03 octobre 2015

Baromètre de l'effort client 2015 : les parcours en quête de fluidité

L'AFRC a publié hier les résultats de son 3ème Baromètre de l'effort client, une vision très instructive des parcours du client dans plusieurs secteurs et la connaissance de nouveaux indicateurs qui révèlent sa sensibilité au comportement des entreprises.
Depuis la publication d'un article de la Harvard Business review de 2010 qui plaçait le CES (Customer Effort Score) en tête des indicateurs prédictifs d'un achat renouvelé ou plus important, devant la satisfaction et le Net Prometer Score (lire mon billet de tendances 2013 "le client sera sans effort), les entreprises se sont penché sur cet indicateur. Le CES a comme vertu de prendre en compte le point de vue du client sur l’entièreté de son parcours de client, d'un point A (j'ai un problème ou une question) à un point B (mon problème est résolu). Le CES est une note moyenne issue des réponses à la question "A combien évaluez-vous l’effort que vous avez du faire pour (renouveler votre mobile/faire un achat en ligne, etc) ?"
Il donne à ceux qui l'administrent un angle d'étude nouveau et utile sur ce que perçoit le client en termes d'efforts à faire. Les verbatims recueillis à cette occasion sont souvent riches d'enseignements sur les améliorations possibles de l'expérience client. J'avais participé à l'élaboration de ce premier baromètre de l'effort client de l'AFRC en 2013, persuadé que la première association de professionnels de la relation client en France devait jouer un rôle actif dans la sensibilisation des entreprises. Voici les enseignements principaux de l'édition 2015 conduite par Mediametrie.

Une amélioration sensible de l'effort.
Mediametrie révèle que dans les 9 secteurs différents étudies, 69% des 19 parcours évalués par les Français n'ont pas requis d'effort particulier. Les réponses "Pas d'effort" et "Peu d'effort" progressent de 9 points par rapport à l'an passé, ce qui témoigne d'un progrès des entreprises dans la résolution des problèmes des clients et la recherche de fluidité des parcours du client.

Les meilleurs parcours sous l'angle de l'effort
Sur les 19 parcours client étudiés, les 4 meilleurs sont :
  1. L'activation d'un compte en ligne dans une banque.
  2. Le retrait d'un médicament sur ordonnance.
  3. L'achat en ligne.
  4. L'utilisation de la carte de fidélité.
Médiametrie ajoute à ce classement le fait que la Souscription à un nouveau contrat dans le domaine de l'énergie est l'expérience client qui a connu la plus forte amélioration cette année par rapport à 2014, un effet de la bataille que se livrent les opérateurs depuis l'ouverture du marché.

L'e-commerce domine 
Parmi les parcours les plus fluides dans une liste de 19 étudiés par le Baromètre de l'effort client, l'achat en ligne d'un produit neuf ou d'occasion compte 74% de clients déclarant ne pas faire d'effort ou peu d'effort, en léger progrès par rapport à l'an passé. Une même proportion de clients déclarent "rester fidèle car ils sont convaincus d'avoir la meilleure offre" (vs 29% dans le secteur de l'assurance). Les parcours du client sur internet sont de nature à forger son opinion sur la fluidité et la simplicité ; beaucoup d'entreprises d'autres secteurs seraient bien inspirées de se benchmarker avec les meilleures entreprises du commerce électronique pour améliorer l'expérience de leurs clients.

La téléphonie à la peine
48% des Français déclarent encore faire un effort important ou très important pour renouveler leur mobile, un chiffre en croissance de 7 points. Sachant qu'un mobile se renouvelle tous les 18 mois et que 24 millions de téléphones mobiles sont vendus en France chaque année, on peut imaginer le gain de clients pour un opérateur qui réduirait l'effort. Le baromètre nous indique que 6% des personnes interrogées ont l'intention de changer d'opérateur et parmi eux, le taux d'effort grimpe à 72%.
Autre enseignement de l'étude : 2 client sur 10 ont contacté plusieurs fois leur opérateur pour un renouvellement, et sur cette population la perception de l'effort est de 79% (vs 42% pour ceux qui n'ont eu qu'un seul contact). On parle donc ici des fameux "once and done" (tout bon du premier coup) ou FCR (First Contact resolution) qui sont les ferments de la réduction de l'effort dans ce secteur d'activité comme dans les autres.

