22 octobre 2022

RSE : les clients mettent les entreprises au défi. La conférence avec Blablacar, LVMH et SNCF


J'avais cette année la charge de concevoir et d'animer la conférence plénière du Salon CRM & Marketing Meetings 2022 qui s'est tenue à Cannes en septembre. Le thème de cette table ronde était « RSE : les clients mettent les entreprises au défi », un sujet qui correspond à une préoccupation majeure de la plupart des professionnels du marketing et de l'expérience client aujourd’hui. Pour l’aborder, j'ai eu la chance d’avoir 3 invités experts du sujet : Hélène Valade, Directrice Développement Environnement du Groupe LVMH, Valérie Darmaillacq Directrice du Développement Durable, SNCF TGV Intercités et Frédéric Mazzella, fondateur de Blablacar. En voici le compte-rendu complet.

Pour préparer cette conférence, je me suis appuyé sur mon précédent billet intitulé "Les clients et la RSE : les 6 défis des entreprises" que je vous invite à lire en complément de ces échanges.

Les trois témoins

Valérie Darmaillacq a été en 2015 la première femme nommée Directeur de la Relation Client de l'année, alors qu'elle occupait les fonctions de Directrice Performance et Relation Clients chez Voyages-sncf.com. Son parcours relation client et aujourd’hui RSE est un exemple de trajectoire inspirante et représentative à mes yeux de l'évolution des entreprises. Vous pouvez relire son interview sur mon blog.

Frédéric Mazzella est le fondateur de Blablacar, c'est l’auteur d’un livre dont j’ai fait cet été la chronique sur mon blog. « Mission BlaBlaCar » est le récit d’une aventure d’entrepreneur, c’est aussi un livre à destination de ceux qui veulent lancer leur entreprise. Les co-auteurs y ont pris soin de partager beaucoup de conseils pratiques. Je vous le recommande.

Hélène Valade est Directrice Développement Environnement du Groupe LVMH. Elle a été Présidente de la Plateforme RSE de France Stratégie et Vice-Présidente du Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D). Elle est en outre aujourd’hui Présidente de l’Observatoire de la RSE, l’ORSE.

Interrogée en introduction sur le thème et sur ses fonctions, elle répondait :

Hélène Valade (LVMH) : "Tout d'abord, je dirais qu'il n’y a pas de définition véritablement stabilisée de la RSE : responsabilité sociale et environnementale des entreprises, ou bien responsabilité sociétale et environnementale des entreprises. Ce qu'il faut retenir c'est que l’on est dans un contexte tel, avec l'impact du climat ou bien la demande d'inclusion dans nos sociétés actuelles, que la RSE ça veut dire « comment on peut transformer un modèle économique pour qu'il soit plus inclusif et plus en protection, en préservation de l'environnement ? ». J'essaye d'apporter toutes ces questions au cœur de la stratégie de LVMH qui est un groupe assez extraordinaire parce qu'il est composé de 75 maisons et que ces maisons sont rassemblées dans des secteurs très différents. C'est un vrai honneur, un vrai plaisir pour moi de mettre l'environnement au cœur de la stratégie.

"Les jobs RSE sont des jobs d'activistes" 

Je crois que pour bien faire ces jobs, qui sont des jobs d'activistes internes de l'entreprise, il faut aussi mobiliser à l'externe et c'est pour ça que j'ai créé le C3D le collège des directeurs du développement durable. Nous étions 4 en 2007, nous sommes plus de deux cents maintenant.  Ce sont des endroits extrêmement importants pour échanger sur les bonnes pratiques et pour porter dans le débat public l'ensemble des enjeux de la RSE. Je préside en outre l'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises qui regroupe 150 entreprises qui travaillent sur toutes les composantes de la RSE pour accélérer la transformation interne.

