21 juillet 2012

Les secrets de Costa Croisières et son Sens du client

Comme vous peut-être, je pensais que Costa Croisières (société d'origine italienne filiale du groupe américain Carnivalétait perdu suite au naufrage médiatisé d'un de ses bateaux. Comme vous, je pensais qu'une marque avait du mal à se relever du décès de certains de ces passagers suite à une aventure rocambolesque. Comme la plupart d'entre vous, je n'ai jamais fait de croisières, et en bon marketer coupé de certaines réalités de ce monde, je n'ai souvent entretenu que mépris à l'endroit de ce genre de loisirs de masse.
Mais me voilà de retour d'une croisière dans les Fjords norvégiens à bord du bateau Costa Fortuna ; 3.470 passagers, 1.027 membres d'équipage, 1.358 cabines, 272 mètres de long, 17 ponts, 4 restaurants, 11 bars, 4 piscines, un casino, un théatre, un terrain de sport, bref un immense club de vacances flottant.
Qu'est ce qui me fait dire que Costa Croisières a le sens du client et quels sont ses secrets   ?

1) L'immersion
Blague à part (sur le naufrage du Costa Concordia), rien de tel qu'un milieu immersif pour faire vivre au client une expérience totale. Les boutiques Abercrombie par exemple jouent sur ce registre (lumière faible, musique forte, pas de vitrine, petite entrée), tout comme les parcs d'attraction. Je me disais que si l'avenir des commerces passait par le renforcement de l'expérience du client, pourquoi si peu d'enseignes poussent leur concept aussi loin pour faire vivre au client une expérience unique et empreinte de la marque ?

2) La mise en scène
Vous objecterez que les loisirs se prêtent plus que n'importe quel autre secteur à une scénarisation du service. Il n'empêche. Alors que beaucoup d'enseignes se contentent d'affubler leurs employés d'un malheureux tee shirt qui relaye l'opération promotionnelle du moment, Costa Croisières ne recule devant rien pour animer et mettre en scène l'expérience. Dîner du capitaine ? Tous les serveurs en grande tenue. Soirée italienne ? Chaque table est décorée, le menu est personnalisé et le personnel est habillé aux couleurs de l'Italie. Accostage dans les Fjords ? Deux employés déguisés en ours polaires vous attendent au bas de la passerelle avec le photographe. Je pense que nous autres français avons trop peur de cette outrance et faisons toujours trop timidement ce genre de choses. Et pourtant, pour forger des souvenirs mémorables, rien de tel que des signes forts, de la bonne humeur, de la désinhibition pour transformer un achat ou une croisière en expérience extraordinaire.

3) Les basiques parfaitement exécutés
Chaque année qui passe dans beaucoup d'enseignes, les patrons de réseau décrètent le retour aux basiques. Par lassitude, par manque de courage, par abandon, par réduction du budget formation, on revient fatalement aux fondamentaux oubliés encore et encore.
Lors d'un de mes récents déplacements à Lille, je discutais avec le chauffeur de taxi qui me parlait de son expérience en croisière Costa. "On mange très bien et le service est top !". Pour en avoir fait l'expérience, je vous le confirme. Et pourtant, il s'agit de servir plus de 3.000 personnes chaque jour à table, avec une carte au choix très large, sur une table parfaitement dressée, rapidement et sans fausse note. Appelez le service client si vos toilettes sont bouchées, 5 minutes après c'est réparé. Demandez un extra ou une faveur, et on vous répondra avec le sourire pour vous satisfaire. On ne répétera jamais assez que les attentes des clients sont souvent basiques. Pourvu qu'elles soient détectées, le socle de la fidélisation est solide quand on les exécute parfaitement. Vous me direz, le basique est de voyager vers des destinations extraordinaires en sécurité, sans sacrifier celle-ci à la recherche du profit commercial. C'est un fait et Costa Croisières a failli gravement avec son bateau Costa Concordia (et l'histoire n'est pas finie). Mais je connais des compagnies aériennes célèbres ayant connu ces drames et dont le service au client n'a pas ce niveau.


