17 février 2011

Etude Relation client AFRC et Orange : investir les "jachères relationnelles"

L'AFRC (Association Française de la Relation Client) et Orange Business Services viennent de confier à Nexstage une étude très intéressante sur "les nouveaux comportements et attentes des consommateurs en matière de relation client". Cela faisait longtemps que je n'avais pas appris autant de choses et eu autant de matière à réflexion : c'est la grande étude de ce début d'année qui a été rendue publique hier et dont je vous propose une synthèse des éléments qui m'ont le plus intéressé (elle sera présentée à l'Adetem le 9 mars prochain dans le cadre du club Relation client).

Nexstage identifie 7 grands segments de clients, un peu comme dans un jeu des sept familles, en deux grands groupes :
Groupe Traditionnel (44%) : technophobes, peu connectés sur des sites communautaires et encore moins sur smartphone.

  • les "traditionnels" qui veulent du conseil, un rapport humain et une faible intensité relationnelle (intensité = implication, intérêt dans une relation avec ses fournisseurs, besoin d'une fréquence régulière de contact). Ils préfèrent le face à face et ils pèsent pour 20%
  • les "traditionnels impliqués" aux mêmes caractéristiques que le précédent segment mais avec une plus forte intensité, privilégient aussi le face à face. Ils sont 16%
  • les "traditionnels distants" : méfiants à faible intensité relationnelle, ils utilisent davantage le téléphone et pèsent 8% de l'échantillon interrogé.

Groupe Moderne : technophiles, ayant plus de 50 amis sur Facebook, et avec une plus forte appétence pour les innovations dans les modes de contact.

  • les "techno-autonomes-web" : exigeants, distants, à faible intensité relationnelle, qui préfèrent le web comme canal de préférence. Ils représentent 17%.
  • les "techno-efficace-tel" : autonomes, exigeants, distants mais à plus forte intensité relationnelle et négociateurs. Le téléphone est leur canal de prédilection. Ils sont 16%.
  • les "techno-fun-face" veulent du conseil, sont exigeants, négociateurs, valorisent le rapport humain, ont une forte intensité relationnelle et sont demandeurs de conseil. Ils représentent 8% et sont plus enclins à entrer en relation par le face à face.
  • les "jeune découverte-tel" sont moins exigeants mais demandeurs de conseils, négociateurs et avec une forte intensité relationnelle. Leur canal : le téléphone. Ils pèsent 7% du total.

Nexstage apporte 5 conclusions à cette étude :

  1. Droit au but : les demandes basiques des clients (les trois premières attentes relationnelles des clients étant: compétence, efficacité et réactivité -à plus de 50% des réponses-, suivies dans l'ordre de "l'attitude bienveillante", la disponibilité et la "relation facile") priment sur la préférence des canaux.
  2. La logique du client : le client adapte ses pratiques et développe des stratégies, suit un parcours dont la logique lui appartient. Il n'y a pas de client purement "internet" ou "100% téléphone".
  3. L'âge importe moins. Enseignement capital de l'étude : la rupture technologique prime sur la rupture générationnelle pour les préférences relationnelles. Si le rapport avec la technologie évolue avec l'âge, les sept groupes présentés ci-dessus sont présentes dans toutes les classes d'âge. Par exemple : il y a 28% de "modernes" parmi les 60 ans et plus et 34% de "traditionnels" parmi les moins de 25 ans. C'est autour de 25/30 ans que les préférences de canaux (pour la gestion des problèmes au quotidien) basculent. Les moins de 25 ans ont une préférence pour face à face et téléphone, lié à leur disponibilité en termes de temps. C'est à partir de 25/30 ans qu'on utilise d'abord Internet qui devient le canal dominant pour les clients entre 30 et 55 ans. Puis à partir de 55/60 ans, le téléphone domine tous les autres canaux.
  4. L'humain d'abord. La relation humaine joue un rôle spécifique pour toutes les classes. Ce qui fait dire à Eric Dadian, le Président de l'AFRC que "la relation client basée sur l'humain et la compétence des conseillers constitue un socle irremplaçable d'une relation client réussie".
  5. Internet n'est pas tout. Le canal Internet s'est banalisé sans remplacer les autres canaux (la famille des "techno-autonomes" favorisant le web ne représente qu'un client sur 6...).
Dans ses recommandations, cette étude rappelle que le "Graal" du multi-canal en libre service comporte des risques et s'avère insuffisant. C'est exactement ce dont je parlais dans mon billet annuel des tendances 2011 "le client sera embarqué" (et 2010 "le client sera seul"). L'ouverture des canaux se réalise trop souvent au détriment de l'efficacité de la réponse au client.

