16 mars 2021

Le consommateur, éternel infidèle ? Le guide d'un autre monde.

On pourrait voir dans cette chronique un véritable défi, dans le sens où je suis passionné par le client et que toute publication qui parle de "shopper", de "user" ou bien de "consommateur" (ou encore pire, de consom'acteur) me semble étrangère. Depuis 1991, date de mes débuts professionnels, je n'ai travaillé que pour des clients et jamais pour des consommateurs. C'est donc avec une grande curiosité que j'ai lu le livre "Le consommateur, éternel infidèle ?" sorti le mois dernier et que je me suis lancé dans sa chronique.

J'ai recensé les six bonnes raisons de lire "Le consommateur, éternel infidèle ?"
  • Parce qu'il nous rappelle quelques bons principes. Oui, c'est indéniable : entre les Français déclarant que les produits bio sont la réponse à leurs besoins et ceux qui, effectivement, peuvent se payer régulièrement des produits de cette catégorie, il y a un écart plus que significatif. Les programmes de fidélité traditionnels ne sont pas si fidélisants. La publicité n'a pas d'impact immédiat sur le chiffre d'affaires. Aucune marque n'est présente dans le top 100 des requêtes sur Google. Autant d'évidences rappelées et démontrées par les auteurs. La grande consommation et la grande distribution, qui sont majoritairement les territoires d'exploration de ce livre, ont des règles invariantes et appellent les commentateurs, consultants (et blogueurs) à l'humilité dans leurs analyses. Les auteurs déconstruisent les nombreuses idées reçues dans le domaine de la consommation et nous rappellent, avec de riches références, de Baudrillard à Leibniz, qu'il n'y a pas de "nouveau consommateur".
  • Parce qu'il est riche de données. Vous trouverez dans cet ouvrage de quoi satisfaire votre appétit de statistiques, notamment dans le domaine de prédilection des auteurs, à savoir la promotion dans la grande distribution, la fidélité, les éléments clés du parcours client dans les grandes surfaces alimentaires et les évolutions de la consommation. C'est précisément parce qu'il utilise le terme "consommateur" plutôt que celui de "client", que le livre explore avec une plus grande hauteur de vue les tendances. J'aime beaucoup par exemple l'idée développée dans le chapitre 7 selon laquelle "la mécanique promotionnelle doit être considérée comme une prise de parole de la marque et pas seulement comme un moyen d'augmenter les ventes", pour citer les auteurs. Si vous avez soif de données et d'études, ce livre est pour vous !
  • Parce qu'il est riche de références. Outre le fait que j'adore les introductions de chapitre faisant référence à des ouvrages de littérature classique (ce qui est rare dans les ouvrages professionnels), les auteurs ont eu à cœur de mettre en valeur des points de vue variés issus de nombreuses disciplines. Ainsi, dans le chapitre 8, les auteurs convoquent le philosophe Alain Etchegoyen pour aborder l'injonction à être fidèle et concluent sur un thème qui m'est cher sur la posture des entreprises : "Peut-on s'étonner que le consommateur adopte une relation détachée avec ses fournisseurs quand ceux-ci promeuvent en même temps un monde infidèle ? La loyauté (réciproque) n'assurerait-elle pas une meilleure durabilité du lien ?". 
  • Parce qu'il démontre qu'il est difficile d'être directeur(trice) marketing de nos jours. Un des témoins (Stéphane Hugon), rappelle que "La transformation de la société a été plus rapide que l'évolution du marketing (...)". Dans mes cours de marketing, à la fin des années 80, LE marketing était un marketing de masse, un marketing d'influence, d'image et de produits de grande consommation. J'observe par mes contacts avec les étudiants des années 2020 une légère, très légère inflexion de l'apprentissage du marketing. Les ouvrages qui font évoluer la discipline se font rares, et les débats sur le "marketing client" pas si nombreux. Ce livre pose un certain nombre de questions passionnantes qui sont autant de raisons d'aimer ce métier qui nécessite une grande ouverture d'esprit et une bonne culture. A ce sujet, dans leur conclusion, les auteurs conseillent très justement de "se cultiver pour maîtriser un environnement complexe", ce que vous ferez en lisant ce livre.
  • Parce qu'il me fait l'effet d'un guide du routard. Je n'ai jamais travaillé dans une enseigne de grande distribution, ni pour des produits de grande distribution. A la lecture de ce livre, je me suis senti comme un touriste qui dévore son guide avant de partir à la découverte d'un nouveau pays, positionnant des Post-it dans les pages et prenant des notes pour être certain de ne rien rater. Dans mon pays, les gens s'appellent les clients. Dans le pays des auteurs, Julie Delvallée et Raphaël Hodin, les gens sont des consommateurs. Je me dis toutefois que nous appartenons à la même planète et que les voyages sont une source d'enrichissement. Dans le pays décrit dans ce livre, je comprends que, comme dans mon monde, il y a des gens pleins de certitudes dont les propos me font doucement sourire par leur doux cynisme (je pense à quelques témoins de ce livre) et d'autres qui admettent, comme dans mon univers, que la réalité du client est complexe. J'admire les auteurs pour avoir exposé des points de vue de témoins parfois très contradictoires, et avoir su en faire une synthèse raisonnée, pleine de bon sens. C'est ce qui me fait aimer aussi ce livre.
  • Parce qu'il est plein d'espoir. Dans la conclusion de leur dernier chapitre, les auteurs concluent par ces mots "A défaut d'avoir accouché d'UN nouveau consommateur, la période écoulée aura rendu visibles LES consommateurs, irréductibles dans leur singularité. Les années 2000 feront peut-être naître de "nouveaux marketeurs" à la disposition et à l'écoute des individus et de leur complexité." Derrière ces tickets de caisse, ces unités de besoin et ces chariots se cachent donc des petits cœurs qui battent et qui veulent vivre des expériences singulières ! Les auteurs admettent les progrès à faire dans le domaine de la connaissance client et me réjouissent lorsqu'ils donnent la parole à des témoins que j'admire, en l'occurrence Anne-Sophie Bayle-Tourtoulou, qui aborde le sujet des neurosciences et des émotions. Son témoignage, tout comme le chapitre 11 sur l'expérience, sont à la frontière de nos pays et m'ont montré que nous avions des préoccupations communes et l'ambition d'essayer de comprendre et de progresser.
Pour commander, ce livre, rendez-vous ici.

956ème billet signé Thierry Spencer, créateur du blog Sens du client et auteur du livre Avez-vous le Sens du client ? publié aux Editions KAWA.

1 commentaire:

Unknown a dit…

J'ai également lu ce livre à sa sortie reçu de manger quelque chose sur ce sujet.
Hyper documenté c'est vrai mais au final toutes cette documentation sert à enfoncer des portes ouvertes pour tous ceux qui ont affaire à des clients au quotidien.

Bien sûr ici c'est plus scientifique que de simples ressentis de commerçants mais pour qui est commerçant justement rien de neuf sous le soleil.

Je salue largement le travail de 🐜 en tout cas car éplucher les nombreuses études citées est sans doute un boulot énorme.

Le grand oublié du livre represente tout de même 30% de la distribution en France: le petit commerce.
https://je-suis-commercant.fr/client-fidele-vraiment/