Le 29 juin dernier au sein de Orange Campus, l'AMARC (Association pour le MAnagement de la Réclamation Client) a tenu sa brillante 27ème convention réservée aux adhérents (plus de 250 entreprises représentées). Avec l'accord des participants et des membres du bureau de cette association dont je suis un fervent promoteur, je vous en propose un bref compte rendu.
Le thème était "Comment concilier les exigences de ses clients et de ses équipes ?", une question délicate qui représente un exercice périlleux, mais aussi une harmonie naturelle et profitable lorsqu'elle est résolue, comme peut le faire penser l'illustration de ce billet.
- En guise d'introduction, Laurent Garnier, directeur associé de KP/AM, présentait "Les exigences clients d’aujourd’hui et de demain à l’égard des services relation et réclamation client". Il nous rappelait avec un certain bon sens, en s'appuyant sur les études menées au sein de son cabinet, que la logique des moments de vérité s'appuyait désormais sur l'opinion : "On se rend compte de la valeur d'une entreprise quand il y a des problèmes", alors que le consommateur s'installe dans une posture de défiance systématique des institutions et des discours (lire mon billet de tendances "le client sera défiant"). Pour lui, le défi est de passer pour les entreprises "d'une organisation complexe à une véritable simplicité" et pour le consommateur "d'une expérience frustrante à une expérience valorisante". Il rappelait les cinq piliers de l'enchantement relationnel issu des nombreuses études de verbatims clients : facilitation, transparence, confiance, humilité et prévenance.
- Inergie, cabinet de conseil en management, communication et opinion interne, présentait ensuite, par la voix de son représentant Laurent Rouas, les paradoxes des organisations en contact avec les clients sous l'angle d'une étude sur la perception et les attentes des salariés.
- Premier paradoxe illustré par des chiffres : 91% d'entre les salariés reconnaissent que leur entreprise met "le client au centre de ses préoccupations" (le poncif de la décennie), alors que seulement 56% d'entre eux observent que l'organisation favorise la coopération entre services.
- Deuxième paradoxe : près de 9 salariés sur 10 avouent que le travail tient une place importante mais déclarent vivre une expérience qui a de moins en moins de sens. Le sens que l'on donne au travail conduirait-il au sens du client ?
- Troisième paradoxe intitulé très justement "la qualité empêchée" : seulement 57% des salariés disposent du temps nécessaire pour bien faire leur travail et 55% ont les moyens d'améliorer la satisfaction du client, ce qui conduit -selon Inergie- à un développement de postures de retrait des salariés, évidemment préjudiciable à la relation client.
- Quatrième paradoxe, celui du lien social. 84% des salariés reconnaissent avoir de bonnes relations avec leur responsable direct, et presque autant avoir le sentiment de faire partie d'une équipe. Des sentiments fragilisés par l'intensification des rythmes, l'instabilité des collectifs et l'organisation de travail.
- Cinquième paradoxe : 8 salariés sur 10 observent que leur responsable direct est disponible en cas de besoin, alors que 4 managers sur 10 soulignent un manque de marges de manœuvre et une ressource temps qui fait défaut. Nous sommes au coeur du problème : la pression mise sur le "middle management" et son manque d'autonomie nuit à la relation client.
- Autre présentation, celle d'Olivier Tirmarche et Jérôme Tougne, consultants et associés chez Le Carré Conseil : "Face aux exigences clients : quelles solutions organisationnelles, ou comment satisfaire le client sans user le salarié". Face à un client qui impose ses attentes, ses émotions et ses propres contraintes, la solution -selon eux- consiste à développer entre les managers et les salariés des "échanges affirmés" et favoriser entre clients et salariés l'authenticité dans les relations (pour protéger sa santé) pour répondre aux nouvelles attentes des clients. Pour cela, Le Carré Conseil recommande l'émergence de ces comportements dans une entreprise elle aussi "affirmée" :
- Ne s'engager que sur ce qu'on est en capacité de réaliser et rendre visible les efforts consentis (en développant par exemple des formations et programmes "vis ma vie" -une pratique de certains adhérents de l'AMARC-, en harmonisant les discours sur les promesses tenables, en consigant les engagements sur les points d'entrée...)
- Reconnaitre ses erreurs et accepter la dimension émotionnelle de l'échange verbal (en privilégiant l'oral dans les situations d'intensité émotionnelle, en posant les limites à la "mécanisation des interactions" autrement dit les scripts au téléphone).
- Dernière recommandation pour tenir ces résolutions dans le temps : envoyer les dirigeants et managers au contact des clients, un conseil qui me semble capital.
- Avant-dernière intervention, celle du brillant Maurice Thévenet, professeur de management au Conservatoire national des arts et métiers et à l’ESSEC, véritable showman, à propos de l’efficacité relationnelle du Manager (écouter son intervention en suivant ce lien). Selon lui, les trois rôles du manager dans la séquence de réclamation :
- Interprète-traducteur, parce qu'il faut traduire dans les comportements les valeurs, les stratégies et les visions de l'entreprise. Le but n'est pas de satisfaire le client mais bien de satisfaire les deux parties, selon lui. Il faut des managers capables d'imaginer dans le bon sens pour aider les salariés à faire face à des situations imprévues.
- Bricoleur, car la réalité ne correspond jamais à ce qui est sur le papier ! Le monde de la relation est celui sur lequel il faut s'ajuster. La réalité est toujours plus complexe et inattendue que ce que l'on peut imaginer
- Régulateur d'émotion. La relation au client est émotionnelle : le manager doit faire le bouchon de la cocotte minute ou du punching ball, un rôle fondamental selon lui. Pour rendre le travail acceptable, agréable face aux difficultés, il faut un manager.
- A ces trois points, il ajoute -comme l'intervenant précédent- que les managers doivent faire physiquement l'expérience de la relation client pour savoir, puis ils doivent pouvoir (en se libérant des contraintes, voire en s'en affranchissant), et enfin ils doivent avoir la volonté de manager et prendre leurs responsabilités sans se cacher "derrière leur écran, leurs powerpoints et leurs reportings".
- Les attentes, problèmes ou ressources, une option stratégique par André-Yves Portnoff, directeur de l’Observatoire de la Révolution de l’intelligence de Futuribles international, auteur de Aux actes citoyens, constituait une conclusion à cette riche matinée. Je retiens de sa présentation (à revoir ici) plusieurs points :
- L'exemple de Mondial Assistance, en pleine tempête de neige, les managers viennent prêter main forte aux personnes en contact avec le client. résultat : un acquis d'expérience exceptionnel pour ceux qui étaient en charge de la stratégie et se retrouvaient dans une situation chaude et riche.
- Une "épouvante" selon lui : industrialiser la relation client, tayloriser la relation, établir des scripts, équivaut à réduire la liberté des collaborateurs qui sont dans l'obligation de "transgresser les règles pour que ça marche".
- "Quand on ne gère que le présent, on n'a pas d'avenir", pour illustrer cette tragique vision de nombreuses entreprises -souvent financière et court-termiste.
- Selon lui, il ne faut pas être centré client, mais centré humain ! Il faut s'appuyer sur "les actionnaires, les clients et la totalité du personnel", et pas uniquement sur un de ces pieds.
Je vous invite à prendre connaissance d'une autre pépite estivale de l'AMARC : la cartographie des services réclamations publiée l'an dernier à la même période. Et pour ceux d'entre vous qui voudraient adhérer à l'AMARC, suivez ce lien.
Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.
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