05 juillet 2009

La menace du web pour les magasins

Aux Etats-Unis, Internet a pris dans certains secteurs une position menaçante pour les points de vente. Phénomène accru avec la crise que nous traversons, plus sensible aux Etats-Unis qu'en France pour la distribution (lire mon billet sur les marques qui devraient disparaitre en 2009).

Ce billet se nourrit de ce que j'ai appris lors de la mission UBIFRANCE à Boston et New York à laquelle j'ai participé. Les organisateurs du Salon Internet Retailer ont présenté à la délégation française un certain nombre de chiffres de l'e-commerce américain que je vais partager avec vous (vous pouvez récupérer le tableau complet en bas de ce billet avec le lien slideshare). Avec ces chiffres en tête, en me promenant à Manhattan dans le quartier de Union Square, je n'ai pas pu m'empêcher de voir dans l'opération de Street marketing (distribution d'un dépliant avec un jeu) d'Ebay devant le Virgin Megastore une terrible illustration d'un monde qui change. Si j'ai demandé aux jeunes américains de poser pour moi devant l'entrée de l'enseigne de distribution de produits culturels (dont le logo n'a pas encore été démonté), c'est que celle-ci vient de fermer le 14 juin dernier. Après Tower Records qui a fermé ses 89 magasins en 2006 et His Master Voice en 2004, c'est au tour de Virgin de fermer ses 23 points de vente cette année aux Etats-Unis.

Dématérialisation de la musique, piratage de masse et chute du marché du CD et développement des ventes en ligne sont des explications. Mais Internet n'est pas seul responsable ; crise économique, diversification tardive et équation économique difficile (notamment du fait du coût des emplacements) expliquent cette triste disparition.

A ce propos, dans le secteur Livres/Musique/Video la part de l'e-commerce aux USA est de 15% (chiffre 2007), la croissance du secteur sur internet en 2008 était de 9% (vs une décroissance de 1% pour les magasins).

La plus forte pénétration de l'e-commerce revient aux Fournitures de bureau avec 37%, 2% de croissance de l'e-commerce vs 4% de décroissance en points de vente physiques.

Deuxième secteur en termes de part du web, l'informatique et l'électronique avec 25%, connaît une croissance de 12% en ligne en 2008, tandis que les magasins reculaient de 1%.

La plus forte décroissance des ventes en boutique en 2008 revient à la joaillerie avec -67%, tandis que les ventes en ligne croissaient de 1% et la pénétration était à 5%.

Je n'ai pas pu m'empêcher de faire un parallèle avec la France, notamment dans le secteur du textile et de l'habillement où la croissance des ventes en ligne est de 14% selon la FEVAD au premier trimestre 2009 (12% aux USA en 2008) et le chiffre d'affaires du secteur est en recul de 5% (et les boutiques américaines ont reculé de 2% en 2008). Nous ne sommes pas si différents, mais tout juste un peu décalés dans le temps...

Qu'adviendra-t'il des enseignes de produits culturels et notamment des 150 autres Virgin Mégastores sur la planête dans les mois qui viennent ?

Prenons le secteur du jouet dont la pénétration du web aux Etats-Unis est de 9% (en 4ème position parmi les secteurs), et la croissance en ligne de 19% (deuxième plus forte). Si les hypermarchés français réduisent leur taille et leur assortiment comme semble l'indiquer la tendance, il y aura fatalement un appel d'air et une prime aux spécialistes mais aussi aux vendeurs de jouets en ligne. Aura-t'on besoin dans le futur de voir et toucher en magasin une boîte de Playmobil, le dernier jeu vidéo à la mode ou la figurine qui fait fureur dans les cours de récréation ? Toujours à propos de jouets, j'ai visité le fameux magasin FAO Schwartz de New York qui vient d'être racheté par Toys R Us , et je me suis dit qu'un tel modèle était voué à l'échec si le magasin vendait les mêmes choses que dans les grandes surfaces alimentaires Walmart mais plus cher, ou bien proposait des conseils moins avisés que des communautés de clients sur internet. L'avenir des points de vente de jouets est dans l'expérience extraordinaire, le partage d'un moment unique avec des enfants et pas dans la guerre des prix.

En conclusion de ce billet, je voudrais croire aux vertus du multicanal pour le client. Une enseigne de vente à distance américaine opérant sur le marché du textile nous a indiqué un chiffre très intéressant : en prenant comme indice 100 le CA moyen par client en multicanal, on compte 47 pour les acheteurs "retail only" (distribution en magasin) et 34 pour "web only" (uniquement en ligne). Un client muticanal dépense plus !
Quand Internet aura atteint un niveau stable de maturité dans tous les secteurs (dans 5 ou 10 ans ?), je fais le pari que la prime sera aux enseignes qui sauront tout d'abord proposer le choix au client et lui offrir une solution d'achat par canal et une expérience adaptée. Des produits et des services différents par canal (En boutique essayer un produit, le goûter, assister à une démonstration... En ligne, bénéficier de conseils personnalisés, enrichir et personnaliser son produit...). Anticiper les tendances et repenser son modèle : c'est aussi celà avoir le Sens du client.

Billet signé Thierry Spencer, blog du Sens du client

1 commentaire:

Thierry Spencer a dit…

Pour illustrer mon billet à propos de la progression du web, voici un extrait du numéro spécial du magazine FORTUNE 500 de juin 2009 (classement des 500 premières entreprises américaines).
Amazon classé 130 ème (170 en 2007, gagne 40 places) avec 19 milliards de dollars de chiffre d'affaires.
Ebay classé 303ème société (326 en 2007, gagne 23 places) avec 8,5 milliards de CA.
Virgin Media classé 338 (313 en 2007 perd 25 places) avec 7,4 milliards de CA.