Je reconnais que nommer une tendance « le client sera confiant » peut sembler contre-intuitif quand on pense à la défiance du client. Cependant, la confiance occupe une place toujours plus grande dans les décisions des clients et les progrès du numérique ne font que lui donner une place centrale.

La confiance plus importante qu’avant pour le client

Une de mes études favorites pour sa qualité et sa profondeur -je veux parler du EDELMAN Trust Barometer -, nous révèle dans son édition 2023 que 71% des clients pensent que c’est « plus important qu’avant d’avoir confiance dans les marques que j’achète ou que j’utilise aujourd’hui ». De même, l’étude Focus sur le client connecté 5ème édition de Salesforce nous apprend que 74% des clients estiment que l’honnêteté et la transparence sont plus importantes aujourd’hui qu’avant la pandémie.

La confiance reprend de la valeur si je puis dire, et les entreprises doivent la mériter. Alors que la pandémie a rendu les clients plus attentifs et plus sensibles, la crise économique qu’ils traversent, et qui se manifeste par un taux d’inflation inédit depuis des décennies, pousse certaines entreprises a faire des choix contestables. Ainsi, plusieurs marques de grande consommation se sont vues taxer d’acteurs de la  « shrinkflation » (« réduflation », « rapetiflation » ou « rétréciflation »), de jolis et nouveaux mots-valises qualifiant le fait de faire payer plus cher un client pour une quantité moindre. L’association Foodwatch interpelle les consommateurs et le gouvernement depuis de longs mois à ce sujet, ce qui a conduit dans les derniers jours de décembre ce dernier a déposer auprès de la Commission européenne un projet d’arrêté visant à obliger les grandes surfaces à communiquer de façon claire aux clients les cas de Shrinkflation,

L’inflation met à mal la confiance des clients et ces derniers sont toujours en posture de défiance a priori. 44% des Français citent la méfiance comme 1ère caractéristique de leur état d’esprit envers les entreprises (alors que 29% citent la confiance) selon le Baromètre 2023 de l’Institut de l’Entreprise sur la relation des Français à l’entreprise (ELABE /Malakoff Humanis / Veolia). En cause : le manque d’authenticité. 51% des clients déclarent que les tentatives d’engagement des marques échouent par manque d’authenticité (les interactions sont inintéressantes, inauthentiques, hors de portée) selon l’Edelman Trust Barometer 2023. Les clients veulent du vrai. Combien de clients comme moi s’étonnent de voir à la télévision des spots de publicité vantant les mérites d’un matelas, d’une crème ou d’une brosse à dents en se basant sur des études réalisées auprès d’une centaine de personnes ? L’exemple le plus emblématique de ces derniers mois étant Poltronesofa qui a vanté « les artisans de la qualité » dans ses publicités avant d’écoper d’une amende de 800.000 euros de la répression des fraudes. Dans le domaine de la relation client, des millions de personnes chaque jour sont dérangées chez elles au téléphone par des entreprises envoyant de pauvres téléconseillers réciter un script épouvantable ? Non seulement ils irritent les clients, mais ils portent un terrible préjudice à toute la profession, ruinant chaque jour un peu la confiance qu’un client peut avoir dans la relation client à distance.

Dans ma conférence des tendances du 7 décembre, j’évoquais un sms de confirmation de rendez-vous envoyé par ma banque, un message sorti de nulle part et ne correspondant à rien. Quand je pense à la conseillère de mes parents (dans la même banque) il y a 50 ans, aux bonbons sur le comptoir et à la confiance aveugle dans l’établissement, fondée sur des relations humaines de proximité, je m’interroge sur la lente érosion de ce capital confiance. Je suis plein d’empathie pour ma jeune conseillère qui jongle avec des outils numériques complexes, qui n’a pas de budget pour m’offrir des bonbons, et qui voit la maigre confiance que j’ai en ma banque ruinée par des sollicitations non désirées envoyées par erreur au client. 76% des clients déclarent que les tentatives d’engagement des marques échouent par manque de pertinence (les interactions sont non voulues, intrusives, exploiteuses…) selon le Edelman Trust Barometer 2023. Ajoutons à ce chiffre celui relatif au secteur de la banque : 59 % des Français n’ont pas ou pas du tout confiance dans les banques (Source : Opinion Way pour SciencesPo Baromètre de la confiance politique vague 14 février 2023).  Accenture research dans son étude Human paradox de 2023, a comparé les thèmes des discours, expressions et prises de parole des clients et des entreprises. Lorsque les clients parlent des banques, le premier thème est celui de la confiance, alors qu’il n’arrive qu’en sixième position dans le discours des banques. La confiance est un investissement de tous les jours, une préoccupation qui ne devrait pas quitter l’esprit des professionnels. La confiance est un enjeu permanent pour les entreprises, c’est le ciment de la relation.

Mais notre époque n’est pas dénuée de contradictions (voir ma première tendance Le client sera playlist), ce que souligne Bruno Patino dans son dernier ouvrage « Submersion ».  Bruno Patino est l’auteur de la civilisation du poisson rouge et Tempête dans le bocal (lire ma chronique). Il nous rappelle à quel point la confiance que le client accorde obéit à des règles irrationnelles : « Notre époque n’est pas dénuée de contradictions vertigineuses : jamais n’avons-nous autant consenti aux mises en avant d’algorithmes de plateformes dont nous ne connaissons ni les mécanismes, ni les objectifs, et jamais n’avons-nous eu si peu confiance envers un grand nombre d’institutions pourtant familières, médias, institutions politiques, outils d’enseignement etc. »

Le client confiant, c’est d’abord aujourd’hui le client face aux outils numériques auxquels il se fie : 46 % des Français n’ont jamais eu autant confiance dans le numérique, soit 3 points de plus qu’en 2021 et même 9 pts de plus qu’en période précovid selon l’ACSEL Baromètre 2023 de la confiance des Français dans le numérique. Les outils que le client utilise chaque jour supposent la confiance, et l’intelligence artificielle qui guide le client dans ses choix et lui facilite la vie est rapidement adoptée par la masse. Dès que l’intelligence artificielle procure des bénéfices immédiats, elle est adoptée. Le client sera confiant a priori mais ses préoccupations seront à la hauteur de son enthousiasme : 68 % des clients déclarent que les progrès de l’IA rendent plus importante la confiance dans les entreprises (Source : State of the connected customer 6ème édition).

En 2024, il faudra compter avec cette contradiction : un état d’esprit de défiance vis-à-vis des entreprises et un besoin de confiance accru dans les outils numériques. Les sept leviers de la confiance client pourraient être les suivants :

  • Intégrité et éthique
  • Fiabilité et cohérence
  • Engagement envers la résolution des problèmes
  • Ouverture et écoute du client
  • Communication ouverte et proactive
  • Réputation et recommandation
  • Respect de la vie privée et de la sécurité numérique

Enjeux face au client confiant :

  • Redoubler de vigilance sur les promesses et les communications
  • Faire preuve de fiabilité et de constance dans la qualité des produits et services

Mon exercice annuel des tendances a donné lieu à une conférence spéciale le 7 décembre dernier avec le soutien de Comearth, KPAM et SmartTribune. Dès le 17 janvier 2024, vous aurez accès gratuitement à l’intégralité des diapositives de ma conférence et des billets de mon blog à ce sujet.

1093ème billet signé Thierry Spencer, conférencier, créateur du blog Sens du client, co-fondateur de KPAM Next.