La reconnaissance faciale n’est plus de la science fiction. Nous abordons la période de mise sur le marché massive de terminaux incluant cette fonctionnalité et de banalisation de l’usage de la video dans l’espace public.
En 2013, alors que j’écrivais dans mes tendances « le client sera doigt », seulement 3% des smartphones proposaient la lecture des empreintes (source Counterpoint – Market Outlook CY). En 2018, on compte un milliard de terminaux mis en vente qui proposent cette option (soit 71% des terminaux proposés).
En 2018, 23% des smartphones proposent la reconnaissance faciale (Source Counterpoint research– Component tracker) et il faudra attendre deux ans pour que 64% des smartphones soient équipés de la reconnaissance faciale. Leur nombre sera alors (en 2020) de un milliard.
Les usages de la reconnaissance faciale
Vous êtes peut-être vous-même équipé(e) d’un smartphone à reconnaissance faciale, une fonctionnalité qui vous permettra de vous identifier sur l’application de la
banque mobile N26.
Mais l’usage sur mobile n’est qu’une des nombreuses utilisations possibles, la plus commune pour le moment.
En Chine, où 200 millions de caméra de video surveillance sont installées (à comparer aux 60.000 du territoire français), soit 1 caméra pour 7 Chinois, vs 1 caméra pour 1100 Français, la reconnaissance faciale permet d’identifier un
contrevenant sur la voie publique, afficher son portrait sur grand écran dans la rue et lui envoyer une amende instantanément. Brrrr…
En France, nous n’en sommes qu’à la verbalisation par video via la reconnaissance des plaques d’immatriculation. C’est un début !
La Chine est le pays le plus avancé -si je puis dire- dans l’usage massif de la reconnaissance faciale et les expérimentations ne manquent pas :
payer avec son visage chez KFC, retirer la carte de sa chambre
chez Marriott, ou s’identifier comme chauffeur officiel dans la compagnie de VTC Didi Chuxing, le leader en Chine qui a forcé le challenger Uber a utiliser cette technologie suite à une agression tragique dans un taxi dont un conducteur non identifié était le coupable.
La sécurité est l’argument qui fera mouche pour accélérer l’adoption de cette technologie auprès des professionnels comme des clients. Selon la National Retail Federation USA, 56% des Américains sont favorables à l’usage de la reconnaissance faciale dans les magasins à des fins de sécurité, une application que met en avant la société FaceFirst, et fait la démonstration avec le kidnapping d’un enfant.
Un marché et des débats prometteurs
Tout cela promet des débats éthiques dans les prochaines années, ce dont les Chinois ont fait l’économie, alors que
la CNIL en France a fait observer que le « droit n’apporte pas de réponse appropriée face à ces développements ». Amazon
a déclaré récemment ne pas vouloir renoncer à fournir son outil de reconnaissance faciale aux autorités, alors que
Microsoft appelle à une réflexion urgente sur la réglementation.
Le marché de la reconnaissance faciale est en pleine explosion : la
start up la plus valorisée au monde dans le domaine de l’intelligence artificielle est spécialisée dans ce domaine. Il s’agit de Sensetime, une entreprise chinoise évaluée à 4,5 milliards de dollars qui compte déjà plus de 700 entreprises clientes, dont la chaîne de distribution Suning. Dans les 4.000 magasins de cette enseigne, on peut étudier finement le comportement des clients, identifier les clients fidèles et « optimiser l’efficacité opérationnelle » (comprenez « surveiller les collaborateurs »).
En étudiant les sites d’Amazon Recognition l’américain et de Face++, le leader mondial chinois, j’ai fait la liste des fonctionnalités disponibles et actives :
- Sécurité, vidéo surveillance
- Déblocage terminaux et véhicule
- Démarrage du véhicule
- Détecteur de fatigue
- Reconnaissance faciale
- Détection de l’âge
- Classement des albums photos (une fonctionnalité déjà présente sur certains smartphones mai sans identification).
- Détection d’objets, de scènes et d’activités (alimenté par le machine learning chaque jour plus puissant)
- Détection de contenu inapproprié (une fonctionnalité présente sur les réseaux sociaux)
- Analyse des sentiments et des émotions (avec un exemple dans une salle de classe maternelle pour s’assurer que tous les élèves suivent)
- Paiement avec son visage
Quand je pense que mon visage est sur Facebook, avec les 240 milliards de photos que contient à ce jour le réseau social, sur SnapChat avec les 250 millions de photos prises chaque jour, je me dis que j’alimente des intelligences artificielles au bout du monde et que je suis prêt à être reconnu avec une marge d’erreur très faible dans un futur possible.
Il est fort à parier que cette technologie fera bientôt son apparition dans notre quotidien et que son adoption sera aussi rapide que les bénéfices pour le client seront forts.
Les enjeux :
- Anticiper les nouveaux usages de la reconnaissance faciale
- Prendre part au débat éthique