 Les attentes des clients

Hélène Valade (LVMH) : "La question des attentes des consommateurs est cruciale. Il y a de nombreuses études à ce sujet et si j’en tente la synthèse, je dirais qu’il y a eu une accélération d'attentes très neuves adressées d'une part à l'entreprise au sens corporate du terme, et puis au produit que cette entreprise propose d’autre part. Ces attentes se sont focalisées autour de la prise de conscience du fait que nous sommes tous dans un monde où les ressources ne sont pas infinies.  Je crois que c'est la période du COVID qui a permis de faire comprendre ça et de faire comprendre aussi l'interdépendance totale dans laquelle nous sommes par rapport à la nature, et au fait qu’on ne peut rien faire, on ne peut pas produire si on n'a pas ces ressources naturelles à disposition d'une manière toujours importante. Je crois que ça a généré des attentes très fortes à l'égard des entreprises dont on attend qu'elles s'engagent davantage pour contribuer à des enjeux qui la dépassent. Que fait l’entreprise pour le climat ? Que fait l'entreprise pour la biodiversité ? Ce sont des questions qui sont adressées souvent à nos vendeurs dans nos boutiques. Je pense que ces attentes se concentrent de manière plus spécifique au sein de la Génération Z, et nous les avons étudiées chez LVMH. Il en ressort plusieurs attentes et je citerai quatre mots qui reviennent dans leur discours :

"Vérité, dialogue, éthique et communauté : les quatre mots des discours de la génération Z" 

  • Le premier c’est vérité. Les jeunes disent « Arrêtez de nous raconter des grandes histoires très belles, on sait que ce n'est pas possible. On veut entendre des choses, même si elles ne sont pas parfaites ».  Il y a un appel à la communication de nos entreprises pour être sur quelque chose qui relève beaucoup plus de la réalité. On admet le fait qu’on n’est pas parfait, que les résultats ne sont pas aujourd'hui absolument exceptionnels, mais nous sommes sur un chemin de développement durable, un chemin de progrès.  
  • Le deuxième mot est dialogue. Nous sommes ici au cœur de ce qui va probablement révolutionner la relation client : l’interaction entre la marque et son client, le lien qui permet aux nouvelles générations de dialoguer avec leurs marques préférées.
  • Troisième mot : éthique, qui fait écho aux préoccupations relatives à la façon de traiter ses salariés.
  • Le dernier mot important c'est celui de communauté, qui montre bien qu'il y a un rapport à nos marques, à nos entreprises comme étant des repères, des sortes de familles. On sait que les repères classiques de la société se sont délités et que d'une certaine manière les entreprises représentent un univers assez stable et permettent de poser un certain nombre de repères."

Valérie Darmaillacq (SNCF) : "A propos des attentes, j'avais envie de parler de sens et de sens du client. Je me disais que vous aviez eu du flair Thierry en choisissant le nom de votre blog. Il y a 10 ans on évoquait la personnalisation, la proximité, l'enchantement…  et aujourd'hui quand on évoque le sens, on évoque plutôt la quête de sens. Savoir où est-ce qu'on veut travailler, se sentir utile dans ce qu'on va faire et dans ses choix de consommation, se sentir en phase avec ses convictions et avec ses engagements. 

"On a beaucoup demandé aux marques du relationnel, de la reconnaissance, de la compréhension. Aujourd'hui, on leur demande du mieux, du beau, du propre, de l'engagé."

C’est complètement révolutionnaire et c’est une attente tellement noble qu’elle ne peut être que véritable, transparente. Ca me semble totalement irréaliste aujourd'hui de se dire qu'on va parler de ces sujets si l’on n’a pas travaillé en profondeur ceux-ci. C'est bien évidemment ce qu'on fait à la SNCF, mais c’est plus facile pour certaines entreprises que d'autres. Il se trouve que le train fonctionne à l’électricité, consomme peu de carbone, on est déjà dans les clous si je puis dire avec un produit prêt pour le nouveau monde. Il n'empêche que pour parler de ça, revendiquer ça, il faut montrer à quel point l'entreprise se transforme car on ne fait pas que du train, nous avons aussi de nombreux services. 

Il y a vraiment une attente d'engagement très fort et de cohérence très forte dans ce qui est proposé. Je suis d’accord avec le fait que la génération Z y est sensible mais pas seulement. J’observe les jeunes diplômés par exemple dans leurs discours et dans le virage radical que certains prennent. Je pense qu'ils posent l'exigence absolue de toute entreprise, l’exigence de retravailler sur la valeur de ce qui est produit.