L'assurance en progrès
Est-ce l'effet de la Loi Hamon ? Toujours est-il qu'il est sensiblement plus facile de résilier son contrat d'assurance et de souscrire à un autre. 59% des Français déclarent ne pas avoir fait d'effort (pas d'effort+peu d'effort), en progrès de 2 points.
L'assurance compte 8% de "churners" (personnes qui déclarent vouloir quitter leur assureur) pour qui l'effort perçu est de 71% (30 points de plus que le standard). 25% des clients sont d'accord avec la proposition "je ne sais pas si je vais rester chez mon assureur".
Alors que le secteur connait des bouleversements liés au changement de réglementation depuis peu, on observe que la bataille se livre sur la qualité de service, plus que jamais déterminante pour les clients. Les enjeux sont de taille lorsqu'on sait par exemple que 8,5 millions d'assurés Français sont prêts à changer de contrat d'assurance automobile chaque année (étude publiée il y a quelques jours par Deloitte).

Le canal internet n'est pas assez fluide
Mediametrie et l'AFRC ont aussi comparé le taux d'effort selon le canal pour deux parcours client. Pour un renouvellement de mobile via le service client, l'effort est de 59%, via internet l'effort est de 49% et en boutique, l'effort tombe à 46%.  Pour ce qui est du changement d'un contrat d'assurance, l'effort est aussi important sur internet (57% "effort très important" et "important") vs 38% en agence et 47% par téléphone.
J'en tire deux conclusions :
  • Les Français ont besoin d'être aidés par des personnes compétentes qui sont en mesure de les soulager des process fastidieux et des parcours complexes.
  • Les parcours complexes sur internet sont mal vécus par les clients qui font de plus en plus l'expérience de parcours fluides en ligne (cf les résultats pour l'achat en ligne ci-dessus). Les expériences toujours plus fréquentes en ligne ont une influence sur la perception des clients et leur niveau d'attente.
Impact de la satisfaction des salariés sur le service
Statistique nouvelle cette année : l'AFRC et Médiametrie ont demandé aux clients si la satisfaction des salariés a un impact sur la qualité de service, une façon de mesurer la Symétrie des attentions (comme dans le baromètre Cultures Services).
Il en ressort que :
Dans le secteur de l'assurance : 77% de clients estiment qu'il y a un impact
Dans le secteur de la téléphonie : 70% des clients estiment qu'il y a un impact
Dans le secteur de l'e-commerce : 62% estiment qu'il y a un impact
On pourrait en conclure en regardant ces chiffres que plus il y a de contact avec une personne dans la relation client, plus on est sensible aux conditions de travail, car on est en posture d'observateur.
Autres chiffres intéressants qui révèlent la sensibilité des Français au comportement des entreprises :
48% sont prêts à quitter une marque qui ne respecte pas les droits de l'Homme et l'environnement
42% sont prêts à quitter une marque qui ne respecte pas les modalités de travail des salariés
41% sont prêts à quitter une marque qui ne respecte pas les partenaires et les fournisseurs

Les Français prêts à prendre part aux actions collectives
Existante depuis de nombreuses années dans les pays anglo-saxons, l'action collective ou action de groupe (class action) a fait son apparition en France par la loi du 17 mars 2014. La procédure donne le pouvoir à une association de consommateurs agréée au niveau national d'agir en justice pour le compte d'un groupe de consommateurs. Selon l'AFRC et Mediametrie, 56% des Français en ont connaissance 18 mois après sa promulgation et 65% sont prêts à y participer en cas de litige. Cette disposition encore très limitée en France a de beaux jours devant elle et devrait faire prendre conscience aux entreprises des pouvoirs étendus des clients.

Pour compléter cette lecture, je vous recommande les billets suivants :
Tendances du Sens du client 2013
Baromètre Effort client 2013
Baromètre Effort client 2014, soignons les maux de tête
Le client sera supporté (tendances 2015)


Billet écrit par Thierry Spencer, auteur du blog Sens du client et Directeur Associé de l'Académie du service. 

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