24 juin 2013

Tenue vestimentaire des employés et sens du client

Les employés suédois de la compagnie de transport Arriva se plaignant d’une chaleur pouvant atteindre 35 degrés dans la cabine du conducteur ont demandé il y a quelques jours, l’autorisation de porter un short plutôt qu’un pantalon pour travailler.
Face au refus de la direction, les hommes ont décidé de porter des jupes (pour la seconde fois après un précédent épisode en 2003) et de rendre public leur mouvement. Ce qui a conduit évidemment Arriva à revoir sa position et annoncer une nouvelle réglementation l'automne prochain et peut-être autoriser les shorts sur le lieu de travail.

Je profite de cette actualité pour creuser un sujet qui me tient à cœur sur les tenues vestimentaires des salariés en contact avec les clients. Je vais tenter d'en faire une classification simple :

Les uniformes. Elle concerne les professions réglementées, militaires et fonctionnaires. Je pense aux policiers, gendarmes, pompiers, douaniers et avocats par exemple. Au service de leurs clients ou usagers, ils sont identifiables par leur tenue issue d'une tradition et constituant pour eux, dans la plupart des occasions, une obligation. Les uniformes sont depuis la nuit des temps de forts symboles, des relais des valeurs d'un groupe et souvent incarnant l'autorité. C'est peut-être ce qui rebute les salariés français à qui ont demande de porter la tenue de la marque : ils évoquent tout de suite l'uniforme et acceptent mal le droit qu'à un employeur d'imposer une tenue. Ces états d'âme renvoient à la force et à l'attractivité d'une marque employeur...

Les tenues de métier Nous sommes encore ici dans la tradition conjuguée à un aspect pratique, évident dans l'exercice du métier : le "vêtement de travail". Dans cette catégorie j'inclus le serveur de brasserie parisienne, le boucher, le poissonnier, le mécanicien, l'infirmier, le pharmacien, le groom, le moniteur de ski, le banquier et son costume cravate ou encore les agents de sécurité ... Pas beaucoup de place pour l'imagination ici ; on respecte des codes qui ne sont pas ceux d'une marque mais d'une profession, d'un métier identifié. Comme je le faisais remarquer dans un de mes billets précédents, ces codes varient selon les pays ; les chauffeurs de taxi au Japon ont des gants blancs par exemple...

Les tenues supports de communication Suivant le plan d'action commerciale des enseignes, on fait porter aux salariés des tenues qui servent de relais de communication dans la distribution par exemple, ou bien encore dans les chaines de restaurant. Le tee shirt qui vante le nouveau hamburger sur le dos des employés, ou bien la tenue événementielle des caissiers(ères) de supermarché ; autant d'exemples de tenues conçues comme des espaces publicitaires... Dans l'exemple en photo, il s'agit d'un employé de Decathlon dans sa tenue du "mois des services".


Les tenues symboles Une catégorie qui regroupe pour moi les tenues qui font partie du concept, qui sont une juste expression du positionnement. Je pense à la chemisette blanche avec cravate noire et badge des employés de Geek Squad en référence aux ingénieurs de la NASA des années 60, la tenue de "boulanger" des employés de Paul, le casque orange de Bouygues (j'ai vu des employés le mettre sur la plage arrière de la voiture pour signifier leur appartenance aux compagnons du minorange), le tablier des cavistes de Nicolas (qui vient de changer pour des couleurs plus actuelles avec le rappel du personnage symbolique Nectar) et le tablier des barristas de Starbucks. Geek Squad, tout comme Starbucks ont fait de leurs tenues des symboles forts et distinctifs. Chez Starbucks, le tablier vert est décliné en livre -le "green apron book"- qui rappelle les règles de comportement des employés. Une excellente idée qui fait vivre la tenue des employés et lui donne un sens, lui donne un caractère symbolique de l'esprit de service de l'enseigne, alors qu'il ne repose sur aucune tradition particulière dans le métier. On pourrait ajouter à cette catégorie les tenues comme celle des "gilets rouges" de la SNCF que les employés enfilent pour être identifiés dans les gares, signifiant le fait d'être au service des clients en période de forte affluence.