Du Flygskam au Tagskryt 

Des mots sont nés pour désigner des comportements. On a parlé de Flygskam (terme suédois désignant la honte de prendre l’avion), on parle aussi de Tagskryt (la fierté de prendre le train). Je note que certains influenceurs sur internet expriment leur fierté dans leurs choix de consommation qui caractérisent leur mode de vie. C’est révolutionnaire pour les marques. Cela signifie qu’on entre plus intimement il me semble dans les convictions profondes des consommateurs."

Frédéric Mazzella (Blablacar) : "Concernant les attentes des clients vis-à-vis des marques, je pense qu’il faut évoquer le climat général et se rappeler que 75% de la génération Z est terrorisée par le futur : il y a une peur ambiante assez grande qui est très justifiée quand on voit le nombre de crises traversées. Cela se traduit directement selon moi par une attente démultipliée au niveau des entreprises. 90% des gens attendent que les marques s'engagent, 80% déclarent qu’ils seraient prêts à éviter une marque si elle présente une défaillance sur le plan de la RSE. On voit que la pression sur les marques monte très fortement. Dans les actions elles-mêmes, ce qui est Impact by design, c’est-à-dire le fait de faire véritablement une activité pour améliorer les choses, est très supérieur à toutes les petites actions périphériques qu'on pourrait essayer de mener autour de son activité.

Je prendrais comme exemple Icade dans le secteur de l’immobilier qui s'engage à reverdir les espaces verts, et qui a des actions au cœur de son activité pour bien montrer son engagement. Il y a aussi Biocoop, la marque préférée des consommateurs qui est très fortement engagée dans sa proposition des meilleurs produits possibles. Biocoop est une enseigne dont les clients pensent qu’elle va dans le bon sens."

Faire face à la défiance les clients 

Hélène Valade (LVMH) : "Nous sommes en France et il existe une défiance à l'égard des entreprises qui existe très fortement, et beaucoup plus fortement qu'ailleurs. Ce rapport très critique vis-à-vis de l’acteur économique qu’est l’entreprise est assez caricatural. Des baromètres nous permettent de suivre ça très en détail et on a pu observer que, pendant la période du COVID, les Français se sont rendus compte de la capacité de l'entreprise à s'engager et à être acteur pour apporter des solutions à ce problème énorme qu'a été le COVID. Rappelez vous au début, pas de masque, pas de gel… Chez LVMH, nous avons transformé nos usines de parfums en usines de gel hydroalcoolique, et beaucoup d’autres acteurs ont su apporter des solutions tout de suite. 

 "L'entreprise doit s'inscrire dans un chemin de transformation qui par définition est progressif." 

Cet engagement de l'entreprise cette capacité à apporter des solutions lorsque le contexte est tel qu'il y a urgence, a fait que la confiance est revenue à l'égard des entreprises. Mais cette confiance est extrêmement fragile et rien ne sera pardonné, c'est à dire que si, en effet il y a des choses qui ne sont pas transparentes ou qui sont parfaitement disproportionnées, les réseaux sociaux s’en feront l’écho. Pour contrer cela, la recette est de loger les sujets de la RSE dans des choses très concrètes, dans des solutions, dans des produits et elle est aussi, me semble-t-il, d'être dans une vraie transparence et une vraie modestie.  Les enjeux sont tels qu’on ne peut pas y répondre massivement, tout de suite. L'entreprise doit s'inscrire dans un chemin de transformation qui par définition est progressif. 

Les entreprises ont appris en l’espace de 10 ans comment se mettre sur ce chemin et comment en rendre compte. Il y a désormais des rapports RSE à produire obligatoirement, et ceux-ci ouvrent le dialogue avec les clients sur la progression des trajectoires carbone ou sur celles du respect de la biodiversité. Ce chemin de dialogue apporte pas mal de réponses à cette crise de la défiance."