Du reste, lorsqu'on l'interroge, le client plébiscite des solutions mixtes et simples : 
  1. "Parler à un conseiller quand je ne comprends pas quelque chose sur Internet (web call back)", 77% des clients expriment leur intérêt pour une solution de ce genre.
  2. "Avoir accès avec mon téléphone à des informations pratiques et utiles" : 60% d'agrément.
  3. "Pouvoir consulter mes comptes et espaces perso à tout moment avec mon mobile" : 50% d'accord.
Selon l'étude, plusieurs chantiers s'ouvrent en 2011 :
  1. Définir une nouvelle promesse relationnelle, adapter une "offre relationnelle" aux préférences et aux besoins. Laisser au client l'initiative du contact n'est pas la bonne solution (d'autant que les plus disponibles mobilisent les ressources compétentes, la moitié des clients n'étant pas disponibles pour une relation face à face en semaine pendant les heures ouvrées). 
  2. Humaniser l'ensemble des parcours client et singulièrement Internet. Cette recommandation va dans le sens d'un parcours client assisté et milite pour cesser la dichotomie entre canaux "humains" et "automatisés". La vérité est dans le bon dosage entre l'autonomie complète et l'assistance, selon les situations et la complexité des demandes.
  3. Maîtriser l'intensité commerciale. Favoriser le conseil personnalisé (et parfois gratuit) dans la pression commerciale, en partant du principe que l'intensité commerciale peut nuire au capital relationnel.
  4. Adapter ses indicateurs relationnels. Nexstage, l'AFRC et Orange Business services avancent l'idée que l'intensité relationnelle et la satisfaction sont indépendants. On peut être satisfait et indifférent ! Il faudrait donc compléter la mesure de la satisfaction avec celle de l'intensité relationnelle...
  5. Identifier et gérer les jachères relationnelles. C'est mon point préféré, celui qui m'a inspiré le titre de mon billet. Un quart des clients ont un faible niveau d'intensité relationnelle et Nexstage estime que les clients en jachère pèseraient entre 1/4 et 1/3 du total. Ils sont réticents à la relation, ils sont méfiants, peu demandeurs de contact. Bien que se déclarant satisfaits, les sollicitations génériques qui leur parviennent ne font que les maintenir à distance. Le libre service leur donne la main sur l'intensité de la relation : c'est eux qui décident ! Par exemple, dans la banque 30% des clients n'ont pas vu leur banquier depuis plus d'un an... Il faut donc gérer de manière spécifique ces jachères et réchauffer la relation avec le client.
Cette étude originale et inédite -dont je félicite les auteurs pour la qualité et le fait de la rendre accessible aux professionnels- nous montre à quel point nous sommes dans une période passionnante de l'évolution de la relation client. Les marketers, s'ils ne veulent pas perdre pied face à toutes ces évolutions dont le client est le premier sponsor, doivent faire preuve de bon sens et convaincre tous leurs collègues (au dessus et en dessous) du nécessaire investissement et du subtil dosage dans la relation client. On n'attaque pas les jachères relationnelles avec ses gros sabots !

Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels du marketing client et de la relation client.
Cette étude (quatre focus groupes, un questionnaire internet access panel Opinion way du 12 au 24 novembre 2010) a été réalisée par nexstage pour l'AFRC et Orange Business Services en partenariat avec Société Générale, La Poste et EDF.

2 commentaires:

Emmanuel MIGNOT - Teletech International a dit…

Merci Thierry pour cette synthèse à nouveau très claire et structurée !
Je n'ai pas lu l'étude, mais comme toujours dans ces études de type sociostyle, inaugurée il y a 30 ans par le CCA, la question est : avec quel outil pourrai-je affecter un contact, surtout distant, à l'une des catégories ?

Je suis toujours un peu méfiant vis à vis de ces conclusions qui visent, à partir d'une étude seulement, à caractériser un individu. Par exemple, je peux être très distant vis à vis d'un fournisseur, d'une catégorie de fournisseurs, d'un fournisseur à un stade x de la relation, et être très ouvert lors d'une phase y, vis à vis d'un concurrent, d'une autre catégorie de fournisseurs.
Le point auquel j'adhère sans réserve, c'est la nécessité de décloisonner les entreprises, puis, par voie de conséquence, les approches qu'elles vont pratiquer.
Je leur recommande de mettre en place des directions transverses des départements internet, call center et points de vente, voire davantage.
Ce n'est pas par hasard que nous avons lancé le lien hypercall, qui unifie pour la première fois dans l'histoire des mobiles, les deux usages des smartphones : la navigation internet et le téléphone.

En tous cas, merci aux auteurs et initiateurs de cette étude : elle permet de poser les bases d'une indispensable réflexion !

Bien amicalement,

Emmanuel MIGNOT

Thierry Spencer a dit…

Je suis d'accord avec ce point et je me réjouis comme partisan de l'oecuménisme marketing que cette étude de l'AFRC soit présentée à l'ADETEM. Les résultats concernent tous les marketers et doivent pousser les entreprises à raisonner "parcours client", un peu comme dans la discipline de l'Intégration Marketing qui m'est chère. Lire plus à ce propos ici : http://sensduclient.blogspot.com/2010/10/eric-de-rugy-ne-kid-et-le-sens-du.html