12 juin 2023

La capacité d'indignation à la base du sens du client

S'indigner. Éprouver un sentiment de colère, de révolte. S'indigner face à une injustice, une inégalité, une situation qui va à l'encontre de nos valeurs et de nos croyances. Et si, au sein d'une entreprise, cette croyance était le sens du client, l'orientation client, le respect du consommateur ? L'indignation serait ce sentiment qu'on éprouve lorsqu'on traite mal ses clients.

J'ai eu la chance et l'honneur d'assister au pot de départ à la retraite de Martine Coupet la semaine dernière. Réunis dans une grande salle au siège de Decathlon, j'ai entendu les discours du fondateur et des dirigeants, le discours de Martine, j'ai discuté avec ses anciens et ses plus récents collègues, j'ai ri et été ému en entendant ces témoignages personnels. Souvenez-vous, j'ai rendu hommage à Martine Coupet, la directrice de la relation client de l'enseigne préférée des Français sur mon blog en décembre dernier après lui avoir remis un trophée spécial lors de ma conférence des tendances (lire ou relire mon billet).

Je retiens une chose de cet événement émouvant, à l'image de la femme, de la professionnelle et de l'enseigne. Un événement simple, profondément humain et sincère, pendant lequel on dit des mots forts et on rappelle une vie professionnelle au service du client. Je n'en rapporterai aucun car j'ai quitté pour une soirée ma casquette de blogueur. Mais sans trahir de secret, je retiens une chose importante qui me semble caractériser Martine, figure de notre métier, inspiratrice de générations de co-équipiers, élément clé de la réussite de l'enseigne. Cette idée forte, cette qualité unique, c'est la capacité d'indignation. Beaucoup se souviennent de son enthousiasme et de sa motivation, et autant de ses colères légitimes, qu'on peut qualifier de capacité d'indignation.

Dans les métiers du service, dans la profession de gestion de la relation client ou de l'expérience client, cette qualité est indispensable. Voici selon moi les raisons pour lesquelles il est fondamental de s'indigner.

L'indignation est motivée par un désir de protéger ses acquis en tant que marque : ses valeurs, son image, sa position, sa réputation. Elle fait appel à l'engagement individuel, à la volonté de bien faire, à la conscience professionnelle, à l'opinion qu'on se fait de son travail, à son exigence tout simplement. Je m'indigne car je veux protéger le collectif dans lequel je travaille, la marque que je défends.

L'indignation est une preuve d'empathie. Je m'indigne car je me mets à la place de mes clients à qui je rends un mauvais service, à qui je vends un mauvais produit, à qui je fais vivre une mauvaise expérience. L'indignation renforce les capacités à se mettre à la place du client. Bien sûr, on peut reprocher à l'indignation d'être plus dans le registre des émotions que du raisonnement. Mais l'expérience client n'est-elle pas une affaire d'émotions ?

L'indignation est un moteur puissant pour susciter le changement. Quand on est indigné par une situation qui ne nous semble pas normale, injuste pour le client, on est plus enclins à mobiliser, à sensibiliser ses collègues et à œuvrer activement pour transformer cette réalité dont nous sommes témoin. S'indigner est l'arme la plus puissante contre le cynisme qui s'installe dans beaucoup d'entreprises.

L'indignation est une salutaire révolte et une résistance. Quand on s'indigne, on refuse la complaisance, la médiocrité, les petits arrangements avec la réalité de l'expérience client, les irritants clients mis au placard. L'indignation permet de ne pas rester passif ou aveugle face à des problèmes qui nous révoltent. Pour Stéphane Hessel, l'auteur du fameux livre "Indignez-vous !", l'indignation est le ferment de l'"esprit de résistance". L'indignation nous pousse à remettre en question les normes, les process, les parcours, les attitudes problématiques, les comportements qui génèrent du mécontentement. L'indignation pousse à refuser d'accepter tacitement toutes les sources d'insatisfaction client.

L'indignation est un sport collectif. En s'indignant collectivement, on crée un sentiment de solidarité en interne et on gagne le soutien de ceux qui chaque jour sont les témoins - ou les victimes - de situations délicates avec le client. L'indignation, lorsqu'elle est partagée, renforce les liens et favorise la cohésion entre des personnes qui se battent pour la satisfaction du client. L'indignation produit de l'engagement collaborateur.

Alors, oui, bien sûr, s'indigner seul, rentrer chez soi silencieux et révolté car on travaille dans une entreprise qui ne respecte pas ses clients, c'est une souffrance, et une souffrance bien stérile. Se réunir pour déplorer, échanger pour se plaindre, critiquer sans agir, crier au loup, sont autant d'activités humaines sans issue en milieu professionnel. Un ou une dirigeant.e qui se met en colère sans donner les moyens à ses équipes est tout aussi inutile que les plaintes à demi-mot de salariés désengagés. Ce qui me conduit à penser que la capacité d'indignation doit être reconnue, valorisée, encouragée.

En réfléchissant bien, parmi tous les professionnels que j'ai pu rencontrer, ceux qui travaillent dans des entreprises leaders dans l'expérience client ont toujours répondu à mes critiques ou à mes suggestions par "mais tu as raison ce n'est pas normal du tout" ou "on ne devrait pas faire ça". Et dans les semaines, les jours, parfois les heures (là je parle de Martine) qui suivent, ils agissent pour réparer, améliorer. Ils se sont indignés.

Parce que l'expérience client n'est pas un long fleuve tranquille, et que les clients sont de plus en plus attentifs, l'indignation est indispensable.

Et plus l'entreprise sait ce en quoi elle croit, plus elle a des valeurs fortes et partagées, plus elle s'indigne. S'indigner n'est que le rappel au sens de sa mission, un signal d'alarme si on sort de son chemin, le fait de signaler une sortie de route, une erreur. Car il y en a tous les jours des sorties de route, un petit pas en dehors du chemin, ou bien une vraie fausse route. Il suffit qu'une personne, ou un groupe de personnes, rappellent au collectif sa raison d'être ou sa promesse client et s'indignent de les voir oubliées ou bafouées et on se remet en marche. 

La capacité d'indignation est à la base du sens du client.

1069ème billet du blog Sens du client, rédigé par Thierry Spencer d'une seule traite avec l'énergie de l'indignation, conférencier, créateur du blog Sens du client et co-fondateur de KPAM Next. 

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