04 juillet 2011

La première cartographie des services réclamations est une mine d'or !

Je suis très fier de vous présenter en exclusivité (partagée avec le Figaro) les résultats de la première Cartographie des services réclamations client.
"Transformer le pépin en pépite" est la devise de l'AMARC, l’Association pour le MAnagement de la Réclamation Client, qui publie ce matin en partenariat avec Grenoble-Ecole de Management (l’Institut du Capital Client) et le laboratoire CoActiS (Université de Lyon Saint Etienne) une enquête très complète réalisée auprès de 143 grandes entreprises.
Cette étude est une véritable mine d'or, un benchmark très instructif pour tous ceux qui se déclarent "orientés client" et ceux qui rêvent de le devenir... Conçue au bénéfice des membres de l'AMARC (qui bénéficient de données complètes confidentielles), cette étude exceptionnelle est diffusée pour la première fois publiquement sous forme de synthèse. Cette publication révèle à mon sens l'urgence que cette association a décelé dans les résultats : l'enjeu est de sensibiliser le plus de dirigeants d'entreprise et de favoriser la maturité des professionnels du secteur. L'AMARC, dont je suis membre depuis quelques années, peut compter sur moi pour atteindre cet objectif !

Principale conclusion : les grandes entreprises ont pris conscience de l’enjeu que représente la réclamation (le "pépin") pour la qualité de la relation-client (la "pépite"). Le plus grand marqueur de l'orientation client serait ni plus ni moins le déficit d’attention portée aux clients réclamants, avec une absence fréquente d’indicateurs de mesure spécifique de leur satisfaction au sein de l'entreprise.

Les quatre enseignements de l'étude, selon le groupe d'expert réuni par l'AMARC (auquel j'ai modestement participé), sont :
  1. L'engagement croissant des directions générales vis-à-vis des réclamations, même si toutes les entreprises n'ont pas la même maturité
  2. La professionnalisation des équipes et la qualité croissante des process
  3. La diversification des canaux offerts au client permettant le dépôt d’une réclamation
  4. Le développement de l’écoute des « conversations » des clients sur Internet et les réseaux sociaux
Ce que je retiens de cette étude :

LE TOP MANAGEMENT ENCORE PEU IMPLIQUE
70 % des directions d’entreprise ont formulé des engagements et une politique claire par rapport aux clients réclamants mais seule une entreprise sur 3 aborde régulièrement le thème des réclamations en Comité de direction (une sur 10 "systématiquement").
On sait quoi faire mais on ne s'y intéresse pas plus que ça !
La faute à la remontée de l'information qui ne se fait pas : dans la majorité des entreprises les informations sur les réclamations clients remontent facilement et fidèlement aux top managers.
C'est bien connu : on adore les bonnes nouvelles, on se gargarise avec des taux de satisfaction spectaculaires mais on ne veut pas entendre ce qui fait mal. Les insatisfaits, les râleurs, les réclamants sont une chance pour l'entreprise. Ils ont pris la peine de s'exprimer et pensent pour la plupart rendre service à l'entreprise et à eux-mêmes. L'emballage est certes vilain, mais la réclamation est un cadeau. Il suffit de penser aux légions de clients qui vous quittent, et ne vous disent pas pourquoi, pour s'en convaincre.

DES MOYENS CONSEQUENTS, UNE BONNE PERFORMANCE
80 % des entreprises mettent en avant le numéro de téléphone à disposition des clients réclamants. 60 % des entreprises qui disposent d’une plateforme téléphonique pour les réclamations ne donnent pas de consignes concernant le temps maximal de traitement d’un appel (une pratique vertueuse qui fait la différence de Zappos avec son service client). Le temps d’attente téléphonique moyen est inférieur à 1 minute 30 dans 90% des cas et de moins de 30 secondes pour la moitié des appels.
Dans 70 % des entreprises, tous les collaborateurs des Services de Réclamation Clients sont en CDI, ils ont six ans d’expérience dans le service en moyenne et 70% d’entre eux ont un bac+2 ou plus.

