Antonia, en illustration de ce billet, est une supportrice du FC Bayern qui compte presque 300.000 "Socios", un record du monde pour l'équipe de football de Munich. Antonia participe à la finale de la compétition organisée par le club pour élire le meilleur supporter. Son profil sur Instagram, vous fera découvrir sa vie de fan absolue de l'un des clubs les plus titrés d'Allemagne et d'Europe.
Le football est le sport le plus populaire sur la planète avec 1,6 millards d'amateurs selon la FIFA. L'affluence dans les stades a doublé en France en moins de 30 ans : 10 000 spectateurs en moyenne en 1980, contre plus de 20 000 en 2017 (source Article du CNRS). Comme le rappelle l’ethnologue Christian Bromberger, les clubs de football étaient gérés par des associations dans les années 80 avant que plusieurs lois ne permettent de créer des sociétés détenues par des investisseurs. En 1970, le championnat français totalisait un million de recettes contre un milliard en 2011, une augmentation qui s'explique entre autres par l'augmentation des droits de diffusion à la télévision qui représentaient 1% du budget des clubs en 1980 versus 44% aujourd'hui.
L'économie du football est en plein boom, ce qui augmente mécaniquement le nombre de supporters dans le football, sport que j'ai choisi comme illustration pour ce billet.
Cette comparaison entre supporters et clients devrait permettre de répondre à la question : les supporters sont-ils des clients comme les autres ?
826ème article écrit par Thierry Spencer, auteur du blog Sens du client, Customer relationship Storyteller à l'Académie du service, et supporter à l'occasion.Le football est le sport le plus populaire sur la planète avec 1,6 millards d'amateurs selon la FIFA. L'affluence dans les stades a doublé en France en moins de 30 ans : 10 000 spectateurs en moyenne en 1980, contre plus de 20 000 en 2017 (source Article du CNRS). Comme le rappelle l’ethnologue Christian Bromberger, les clubs de football étaient gérés par des associations dans les années 80 avant que plusieurs lois ne permettent de créer des sociétés détenues par des investisseurs. En 1970, le championnat français totalisait un million de recettes contre un milliard en 2011, une augmentation qui s'explique entre autres par l'augmentation des droits de diffusion à la télévision qui représentaient 1% du budget des clubs en 1980 versus 44% aujourd'hui.
L'économie du football est en plein boom, ce qui augmente mécaniquement le nombre de supporters dans le football, sport que j'ai choisi comme illustration pour ce billet.
Cette comparaison entre supporters et clients devrait permettre de répondre à la question : les supporters sont-ils des clients comme les autres ?
- TRANSACTION : match nul. D'un strict point de vue commercial, les supporters achètent une prestation, en l'occurrence assister à une compétition sportive, ou bien se procurer des produits dérivés du club dont ils sont fans. Le supporter, qui se distingue du spectateur lambda, est un client comme un autre. Un client fidèle et engagé, certes, mais un client.
- SIGNES D'APPARTENANCE - Supporters : 1 - Clients : 0. Le supporter affiche plus souvent son appartenance au groupe de fans du club. Pour lui permettre de montrer sa passion, les produits dérivés ne manquent pas (le maillot le plus vendu cette saison est celui de Neymar au PSG, 20.000 exemplaires). Pour les marques, rares sont celles qui déclenchent un besoin d'afficher des signes extérieurs. Les plus fortes sont sans aucun doute des marques telles qu'Apple (qui fournit les stickers dans ses emballages) et Harley Davidson dont le logo orne certainement le plus grand nombre de corps sous forme de tatouage...
- RÉSEAUX SOCIAUX - match nul. Pour ce qui est de la communauté de fans, les réseaux sociaux ont permis aux marques de réunir des communautés d'aussi grande importance que celle des clubs de football. Coca compte 107 millions de fans sur Facebook, loin devant Red Bull (49 millions), Microsoft (47), Nike (45), Converse (44) et Oreo (43). Le Real Madrid et le FC Barcelone ont dépassé la barre des 100 millions de fans sur Facebook en 2017 et comptent chacun une communauté de 200 millions de personnes tous réseaux confondus.
- COMMUNAUTÉS - Supporters : 1 - Clients : 0. Les communautés spontanées de client ne sont pas rares. On en trouve par exemple depuis toujours dans le secteur des jeux video et de l'informatique. Free est une exception parmi les marques de grande notoriété en France (lire un billet à ce sujet), à l'instar de Harley Davidson et ses "Chapters" ou encore Citroën et ses clubs de collectionneurs de 2 chevaux. Des clients se réunissent entre eux, sans que ce soit à l'initiative de la marque, dans le monde réel ou sur internet et partagent une passion ou un centre d'intérêt fort. Dans le monde du football, le supporter est un être social et s'il aime appartenir à la communauté des fans, il aime aussi être membre d'un collectif organisé et souvent créé par des fans et non par le club. L'Olympique lyonnais compte pas moins de 14 associations créées par des supporters et reconnues officiellement par le club.
- PARTICIPATION - Supporters 1 - Clients : 0. Du point de vue de leur participation au club, les supporters de football peuvent devenir plus fréquemment des socios que les clients des sociétaires ou des actionnaires (le plus bel exemple avec une réussite dans la relation client étant la MAIF en France). Les socios sont détenteurs d'une part sociale et peuvent par exemple élire le Président du club. Comme le rappelle le site Sofoot, "le régime des socios est une exception réservée à des clubs à forte identité régionale et historique.". C'est le cas du Bayern qui compte le plus grand nombre de socios (200.000), devant les clubs de Benfica (184.000), FC Barcelone (160.000), Borussia Dortmund (150.000) et Real Madrid (90.000, un nombre volontairement limité). Source : Sportune sept 2017.