Valérie Darmaillacq (SNCF) : "Il y a eu des abus dans les engagements sur la neutralité qui n’ont pas de sens, des stratégies RSE ne reposant sur rien. Si on évoque la défiance des clients vis-à-vis des entreprises, je dirais qu’il y a une exigence de transparence et de cohérence. Quand on affirme à la SNCF que nous sommes une solution pour décarboner les transports, c’est vrai. Prendre le train aujourd’hui, c’est six millions de tonnes de CO2 évités, si tant est que cet indicateur parle à tout le monde… Lorsqu’on affiche nos résultats et nos propres engagements, on entend que nous ne trions pas les déchets dans le train. Ça n’a pas du tout le même impact, mais il faut l’entendre, du fait du besoin accru de cohérence et d’exigence. Nous devons traiter ce sujet qui n’est pas si facile et qui implique plusieurs parties prenantes, dont les clients. Ce sujet particulier est révélateur, il nous montre que les sujets de perception d’impact sont fondamentaux."

Restaurer la confiance

Frédéric Mazzella (Blablacar) : "A l’heure des réseaux sociaux, on ne peut plus imaginer construire une marque en envoyant du positif à sens unique. Il faut vraiment impliquer au maximum les parties prenantes, ça joue beaucoup dans la construction de la confiance et de la relation entre la marque et ses parties prenantes.

C’est important d’avoir une stratégie de communication mais surtout d’écoute pour pouvoir faire remonter les attentes des clients et leur montrer que les marques sont capables de réagir, d’avoir les bonnes réponses et pas seulement affirmer qu’elles sont les meilleures.

Il y a beaucoup de façons de construire la confiance, ça passe par la sincérité, la transparence et surtout de bonnes idées adaptées à notre époque. Notre modèle chez Blablacar s’appelle DREAMS et reprend tous les piliers de cette confiance dans une communauté de plusieurs dizaines de millions de personnes. Nous faisons en sorte, avec des outils digitaux, que les clients puissent se faire confiance entre eux et aient confiance dans la marque.

"Qui dit transparence dit mesure. La mesure d’impact est une façon de construire de la confiance avec ses clients."

Nous avons fait une étude sur 85 millions de trajets et leurs alternatives possibles pour chiffrer un monde avec et sans Blablacar. On parle d’1,6 millions de tonnes de CO2, conséquence du partage de son véhicule. C’est plus que le trafic routier de la ville de Paris, c’est 0,3% des émissions de la France. Quand on chiffre, quand on démontre notre impact, ça génère une confiance additionnelle. C’est ce que doivent faire les marques : mesurer leur impact et communiquer avec leurs parties prenantes."

Hélène Valade (LVMH) : "Le concept qui me semble central est celui de l’ouverture de l’entreprise. Je pense que le triptyque entreprise / actionnaire / salarié a laissé place depuis une quinzaine d’années à la prise en compte de l’ensemble des parties prenantes incluant la planète, la biodiversité, les ressources...

Il y a une nécessité de s’inscrire dans un écosystème et d’être en co-construction avec des acteurs, des experts, des scientifiques. L’entreprise doit accepter de se penser comme pas seulement sur un marché financier, mais comme étant en contribution, et en étant dans la société. Et ça change tout !

Avoir cette vision, être conscient de cela et ensuite aligner toutes ses actions au nom de cette vision me semble la première réponse à cette défiance. 

Quand on parle d’entreprise engagée, ça veut dire quoi ? Quels sont les enjeux auxquels elle va essayer d’apporter des solutions ? Un certain nombre de maisons LVMH ont choisi des combats. La sauvegarde des métiers d’excellence pour nos marques est l'un de ces combats et répond à la question qui est "comment contribuer à la société ?". 

 "Au nom de la cohérence, il faut passer tout au crible de la vision."

Au nom de la cohérence, il faut passer tout au crible de la vision. Prenons l’exemple de la communication, de la publicité qui pousse à la consommation alors qu’en même temps on dit qu’on fait du développement durable. Il y a des réflexions dans un certain nombre d’entreprises pour travailler sur des publicités responsables, des publicités qui affichent l’impact des produits et qui parlent d’autre chose que du produit. On peut aussi calculer l’empreinte des campagnes de publicité elles-mêmes… On peut aller assez loin dans cet axe pour rester cohérent. 