UNE MESURE BIEN TROP MODESTE ET HANDICAPANTE
55 % des entreprises mesurent la satisfaction du client réclamant dans le cadre d’enquêtes plus globales. La moitié de ces entreprises ont en outre mis en place une mesure post réclamation via une enquête de satisfaction des clients spécifique.
79 % des entreprises enregistrent les données concernant les réclamations clients de manière précise et complète mais 8 % mesurent la fidélité des clients post réclamation. Une des vertus des investissements dans le CRM est de stocker des informations et de les utiliser. La mesure de la fidélité des réclamants est capitale pour la performance et pour la meilleure connaissance, trop d'outils sont sous-exploités.
On ne s'étonnera pas en outre d'apprendre que seules 4 % des entreprises déclarent mesurer le retour sur investissement de leur Service réclamation. On touche ici au coeur du problème : les dirigeants qui ne se donnent pas tous les moyens d'écouter le client (d'exploiter les pépins qui viennent à eux) et qui ne favorisent pas la mesure continueront à considérer la gestion des réclamations comme un centre de coût. C'est une boucle sans fin dont seule la culture d'entreprise et l'orientation client de ses dirigeants permettent de sortir (voir la conclusion de ce billet).

DES "PÉPITES" SOUS EXPLOITEES
72% des entreprises font une analyse systématique des causes des réclamations et un quart d’entre les sociétés interrogées utilisent ces informations dans leurs décisions marketing ou pour la conception de nouvelles offres. On imagine derrière ces chiffres que l'enjeu est aussi affaire d'organisation des entreprises. Les sociétés qui performent sont celles qui favorisent le décloisonnement des services, entre le service client et le marketing, entre la communication et le service Internet, etc.
L'importance grandissante de l'UGC (User Generated Content, contenu rédigé par les internautes) et sa diffusion dans l'entreprise vont pousser irrémédiablement les dirigeants à agir. La voix du client n'est plus seulement confinée à un service obscur et méprisé de l'entreprise, elle se répand sur la toile et devient publique. 7 entreprises sur 10 prennent déjà connaissance des commentaires et/ou insatisfactions déposés sur Internet, 35% d’entre elles ont créé un poste de community manager (lire mon billet à ce sujet).
Le service réclamations a de l'avenir ! Nous sommes dans ce que j'avais nommé le Nouvel âge de la relation client.

APPRENEZ DES MEILLEURS
Selon cette cartographie, un quart des entreprises auraient conscience d'avoir de l'or entre les mains.
Elles seraient d'ores et déjà passées du "traitement des réclamations clients au management de la satisfaction", faisant de celle-ci un véritable levier de progrès (amélioration de l’offre, des produits, des process…). L'étude les positionne dans un groupe intitulé "les pionniers", ce sont les entreprises qui ont les caractéristiques suivantes :

Un engagement unanime et réel de la direction
  • Contexte :
    • Des entreprises résolument orientées client
    • Une réactivité due à une forte intensité concurrentielle
    • Des entreprises plus orientées fidélisation que conquête
    • La réclamation n’est pas le reflet d’une erreur des managers
  • La direction a défini clairement une politique en matière de réclamations.
  • Participation quasi systématique aux comités de direction.
  • Le Service réclamations est vu comme centre de profit et pas comme centre de coût.
Le Service réclamations clients est un moteur de l’orientation client de l’entreprise
  • Le service est impliqué dans la stratégie de l’entreprise.
  • Les informations liées aux réclamations sont diffusées via des Newsletters, séminaires internes, etc.
  • Ces informations impactent les décisions marketing et plus particulièrement les nouvelles offres.
Je laisse à Daniel Ray (auteur du rapport d’étude, enseignant-chercheur à Grenoble Ecole de Management et directeur de l’Institut du Capital Client, interviewé sur ce blog) la conclusion : "(...)c’est d’abord la culture interne qui fait la différence. Or cette culture de l'"orientation-réclamation" ne se décrète pas. En conséquence, les services réclamation client doivent se donner comme priorité de définir, mesurer et formaliser des indicateurs de performance adaptés aux directions générales. C’est vraisemblablement l’effort à faire pour convaincre un management encore peu sensible au sujet. Car le jour où le Service Réclamations Clients sera reconnu à sa juste valeur, c'est-à-dire comme un potentiel centre de profit, c’est l’entreprise tout entière qui y gagnera : clients récupérés voire fidélisés, baisse du bouche à oreille négatif, offres mieux adaptées…".


