Troisième tendance de la relation client 2022 : le client qui devient de plus en plus rare dans les canaux de relation physique, en face-à-face comme à distance, une tendance qui ne fait que s'accélérer et à laquelle les clients sont prêts.
Lorsqu'on pose la question aux Français (dans l'observatoire Cetelem) : "D’une manière générale, diriez-vous qu’il est probable que la société dans laquelle vous vivrez dans 10 ans fasse de plus en plus de place aux pratiques sans contact ?", ils sont 78% à répondre par la positive. Sont-ils prêts à cette nouvelle façon d'entrer en relation ? Pour 61% des Français, il est facile de s’adapter à ces pratiques sans contact (c’est-à-dire certaines pratiques qui amènent moins de contacts humains/physiques au quotidien et favorisent le recours au digital).
Les clients prêts à la rareté du contact : 79% d'entre eux estiment qu'il sera facile de s'adapter à un monde dans lequel il y aurait moins de contacts humains pour l'acte de faire ses courses, faire du shopping en ligne (Source : observatoire Cetelem).
A partir d'une analyse allant de 2014 à 2021 dans le baromètre de la Symétrie des attentions, on constate que 56% des clients français déclaraient avoir utilisé un canal physique (point de vente, agence ou lieu d'exercice) lors de leur dernière expérience il y a 7 ans, contre 32% aujourd'hui. La courbe ne cesse de baisse sur presque une décennie... le client rare n'est pas nouveau !
La tendance est identique dans les six secteurs d'activité étudiés. 67% en 2014 vs 49% en 2021 dans l'automobile, 54% contre 32% aujourd'hui dans la banque, 45% vs 18% dans l'assurance...
On estime par ailleurs que pour les centres commerciaux et les boutiques de centre-ville, la baisse de fréquentation est supérieure à 30% depuis 2013.
La France se distingue selon l'étude Akeneo 2021 Product Experience Satisfaction Around the World avec 48% des Français qui déclarent trouver des informations utiles pour prendre une décision d'achat, contre 27% dans la moyenne des autres pays étudiés dans le cadre de ce sondage. La relation en face-à-face n'est pas morte, mais elle devient précieuse et les personnes en contact y jouent un rôle essentiel. Il faudra aux entreprises des trésors de créativité dans l'expérience produite dans le futur si on observe les préférences des plus jeunes consommateurs. La génération Z préfère l'achat en ligne à 61% quand les baby boomers sont 49%. Pour ce qui est des achats en magasin, la génération Z déclare la préférer à 52% alors que les plus âgés des actifs (les baby boomers) sont 62% (Source : Wunderman Thompson Into the metaverse Juillet 2021).
Un besoin urgent de se réinventer
La marche semble haute pour les entreprises produisant une expérience dans le monde réel si l'on en croit le terrible constat fait par REACHFIVE dans son étude de Novembre 2021. 22% des clients français jugent l'expérience en magasin meilleure, vs 46% en ligne. Le cœur du client penche pour la relation à distance, ne trouvant pas d'expérience suffisamment motivante en présentiel.
Les professionnels de 22 pays interrogés par Havas commerce à l'occasion de la retail week de 2021 semblent en avoir parfaitement conscience : 66% d'entre eux estiment que l’expérience en magasin devra être réinventée pour satisfaire le consommateur.
Réinventer, produire des émotions positives telles que la joie n'est pas l'apanage du secteur du retail, pour ne citer que lui : moins de 30% des conversations en ligne sont classées joyeuses dans l'étude Brandwatch sur les marques et industries championnes de l’expérience client en 2021.
Il faut se tourner vers un pure player de l'e-commerce pour trouver le numéro 1 des conversations joyeuses, en l'occurrence ETSY, un e-commerçant américain créé en 2005 et qui vend désormais dans le monde entier. 4ème site américain, avec un chiffre d'affaires de plus de 9 milliards d'euros, 85% des 5 millions de vendeurs de cette plateforme sont des femmes. L'étude de son positionnement révèle ses principes directeurs qui citent l'optimisme et ses promesses rédigées autour de "vendre ou acheter de l'extraordinaire".
Dans le monde réel et en France, EY Parthenon 2021, dans le cadre de son classement « Enseigne préférée des Français », met à disposition des lecteurs de son étude un tri sur le critère du "plaisir d'achat en magasin" dont il ressort que Decathlon et Maisons du Monde obtiennent les meilleurs scores. C'est donc dans ces deux enseignes françaises qu'il faut aller chercher les recettes pour motiver un client de plus en plus rare.
Faire face à un client rare exige parfois des décisions drastiques et courageuses. On peut citer l’enseigne de prêt-à-porter Jennyfer qui existe depuis 38 ans. Leader sur les 15-35 ans, elle a perdu de sa superbe avec l'arrivé d'une concurrence féroce dans les deux dernières décennies, à l'instar de Zara, H&M ou Primark, les géants de la fast fashion. Réinventer l'expérience, redonner de bonnes raisons de revenir a nécessité une reformulation énergique de la promesse. C'est ainsi que Jennyfer est devenu "don't call me Jennyfer", abordant sa ringardise avec réalisme et opportunisme. Les surfaces ont été agrandies, mises en scène pour permettre de prendre des photos et partager du contenu. Des séries limitées, des opérations promotionnelles en rupture, comme des fonctionnalités digitales ont été créées pour redonner envie aux 10-15 ans de fréquenter à nouveau l'enseigne.
Le client ne se déplacera plus pour une expérience sans saveur, et les distributeurs français les plus timorés seraient bien inspirés de regarder du côté de l'Ukraine où les dirigeants de l'enseigne SILPO, qui compte 273 supermarchés, n'ont pas hésité à revoir complètement la disposition et la décoration des magasins autour de 70 thèmes différents, de l'ambiance de cirque à celle du Petit Prince. Il ne s'agit que de revoir la forme et le décor, mais au moins il se passe quelque chose !
La rareté du contact humain, qui ne fait que s'accélérer, devrait sonner comme une alerte pour tous les professionnels disposant de lieux d'exercice, magasins, agences, concessions, boutiques et autres comptoirs dont la plupart ne déplacent plus les foules de clients, pour des raisons légitimes (la pandémie, la digitalisation) mais aussi pour des raisons plus profondes : le mauvais accueil, l'expérience sans intérêt, l'absence de personnalisation des contacts et la mortelle tristesse.
Enjeux de cette tendance :
- Faire des interactions humaines en face-à-face des moments précieux
- Enrichir l’expérience dans les lieux physiques
997ème billet, partie 3 signé Thierry Spencer, créateur du blog Sens du client, directeur associé à l'Académie du Service.
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