- ENGAGEMENT - Supporters : 1 - Clients : 0. Mis à part le black friday, les soldes, la sortie d'une nouvelle console de jeux, d'un iphone, les clients ne débordent pas d'enthousiasme toutes les semaines. Le fait est que le sport procure des émotions bien plus fortes que l'usage d'un service ou d'un produit, et le lien qui unit celui qu'on appelle souvent "le douzième homme" aux joueurs suscite un fort engagement. De même le sentiment d'appartenance à une communauté locale (l'équipe d'une ville) ayant une longue tradition, favorise cet engagement exceptionnel. Je dirais qu'un supporter est plus engagé par nature qu'un client lambda ou même un client fidèle et membre d'un programme de fidélité. Supporter vient de l'anglais "to support" qui signifie soutenir, encourager. J'ajouterais à ce critère la capacité qu'ont les clubs à assurer le Fan Service (tel que je l'ai décrit dans un article récent), c'est à dire faire des choses qui feront plaisir aux personnes qui vous aiment (un groupe de joueurs ou un club de football savent ce qui va ravir les supporters en dehors d'une victoire bien sûr). Les marques ont la capacité de favoriser l'engagement des clients en veillant à respecter les promesses qu'ils tiennent et à enrichir l'expérience de moments qui provoquent l'enchantement.
- EXPRESSION - Supporters : 1 - Clients : 0. Les clients se manifestent plutôt individuellement auprès des marques. On imagine mal un collectif de clients avec une grande banderolle demandant le départ du dirigeant. Dans les stades, il n'est pas rare de voir fleurir des messages hostiles ou des messages d'encouragement. Si les clients font des pétitions ou des actions collectives, si les clients s'expriment désormais via des avis publiés en ligne, rares sont les communiqués de client, tels que celui-ci émanant du Collectif Ultras Paris : "Après le non-match et la piètre prestation des nôtres contre le Real, les péripéties de la gestion d’une blessure, à la limite de l’indécence et loin de notre ville, et les comportements irrespectueux qui se multiplient envers les supporters, que ce soit sur le terrain ou sur les réseaux sociaux, nous exigeons de la part de nos joueurs un peu plus de retenue et surtout de respect vis-à-vis de l’institution qu’est le Paris Saint-Germain". Les supporters sont plus engagés, plus exigeants et ils s'expriment plus facilement. Les entreprises, si elles veulent développer l'engagement de leurs clients, devraient faciliter cette expression collective. Les entreprises qui développent des plateformes d'échanges, des rendez-vous participatifs avec leurs clients savent qu'elles en tirent un grand bénéfice.
- INCIVILITÉS - Supporters : 1 - Clients : 0. S'agissant des incivilités, un employé sur deux déclare que les personnes au contact du client dans son entreprise sont victimes d'agression verbale (source Académie du Service). Les clients font preuve d'incivilité, c'est un fait établi. Mais chez les supporters de football, la violence physique n'est pas rare. Les hooligans (du nom d'un irlandais alcoolique et bagarreur), des franges extrémistes et violentes, ternissent l'image du supporter et ruinent l'image du club et des spectateurs. La violence est-elle le fruit de l'engagement ou la conséquence d'un manque de considération ?
- EXPÉRIENCE - Supporters : 1 - Clients : 0. Ce sera à jamais difficile pour une marque d'égaler la force d'un match en matière d'expérience. Mais les marques seraient bien inspirées de retenir des leçons des clubs de football ayant à coeur de faire vivre une bonne expérience aux supporters, qu'ils perdent ou qu'ils gagnent. Valorisation et respect de la marque, avantages réservés aux abonnés (clients fidèles ou supporters engagés), expérience dans le stade, dialogue et travail avec les communautés (voir le critère précédent et l'organisation des "Socios"), engagement des joueurs et des dirigeants, capacité à célébrer, propension à s'excuser quand on a perdu un match...
- CONSIDÉRATION - Supporters : 0 - Clients : 1. Comme je le disais dans un billet de mon blog "dans la peau du sous-client", 40% des clients ne se sentent pas considérés par les marques. En France, le supporter de football a une mauvaise image. "La consommation du spectacle sportif en France est peu légitime. (...) le foot est dénigré par rapport à d'autres sports. Ces différentes perceptions, souvent élitistes, jouent négativement sur l'image des supporters de football" analyse Nicolas Hourcade, professeur à l'École centrale de Lyon, spécialiste des supporters de football (extrait de l'excellent article de Slate). "L’image sociale du supporter est très négative en France. Je ne sais pas si on peut dire que c’est une spécificité française mais ça tient à la faible légitimité culturelle du football en France. Même si les choses ont un peu évolué depuis quinze ou vingt ans, cela reste un sport largement méprisé par nos élites intellectuelles." ajoute Ludovic Lestrelin, enseignant-chercheur à l’université de Caen Normandie. Cette perception pourrait bien expliquer le faible nombre de supporters en France (le PSG culmine à 33.000 supporters, à comparer aux 200.000 du Bayern, alors que les deux clubs ont quasiment le même budget en 2017/2018, aux alentours de 550 millions d'euros).
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