25 septembre 2016

La relation client se pique de sans couture

Parcours client sans couture
D'un côté le client est en attente de fluidité et de simplicité, de l'autre, les entreprises ont pour ambition d'offrir un parcours omnicanal, qu'on qualifie de "sans couture". La relation client sans couture fait référence à cet objectif chimérique de réconcilier tous les canaux sans que le client sente une différence. Mais les coutures sont aujourd'hui d'autant plus apparentes que l'entreprise peine à hybrider ses canaux et ne s'assure pas toujours des capacités des personnes en contact.

De plus en plus de pièces à coudre
Le fait est que les canaux de relation avec le client sont de plus en plus nombreux. Dans sa dernière étude qui fait un focus sur 110 sites internet, Eptica nous apprend que le nombre moyen de dispositifs et de canaux de contacts mis à disposition des prospects et clients sur les sites web ne cesse de croître : en 2014, il était de 4,3 outils par site, pour 5,1 en 2015, et 5,6 outils en 2016.

Omnicanal et relation client sans couture

Sur les 110 marques étudiées par Eptica :
  • 7 % offrent la possibilité de les contacter sur 4 canaux
  • 50% sur 3 canaux maximum
  • 35% sur 2 canaux maximum
  • 8% sur 1 canal maximum
  • 1% ne permet de les contacter sur aucun canal
Du point de vue du client, le nombre de canaux utilisés dans la dernière expérience, selon le Baromètre Cultures Services de l'Académie du Service est de 1,5 en moyenne (incluant le face-à-face) comme le montre le tableau ci-dessous.

Omnicanal et sans couture

Derrière chacun de ces canaux, on trouve des femmes et des hommes qui répondent, qui créent du contenu, des interfaces ou qui programment des intelligences artificielles. La relation client est devenue complexe à opérer ; les entreprises n'ont pas le temps de poser leur aiguille pour raccommoder les canaux qui sont autant de pièces d'un ensemble hétérogène.

Des coutures toujours aussi grossières
L'étude "Les marques françaises et l’expérience client omnicanal en 2016" d'Eptica (qui est un vrai régal chaque année pour moi) mesure la cohérence des réponses entre les canaux.
Une même question a été posée par email, Chat, Twitter et Facebook, lorsque ces canaux étaient disponibles, et ce, afin de tester la cohérence omnicanal des réponses.
Il en ressort que seuls 15% des marques testées sont aujourd’hui en mesure de répondre à une même question de façon cohérente sur ces 4 canaux (à comparer au taux de 17% en 2015, soit une régression de 2 points).

Omnicanal et sans couture

C'est un bon indicateur de cohérence, même si celui-ci est limité à certains canaux à distance. J'imagine que si l'exercice comprenait le face-à-face avec un collaborateur ou d'autres canaux de relation, le taux ne serait pas meilleur, voire pire.
La relation client sans couture a pour ambition d'offrir de la fluidité dans le parcours, c'est à dire une cohérence dans les réponses à ses sollicitations et une homogénéité dans son expérience.

Quand les coutures apparaissent
Il est plus facile d'offrir une relation omnicanale dite "sans couture" à un client lorsque le nombre de canaux est limité et lorsque l'entreprise opère sur un canal de vente unique. C'est le cas de l'ecommerce par exemple dont le taux de cohérence est bien meilleur selon l'étude d'Eptica.

Dans un parcours client, les occasions de distinguer des coutures sont nombreuses :
- lorsque le client (ou la personne en contact dans l'entreprise) accède à son profil et à son statut, théoriquement mis à jour et accessibles depuis chaque point de contact
- lorsque le client fait appel à plusieurs interlocuteurs (dans le cas par exemple de plusieurs appels à un centre de contact ou plusieurs visites et point de vente, ou bien dans la combinaison des canaux)
- lorsque le client consulte les informations relatives à l'offre, aux prix et promotions sur chaque canal
- lorsque le client cherche des informations pratiques (adresses, horaires d'ouverture, délais,...)
- lorsque le client souscrit à différentes options de service
- lorsque le client est en contact avec des sous-traitants
- ...

Pour un patchwork harmonieux
La relation omnicanale parfaite et fluide, c'est à dire "sans couture", semble utopique, du fait de la complexité d’interfaçage des systèmes d'information et de la difficulté matérielle d'harmoniser les pratiques sur tout le parcours en temps réel.
Il semblerait plus sage de se fixer comme objectif de réaliser un patchwork harmonieux, opéré par des personnes au contact du client suffisamment capables et autonomes.
Parmi les conditions de réussite de ce patchwork réussi, on peut lister :

  • la définition de l'expérience client cible, ce que l'entreprise veut faire vivre au client dans ses parcours.
  • l'harmonisation des pratiques dans les canaux sur des moments clés de la relation client (retour produit, réclamation, résiliation, ouverture de compte client,...).
  • la mise en oeuvre de la symétrie des équipements et des capacités (selon une formule dérivée de la Symétrie des attentions), permettant aux collaborateurs d'être au même niveau que les clients. Cette symétrie doit s'opérer grâce à une volonté de réconciliation des canaux ; j'entends par là très concrètement le fait par exemple que les vendeurs en magasin soient à l'aise avec le digital. Au delà de leur sensibilisation et de leur formation, il est indispensable de penser à ce qui les motive, et très souvent la rémunération par exemple est une une pierre d'achoppement.
  • la mise en place d'un référentiel client unique, permettant à toutes les interfaces et toutes les interactions d'être riches d'informations à jour et complètes.
  • l'hybridation des canaux, qui est encore dans une phase d'expérimentation. Depuis le bouton SOS d'Amazon (lire mon billet à ce sujet), combien d'entreprises ont-elles développé la présence de la relation humaine sur internet et les outils digitaux efficients en points de vente ?

Cessons de courir après l'objectif utopique de la relation client sans couture et militons pour la réalisation d'un patchwork harmonieux !

Un billet écrit par Thierry Spencer, auteur du blog Sens du client et Directeur Associé de l'Académie du service. 

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