Ce qui m’importe dans la construction de la confiance, c’est la transparence dans l’impact environnemental de nos produits. Il existe aujourd’hui une règlementation européenne sur l’étiquetage environnemental des produits. Il faut trouver les bons indicateurs, les calculer afin qu’ils permettent de traduire, de donner à lire la performance environnementale d’un produit. Ce sujet nous occupe beaucoup en ce moment."

Valérie Darmaillacq (SNCF) : "Je pense qu’il y a un sujet d’effort. Prenons notre produit qui est décarboné. Quand j’ai demandé aux conducteurs de train de remercier les voyageurs pour leur choix de mode de transport décarboné, très peu ont adopté cette proposition au départ. Nous avons du expliquer, mettre en place un dispositif avec des formations, un programme qui s’appelle « Parler green sans rougir »… Notre culture d’industriels, d’ingénieurs fait que les gens ont besoin d’être rassurés et parfaitement au clair avec ce qu’on affirme. 

Il se trouve qu’on est rattrapés par la crise énergétique. Nous sommes le 1er consommateur d’électricité en France. Nous devons avoir un rôle contributif comme tous les acteurs de la société et faire des efforts de consommation d’énergie. C’est important d’identifier pour chacune de nos entreprises, sur quels éléments du bien commun elles peuvent contribuer. 

La preuve et l’action sont les clés de la confiance. C'est pourquoi nous avons identifié avec les conducteurs, les vendeurs, les chefs de bord, les agents d’escale des éco-gestes spécifiques. Sur chaque produit, dans chaque métier, nous avons des contributions à avoir."

Les défis internes aux entreprises

Hélène Valade (LVMH) : "Les collaborateurs sont en attente de transformation et en deviennent facilement des acteurs. Je pense qu’il y a quatre révolutions à opérer dans les entreprises.

    • La première est celle de la culture. On ne peut plus conduire la transformation avec les valeurs de l’ancien monde. Il faut les renouveler et il faut du courage pour réviser les process des entreprises de la chaine de logistique aux programmes de formation, car le frein principal à la transformation est simplement l’habitude. Nous avons besoin d’une montée en expertise sur les nouveaux sujets.
    • La gouvernance est la deuxième révolution. On peut citer notamment la présence au sein des conseils d’administration de personnes qui ont des compétences sur la RSE, pour jouer ce rôle d’aiguillon.
    • La capacité d’une entreprise à lire sa performance. La performance n’est pas seulement financière. Comment lire de façon aussi robuste les performances extra financières que les performances financières ? Comment mon produit, qui permet d’éviter des émissions de CO2, peut-il être mieux coté ? C’est un chantier interne et collectif qui est immense.
    • Dernière révolution : le fait d’accepter, au regard des enjeux immenses, qu’on ne peut pas être seul. Les partenariats entre les acteurs et notamment entre le public et le privé peuvent être des réponses pertinentes et efficaces pour adresser les enjeux. Il faut mettre fin à ce clivage public privé qui est contre productif pour faire avancer les sujets de la RSE."

Valérie Darmaillacq (SNCF) : "Passer d’un prisme uniquement économique à des critères de contribution est capital. Rendre les consommateurs heureux des produits qu’ils consomment sans aggraver la nature, c’est l’enjeu. La mesure est complexe et la question est de donner aux indicateurs la force qu’ils méritent. Bilan carbone, préservation de la biodiversité… Je suis certaine que nous allons progresser sur le sujet de la mesure. J’observe que certaines entreprises ont transformé les kilos, les tonnes de carbone en euros pour que la mesure parle aux financiers. C’est une révolution culturelle qui doit s'opérer au sein des entreprises."

