12 mai 2012

Baromètre Services Clients 2012 : portrait d'un client exigeant

Pour la troisième année consécutive (saluons au passage cette constance, qualité rare quand on fait des études sur la relation client), American Express publie les résultats de son étude internationale visant à mieux connaître les consommateurs dans onze pays à travers le monde. On y dresse le portrait d'un client français exigeant, dans une posture qui me fait penser à l'auto-portrait de Lucian Freud ci-dessus.
Les français sont les plus exigeants
Un des enseignements est que les consommateurs français sont les plus exigeants en matière de services clients parmi les onze pays étudiés. Ils sont en effet les plus nombreux à penser que les entreprises "ne répondent pas à leurs attentes en matière de service client" (55% cette année vs 54% en 2011), suivis de l’Australie (40%), du Mexique et du Royaume Uni (39%) et de l’Allemagne (38%).
Est-ce une plus grande exigence ou une faiblesse du service rendu ?
Une véritable fracture relationnelle
Un consommateur français sur 2 (autre record pour l’hexagone) pense que les entreprises n'ont pas modifié leur attitude à l'égard du service client (50% vs 51% en 2011), ce qui représente la moyenne la plus forte de tous les marchés interrogés selon American Express.

  • Seuls 22% des français considèrent que "les entreprises ont fait un effort concernant la qualité de leur service clients", en baisse de 2 points par rapport à l'année dernière et de 9 points par rapport à 2010 où ils étaient 31%.
  • 10% des français ont le sentiment que les entreprises apprécient le fait qu'ils soient clients et qu'elles sont prêtes à faire un effort pour eux (résultat quasi identique à 2011).
  • 44% pensent que les entreprises sont serviables mais ne font rien de plus pour les garder (résultat idem à 2011).
  • 21% pensent que les entreprises les considèrent comme acquis et une même proportion pensent que les entreprises ne leur prêtent pas attention.

Ces résultats calamiteux montrent que nous autres français sommes très sévères à l'égard des entreprises, ce qui pourrait faire penser à une véritable fracture relationnelle, exprimée par la persistance d'une défiance ou d'un désamour entre les clients et les entreprises. C'est que l'étude Nexstage avait qualifié de Jachère relationnelle (lire mon billet à ce sujet) ; les clients ne se sentent pas considérés et prennent de la distance avec les marques et les entreprises qui faillissent dans le domaine du service (lire mon billet de tendances 2012).
La valeur du service client est (pourtant) reconnue
Une majorité de français (57%) sont prêts à payer 9% de plus en moyenne pour un excellent service client rendu. 36% sont prêts à payer 5% de plus, 15% sont prêts à payer 10% de plus et 6% prêts à débourser 20% ou plus de supplément pour avoir un excellent service client. Seuls 26% ne sont pas prêts à payer plus et les 17% restant ne savent pas. C'est une preuve que les clients accordent de la valeur au service ! C'est aussi un encouragement pour les entreprises qui voudraient se distinguer par leur service sans tomber dans le piège de la surenchère du "toujours plus".
Les millions d'euros du bouche-à-oreille
Pour mettre à jour mes chiffres essentiels du bouche-à-oreille (lire mon billet à ce sujet), on apprend que 39% des français font part systématiquement de leur bonne expérience à d'autres personnes (en moyenne 8) et 60% font part systématiquement de leur mauvaise expérience à d'autres personnes (15 en moyenne). Notez que dans les deux cas, il n'y a que moins de 10% des français qui n'en parlent que "rarement" ou "jamais". Pour ceux qui pensent que le service client n'apporte rien à la construction d'une image de marque, je les laisse imaginer les dégâts causés par le bouche-à-oreille. Pour ceux qui se battent chaque jour pour répondre aux questions sur le ROI (retour sur investissement) d'un service client, qu'ils prennent ces chiffres pour leur calcul !
Autre chiffre issu de l'étude American Express : 42% des répondants français ayant l'intention de faire un achat déclarent n'avoir pas finalisé cette transaction commerciale en raison d’un mauvais service client (vs 44% des italiens, 52% des allemands et 54% des anglais, ce qui peut faire penser que les français sont moins rancuniers...).
Faisons l'exercice d'un calcul simple et rapide ensemble : vous avez 1 million de clients qui font en moyenne 80 euros d'achats par an. 10% de vos clients se déclarent très insatisfaits du service client. 60% d'entre eux (60.000) vont en parler à coup sûr à 15 personnes, soit 900.000 personnes touchées. 
42% de ces personnes pourraient ne pas faire d'achat chez vous (42% de 900.000 multiplié par 80 euros, soit 30 millions d'euros de CA potentiel perdu).
Sachant que le bouche-à-oreille est plus puissant que la publicité, combien de spots TV vous faudra-t-il pour redresser la barre et générer 30 millions d'euros de chiffre d'affaires ? Serait-ce plus rentable d'investir dans le service client que de faire une campagne de publicité de plus ?
Pour compléter le calcul ci-dessus, il conviendrait d'ajouter que 44% des français déclarent avoir dépensé plus avec une entreprise en raison d'une bonne expérience du service client (vs 47% en 2011).
L'usage minoritaire des médias sociaux
Seuls 10% des français auraient utilisé les médias sociaux pour un sujet relatif au service client, et parmi eux 40% déclarent l'avoir fait "pour trouver une réponse" à un problème (première raison de l'usage). Les clients voient dans les médias sociaux (forums, réseaux, sites d'avis...) un bon moyen d'être autonome et de se passer des canaux traditionnels. On peut parier que cette tendance sera à la hausse. Le défi pour les entreprises étant d'offrir aux clients des moyens d'échanger entre eux, et si possible au sein d'espaces hébergés par la marque elle-même.
Les canaux de préférence selon la complexité de la demande
Les clients ne sont pas égaux dans la relation client. Ils n'ont pas les mêmes capacités, il n'ont pas la même valeur et enfin leur requête n'a pas le même degré de complexité. J'ai le sentiment que ces dimensions peinent à être prises en considération dans les entreprises qui ont une forte dimension de service (assurances, banques, telecom, Internet...). Encore aujourd'hui, on fait du service client de masse en traitant tout le monde de la même façon sur le même canal, alors que les préférences sont différentes. Jugez-en plutôt avec ces chiffres :
Pour une demande simple (trouver un produit, vérifier son compte) :
  1. Site Internet ou email (34%)
  2. Téléphone avec une personne (20%)
  3. Face à face (15%)
Pour une demande plus complexe (renvoyer un produit, bénéficier d'une assistance pour un problème)
  1. Téléphone avec une personne (41%)
  2. Site Internet ou email (20%)
  3. Face à face (15%)
Pour un sujet "difficile" (faire une réclamation, contester des frais)
  1. Face à face (37%)
  2. Téléphone avec une personne (29%)
  3. Site Internet ou email (13%)
Dans les trois cas, on trouve à chaque fois en 4ème position (à moins de 9%) le Chat et la messagerie instantanée, en 5ème position le Serveur vocal interactif (à moins de 9%)  en 6ème position le SMS (à moins de 7%).
Cette étude nous montre à quel point le service client est un élément de différenciation essentiel des entreprises. La situation française semble d'autant plus difficile que les clients y sont exigeants et se déclarent peu considérés. Le chemin semble encore bien long en 2012...

Vous pouvez en complément relire mon billet de l'année passée sur l'étude.

Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.

1 commentaire:

Etienne a dit…

Intéressant. Particulièrement, en ce qui me concerne, les montants que les clients sont prêts à mettre pour un meilleur service.