Pour ceux qui veulent progresser encore, il n'y a qu'une seule solution : adhérez à l'AMARC et rejoignez les meilleurs.

Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.

4 commentaires:

Laurence Body a dit…

Merci Thierry d'accorder toute l'importance qu'il convient à la réclamation client. Je suis de ceux -celles- qui comme toi pensent que c'est une chance d'avoir des clients qui réclament -quand tant d'autres se taisent et changent de fournisseur- et qu'il faut encourager cette pratique. Un client qui se plaint est pour l'entreprise une occasion unique de transformer une mauvaise expérience en un évènement source d'enchantement susceptible de fidéliser encore davantage et de générer un bouche à oreille très positif. Sans aller jusqu'à provoquer des incidents pour prouver à quel point on est performant en matière de résolution de problème, une entreprise orientée client doit intégrer dans son parcours client les réclamations et les designer avec autant de soin que le reste de l'expérience. Tout le monde a le droit à l’erreur : le tout est de lui donner une valeur aux yeux du client et d'aller au delà dans la compensation. C'est comme ça qu'on crée des expériences mémorables !

Laurence Body

ESSAME a dit…

Merci Thierry pour la qualité de cet article.
Pour moi, la gestion des réclamations montrent le bon fonctionnement de l'entreprise:
- son sens client
- la fluidité de sa chaîne de satisfaction
- la relation de confiance avec ses clients
- la recherche de la performance

Un client qui réclame est un client qui aime l'entreprise.

Samuel ESSAME
Enseignant de Marketing Relationnel
Customer Care Manager

Unknown a dit…

Artcile très pertinent !

La satisfaction client est notre source première pour la pérennité de notre entreprise.

Pour ma part, dans notre société nous utilisons le crm tigerpro crm qui nous permet de traiter les réclamations clients par le biais de ticket de réclamations du service après vente et du portail client.
Notre unité marketing chargée du marketing direct et du suivi client utilise beaucoup le contrat de niveau de service qui avec sa barre de progression nous indique la qualité du service rendu. Nous pouvons ensuite rebondir est instaurer un climat de confiance dans le but d'obtenir une performance de la satisfaction globale.

Cela nous demande un effort prépondérant mais 1 de nos clients satisfait vaut mieux que 6 prospects !


Thomas

Anonyme a dit…

Merci de partager ces excellentes réflexions et de continuer à rapeller l'essentiel.

La gestion des réclamations est un sujet de fond qui nécessite une implication sur toute la chaîne décisionelle de l'entreprise. Et ce n'est pas du "one shot" ou en "cherchant à capitaliser sur une bonne action" que l'on parvient à créer ce cercle vertueux.

Cela suppose d'être :
1) en capacité de définir la réclamation et de la partager dans l'ensemble de l'entreprise;
2) en capacité de détecter ces réclamations (plateformes, services de gestion, service courrier, etc);
3) surtout en capacité d'avoir un processus de traitement normé et globalement déployé de manière à avoir un traitement unifié.

Nous avons tous en tête ces sites de ventes à distance qui sont innaccessibles par téléphone et qui, lorsqu'ils ont affaire à une réclamation, répndent à côté. Est-ce la faute du processus? du conseiller? de l'automatisation? ...de l'entreprise certainement.

La relation client est une affaire de longue haleine et on l'oublie trop souvent.

Et il faut traiter équitablement TOUS les clients (cf les opérateurs de téléphonie...).

Qadir