Frédéric Mazzella (Blablacar) : "Le premier défi du chef d’entreprise, c’est de fidéliser ses collaborateurs au sortir d’une période difficile et mouvementée qui a changé nos conditions de travail et qui a amené à se poser de nouvelles questions sur son travail, sur la considération professionnelle – ce qu’on a envie de faire - et sur la considération personnelle de ses convictions. L’enjeu est d’aligner le professionnel et le personnel, et c’est là que la RSE entre en jeu. On peut définir des objectifs, une raison d’être pour rassembler tout le monde derrière une mission bien définie qui n’est plus seulement en 2022 de fournir le meilleur service ou le meilleur produit possible à ses clients. Ça va plus loin car chacun d’entre nous se pose la question du pourquoi on travaille. Il faut aligner le pro et le perso et la raison d’être est une solution." 

La contribution des professionnels du marketing et de la relation client

Frédéric Mazzella (Blablacar) : "Entre les départements marketing et relation client, il faut non seulement décloisonner, mais accroître les ponts de communication, favoriser le dialogue dans la construction d’un produit, dans la réponse qu’une société peut apporter aux défis qu’elle rencontre.

Puisque les clients ont envie d’avoir un impact sur l’évolution du positionnement et des produits, étant donné qu’ils s’expriment auprès des services client, ces messages doivent remonter au marketing. Les Anglais ont une expression pour ça en parlant d’un chien : « La tête doit parler à la queue ! ». 

Tous les acteurs internes doivent se parler, tout doit être synchronisé au sein de l’entreprise, entre les clients, les équipes produit, marketing et le service client. C’est la condition pour pouvoir répondre aux attentes des clients."

Hélène Valade (LVMH) : Le marketing et la relation client doivent faire davantage appel aux services RSE. Le fait d’introduire un dialogue plus fort permet le progrès et l'alignement.

Chez Louis Vuitton, le service réparation a pris une grande importance au cours des deux dernières années. Nous nous sommes positionnés sur la seconde vie de nos produits et ce service s’est considérablement sophistiqué. Si nos produits sont durables et se transmettent entre générations, il faut développer des services, un savoir faire de réparation. Réparation : voilà un mot qu’on n’utilise pas dans le luxe alors qu’il est au cœur de ce que je nomme une circularité créative.

Autre exemple : j’ai eu le plaisir d’avoir été sollicitée par le service marketing de la branche parfums et cosmétiques de LVMH qui voulait créer une nouvelle ligne de soin. Ils m’ont demandé de participer en amont sur le packaging, sur la composition des formules… Le résultat est une nouvelle ligne de Stella McCartney avec seulement 3 produits, qui assume sa sobriété. Je trouve cet exemple extraordinaire et il porte un message que je voudrais transmettre aujourd’hui : travaillons mieux ensemble."

Valérie Darmaillacq (SNCF) : "Du fait de mon parcours, je suis toujours restée en grande proximité avec les services études et les services voix du client. Nous mesurons l’impact environnemental comme critère de choix des clients. Les résultats ont évolué ces dernières années et désormais ils comptent dans la conception de l’offre et la réponse aux nouvelles attentes. La relance des trains de nuit en est un bon exemple.

C’est notre rôle de valoriser les démarches, de fédérer et c’est pourquoi l’activité TGV-INTERCITÉS de SNCF Voyageurs a créé les Grands Prix de l’Écomobilité pour les entreprises et agences de voyages partenaires. De nombreuses entreprises et agences de voyages ont déjà pris conscience de cette urgence climatique et ont entamé des transformations internes pour notamment repenser leurs déplacements et ceux de leurs salariés ou clients.

Ces prix sont pour TGV-INTERCITÉS l’occasion de récompenser et valoriser les entreprises et agences de voyages qui encouragent et favorisent une mobilité plus éco-responsable auprès de leurs salariés, de leurs partenaires et de leurs clients, quelle que soit la distance parcourue. Il s’agit aussi d’inciter, les autres entreprises et agences de voyages à s’engager à leur tour dans cette transition indispensable. De ces échanges nous avons creusé la piste de nouvelles offres sur le train de fonction !"

1040ème billet signé Thierry Spencer, conférencier, créateur du blog Sens du clientco-fondateur de KPAM Next, animateur de tables rondes enrichissantes.

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