4) La personnalisation à outrance
Dans une activité de loisirs de masse, les nationalités sont nombreuses. Sur les 3000 passagers de cette croisière nous n'étions que 200 français. Et pourtant, chaque document laissé chaque soir sur le lit de la cabine est en français. Appelez le service client à bord, une personne vous répondra en français. Autre exemple de personnalisation : une personne et une seule, qui vient se présenter, s'occupe de votre séjour et particulièrement de votre cabine. Ma fille de 16 ans reçoit dans sa boîte à lettres personnelle des invitations personnalisées à son prénom pour des activités de son âge. Le 14 juillet, notre programme du jour célèbre la fête nationale française. Demandez un alcool particulier à table, on vous le propose le lendemain. Consultez la chaîne de télévision dédiée dans votre cabine et accédez à l'état de votre compte.
Dans un marketing de masse, la personnalisation est un enjeu majeur pour faire sentir au client qu'il est unique.

5) L'organisation 
C'est peut-être plus facile de mettre en place une organisation militaire à bord d'un bateau quand le patron se nomme "Commandant", et que tout le monde est en tenue. Il n'empêche. Chaque personne est à sa place, remplit une fonction claire et identifiable par le client. A chaque employé sa tenue particulière, son badge personnalisé et son lieu de responsabilité. Alors, bien sûr la plupart des employés sont asiatiques (philippins ou indonésiens pour être précis), et peut-être que leur sens du client est plus développé que le nôtre, mais on sent derrière chaque service, derrière chaque rendez-vous ou organisation (excursion, repas, spectacles, embarquement, transferts, accueil à l'aéroport) le process et la discipline. Le touriste en général et le client Costa Croisières en particulier aime que tout fonctionne, que tout soit simple et clair. Il peut râler quand on lui colle une grosse étiquette rouge sur le bagage et qu'il doit attendre une heure dans un salon que les employés chargés des clients à l'étiquette rouge le fassent monter dans un bus qui portera un gros panneau explicite derrière le pare-brise. Mais on ne peut pas gérer 3.000 personnes dans le tourisme de masse en improvisant. Je vois trop souvent des marques ou des enseignes timides dans l'application et la discipline, et pourtant, le management d'une organisation de services doit être fort, organisé, processé.

6) La motivation du personnel
Le système Costa Croisières est basé sur un salaire fixe assez bas (800 euros pour les membres d'équipage) et un variable indexé sur les résultats de l'enquête de satisfaction. Si 70% des clients répondent "excellent" à la première question du questionnaire de satisfaction, tous les employés ont une prime de 200 euros. Dans le document Bravissimi! (en illustration de ce billet et qui me fait penser au système de Easyjet dont j'ai parlé dans un précédent billet), les clients sont invités à indiquer la qualité du service rendu par un ou plusieurs membres du personnel. Ils gagnent une prime ou bien un jour de congés. Une matinée dédiée aux récompenses (entre les membres du personnel) était organisée à bord lors de notre séjour. 15% du millier d'employés sur le bateau sont en contact avec le client et sur eux pèsent une "forte pression" (je cite un employé) sur la qualité du service rendu. La reconnaissance du personnel, l'indexation de la rémunération sur la satisfaction client sont des fondamentaux du sens du client, une pratique à adopter.


7) La mesure de la satisfaction






On pourrait dire que chez Costa Croisères, ça vire à l'obsession. Lors de la conférence à bord donnée par les animateurs français, et pendant laquelle les représentants de tous les services défilent sous vos applaudissements, dix minutes sont consacrées à la présentation de l'étude de satisfaction. On vous y explique comment la remplir, on vous motive par le fait que plusieurs croisières sont à gagner par tirage au sort parmi les répondants. Cette enquête de quatre pages (dans votre langue, personnalisée à votre nom) doit permettre à la société de bien connaitre les attentes de ses clients, ses forces et ses faiblesses, étant donné son nombre de répondants (on parle sur leur site de 1,2 millions de questionnaires). Cette démarche pro-active est vraiment admirable et nombre d'entreprises qui se contentent d'une étude annuelle devraient s'en inspirer. Montrer à tous les clients qu'on est sensible à leur opinion, avoir l'ambition de se faire noter par tous, de façon si précise, est une autre bonne pratique de Costa Croisières.