Les tenues "signature". Il s'agit ici des tenues portant la plupart du temps les couleurs des marques et des enseignes, elles ont pour ambition d'être uniques et de relayer au mieux les valeurs et le positionnement de la marque. Plus ou moins sophistiquées, plus ou moins complètes, on les trouve dans tous les secteurs. Les compagnies aériennes et sociétés de transport,  les chaines d'hôtels et de restaurants; les prestataires de service (les loueurs de voiture, UPS et sa tenue entièrement marron, les contrôleurs de la SNCF, les superviseurs IDTGV, les postiers en France, les employés de Disneyland...), les distributeurs (Leroy Merlin et ses tenues vertes et blanches, Decathlon et son gilet blanc et bleu, Weldom et son gilet orange, IKEA et son polo jaune, Apple et ses tee-shirts bleus, Sephora et ses tee-shirts noirs dont beaucoup se sont inspiré...). Certaines enseignes habillent leurs salariés avec les vêtements qui sont vendus (comme chez Desigual par exemple), ce qui en quelque sorte est une tenue "signature" qui a l'avantage de donner envie aux clients de les porter. Sans oublier les employés d'Abercrombie qui incarnent tout ce que la marque a de sexy...
Cependant, rares sont les tenues vestimentaires devenues iconiques. Il faut que celles-ci durent dans le temps, et qu'elles aient au moins un accessoire original et très identifiable. Je pense à la veste or des conseillers Century 21, à la veste rouge de Darty et au gilet moutarde de la FNAC par exemple. Il est amusant de voir que parmi ces 3 tenues, seule une a traversé le temps et les états d'âme de marketers en mal de changement : Century 21. Les tenues iconiques de la FNAC et de Darty n'ont pas résisté, après plusieurs décennies de capitalisation sur ce symbole, comme si ces changements révélaient des doutes sur le positionnement. Il suffit de lire cet article de la FNAC pour comprendre le tourment qui agite l'agitateur depuis 20 ans (l'article dit tout et son contraire), lecture que vous pouvez compléter par l'excellent billet de Benoît Meyronin "FNAC mon amour".
Dans cette catégorie, je voulais signaler la très bonne initiative de La Grande Récré, qui, non contente de relayer avec application son gilet aux couleurs de l'enseigne, a ajouté une touche qui lui donne un caractère unique. Cet accessoire original est un badge que l'employé porte pour se qualifier : papa conseil, mamie conseil, grand frère conseil, ... C'est une très bonne illustration de la créativité possible sur une tenue d'employé.

La tenue des employés a bien des avantages : elle participe au confort et à la sécurité sur le lieu de travail, elle permet l'identification des personnes au service du client, elle renforce le sentiment d'appartenance et elle favorise la posture de service.

C'est un élément capital pour deux raisons :

La tenue est un point de contact essentiel de la marque
Si tout le monde s'accorde sur le fait que les employés sont les meilleurs relais d'un positionnement lorsqu'ils sont en contact avec un client, pourquoi leur tenue n'est-elle pas plus étudiée, mieux pensée ?
Outre un support de communication majeure, c'est un point de contact essentiel trop souvent négligé et conçu par des personnes qui n'en mesurent pas l'impact et la force.
Une tenue doit être unique, en parfaite harmonie avec la marque (et pas seulement dans les couleurs) et conçue avec la plus grande attention. La tenue des employés est un support vivant, mobile : elle doit s'adapter aux modes vestimentaires et évoluer avec le temps, en gardant un caractère fort, unique et inimitable.

La tenue est un symbole fort de la symétrie des attentions
L'épisode suédois dont je parle en début de mon billet montre à quel point Arriva tourne le dos à ses propres valeurs et fait montre d'une incohérence totale dans son positionnement. Pour vous le prouver, j'ai fait des recherches sur le site de la marque, j'ai trouvé une très phrase qui illustre la partie consacrée à la formation des collaborateurs : “we will support your personal development, but how far you go is up to you” (nous encouragerons votre développement personnel, mais c'est à vous de décider jusqu’où vous irez"). Sans commentaires.
Lorsqu'un débat houleux à propos des tenues vestimentaires a lieu en comité d'entreprise, c'est qu'elles n'ont pas été conçues avec les salariés. La conception d'une tenue est un exercice très difficile car il doit prend en compte les métiers de l'entreprise, le profil et la diversité des salariés et leurs conditions de travail. Son application est de la même manière un révélateur d'un management efficace.
C'est certainement un des plus beaux exercices marketing qui conjugue de façon harmonieuse le positionnement d'une marque et son expression humaine, physique.
La réussite de l'exercice en fait un symbole fort de la symétrie des attentions : lorsqu'on attache autant d'importance aux salariés qu'aux clients...

Billet écrit par Thierry Spencer pour le Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.

2 commentaires:

Centre d'appel Madagascar a dit…

le code vestimentaire est un langage en soi, il ne faut pas le négliger

Lucas a dit…

Bel article et d'accord avec les points cités. Le vêtement de travail est très important pour une enseigne ou une marque. Il faut que les clients sachent que les employés font partis de l'entreprise et ça permet de donner une cohésion au groupe.