Barbaray de INIT capital client.
Billet écrit par Thierry Spencer du blog du Sens du client, le blog des professionnels du marketing client et des collectionneurs de cartes plastiques.
2 commentaires:
Lacoste aurait-elle besoin d'un Community Manager ? Donner la parole c'est bien mais ce n'est pas suffisant. ECOUTER et INSTAURER UN DIALOGUE, c'est MIEUX.
Denis Gentile
www.morethanwords.fr
la conception immatériel et passive d'un engrenage de fidélisation s'articule autour de trois points:
1) Il faut définir un objectif pour une cible
2) adopter un programme inhérent productif aliéné au désir de lien social du consommateur
3) Accompagner le client vers une diversification d'achat a travers la célébration du programme, sans adopté un comportement conatif.
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