8) Un marketing de combat
Le marketing de Costa Croisières est un marketing de combat. La météo annonce de la pluie le lendemain ? Des imperméables (payants) vous attendent dans votre placard.
Plus globalement, le marketing de Costa Croisières se base sur : publicité dans les grands médias, pressions promotionnelles et recrutement à outrance, offre de parrainage à bord, offres spéciales pour un prochain séjour, carte de fidélité à plusieurs niveaux avec des avantages transactionnels et relationnels (dont le cocktail privé avec le Commandant). Rien d'étonnant que 30% des passagers à bord soient des clients ayant déjà fait une croisière Costa. Le modèle économique des croisières est sensiblement le même que celui des casinos de Las Vegas  : des hôtels thématiques peu onéreux et une rentabilité qui vient des activités sur place. Pour la croisière, on parle des consommations ou services en extra, des excursions, du casino, des boutiques... Ajoutez-y un marketing direct très fort, et vous avez le marketing de combat de Costa Croisières.

9) La foi dans sa marque
En sortant d'une période de crise aussi grave, il faut avoir foi dans sa marque pour remettre à chaque passager à la fin de la croisière des autocollants "I love Costa" et proposer à bord une boutique de produits dérivés assez large. Moi qui pensait que la marque avait perdu de sa valeur, j'observe que Costa Croisières a toutes les raisons d'avoir confiance dans sa marque tant son niveau d'exigence en termes de service rendu est remarquable. La morale de l'histoire est que vous trouverez vraisemblablement peu de clients mécontents de leur croisière, ce qui donne un socle extrêmement solide pour la réputation de cette marque. Tous les exemples que je vous ai donné montrent bien à quel point une orientation client est indispensable pour survivre et réussir.

Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.

3 commentaires:

Arnaud NICOLAS a dit…

Bonjour, j'ai 25 ans je suis commercial dans les services à la personne mais également client mystère pour des sociétés de marketing. La relation client m’intéresse beaucoup. Je viens de découvrir votre site et je suis très satisfait de cette découverte. Pour revenir sur l'article Costa, je suis entièrement d'accord avec cette pensée : " Je me disais que si l'avenir des commerces passait par le renforcement de l'expérience du client, pourquoi si peu d'enseignes poussent leur concept aussi loin pour faire vivre au client une expérience unique et empreinte de la marque ? " Pour reprendre votre exemple, il y a peu je suis allé chez Hollister Lyon Confluence ( appartenant à Abercrombie ) et effectivement que l'on aime ou pas ( ce qui fut mon cas ), le résultat est le même : on en parle à son réseau; résultat j'y ai envoyé du monde. Pourquoi ? A cause de la fameuse expérience client ! En tous cas merci pour vos articles, vous venez de gagner un lecteur assidu.

Anonyme a dit…

bonjour, a savoir que les contrats sont italiens et que vous ne cotisé pas en france (retraite,chomage....),donc quand vous rentrez d'une saison et bien vous n'avez pas droit au chomage !!!!
c'est mal payé ,moins de 1000 euros par mois par contre un max d'heure a faire !!!!!!!
l'entretien se fait sur 2 jours un a l'hotel et l'autre a bord du bateau a quai,c'est en anglais,l'attente est interminable 5 minute d'entretien pour 2 heures d'attente,l'organisation c'est pas top,par contre je comprends mieux pourquoi c'est une boite qui marche et pourquoi il font beaucoup de chiffre,mal payé et corvéable a merci,bonne chance et vive les croisieres costa !!!!

Anonyme a dit…

Je suis surpris par le peu de recul de Thierry Spencer sur les conditions de travail (Amazon, Costa ou autre). Je vous engage vivement à lire à titre d'exemple le livre de Florence Aubenas " Quai de Ouistreham".

peut-être qu'en regardant la face caché que vous ne voulez pas voir, vous nuancerez vos propos et enchantements.