04 septembre 2010

Réseaux sociaux et marketing client

Les marques de grande consommation font connaissance avec leurs clients. C'est la conséquence de l'émergence des réseaux sociaux. Prenons par exemple Oasis (une marque du groupe Orangina Schweppes qui vient de passer sous pavillon japonais et nommer son Directeur Marketing Hugues de Pietrini Président) : c'est une marque créée en 1966, qui jusqu'alors (et avec succès), plaçait ses produits dans des circuits de distribution et faisait de la publicité. Voilà désormais Oasis qui communique à propos de ses fans sur Facebook dans une publicité astucieuse publiée cette semaine. Oasis rejoint le club des marques "millionnaires" en France ayant le plus de fans sur Facebook (derrière les marques françaises Lacoste qui en compte 1,6, Chanel 1,3 et Vuitton 1,25) et s'engage dans l'interaction (à défaut de conversation). 
On pourra rétorquer qu'il est facile "d'acheter" des fans, comme il est facile d'acheter un fichier d'adresses pour faire du marketing direct. La différence est moins sur le coût d'acquisition que sur le potentiel que représente une personne inscrite à la page. Le problème est que les marques utilisent leurs fans comme un nouveau fichier de prospects à qui on fait de la publicité plus ou moins ciblée.
92% des 50 plus gros annonceurs sur Internet en display en France sont présents sur Facebook (source performics Vivaki mars 2010) avec une moyenne de 10500 fans. Si 70% d'entre eux ont une page officielle, 88% d'entre eux sont l'objet d'un groupe créé par les internautes. On revient à notre fameux Clue train manifesto à propos des conversations : les marques sont l'objet de conversations et les entreprises sont souvent à la traine des internautes/clients qui produisent du contenu en dehors du cadre officiel de la marque.
Quelle interaction avec le client ?
Etre présent sur le plus grand réseau social est une chose mais utiliser son potentiel en est une autre. Mon avis est que les marques ne savent tout simplement pas quoi faire avec ce potentiel formidable. Nous sommes un peu dans l'acte 3 de Cyrano de Bergerac lorsque Christian est sous le balcon de sa bienaimée mais ne sait pas quoi lui dire (c'est ce que je prétendais lors de l'ETO Day ON/OFF 2010 sur le thème "Love story en perdition entre les marques et les clients").
12% des marques n'animent pas du tout leur page, seul un tiers propose des applications (dont Oasis) et l'étude Performics note que plus il y a d'animation, plus il y a de fans. Logique !
Mais l'interaction n'est pas le dialogue avec le client.
En fait, Facebook, pour ne parler que de ce réseau social, est utilisé comme un nouveau média sur lequel on pousse des informations sur la marque, alors que l'opportunité de dialoguer et d'interagir avec le client est unique, et souvent nouvelle, comme je le disais pour les marques de grande consommation.
C'est le cas aussi pour le secteur de la distribution. Carrefour, le leader, semble délaisser Facebook. Pas de groupe officiel de la marque, en revanche, le groupe "Une pensée pour tous ceux qui ont acheté un plasma à carrefour" compte 192 000 amis ! Y-a t'il quelqu'un pour gérer la réputation en ligne chez Carrefour ? 
Picard Surgelés, l'enseigne préférée des français (selon une étude de OC&C parue cette semaine) compte moins de 2000 fans sur sa page. Une question de caractère aspirationnel de la marque peut-être (Oasis étant plus funky que Picard) ? On pourrait aussi dire que Picard n'a pas besoin de Facebook pour fidéliser et délivrer un bon service, ce qui n'est pas faux. 
Mais alors pourquoi ne pas faire astucieusement comme Intermarché, qui a fait un choix de category management et de segmentation, en créant la page Vive les bébés (près de 150000 fans). Un jour ou l'autre Picard sortira du congélateur de la relation client.
Le client boule de flipper
"La relation client devient horizontale sur Internet" comme le dit justement l'Atelier BNP Paribas dans son édition de la semaine. Ce billet cite une étude de l'université du Maryland : "La relation client, autrefois verticale, descendant de la marque vers le consommateur, emprunte désormais un chemin sinueux, un parcours que l'on peut comparer à celui d'une boule de flipper. Le client a les moyens de s'exprimer et d'interagir avec les marques" ; c'est ce que je prétendais avec mon billet "Le nouvel âge de la relation client". Rappelons que 40% des inscrits à Facebook sont amis ou fans des marques, 25% « suivent » des marques sur Twitter selon Razorfish et 1 tweet sur 5 concerne une marque (lire mon billet sur les tendances 2010).

Les réseaux sociaux ne sont pas qu'un nouveau média interactif mais bien un lieu sur lequel le client s'exprime vers le plus grand nombre et développe des attentes nouvelles. "La fidélité du client est en jeu", comme le prétend l'auteur de l'article sur la fidélité dans 1to1 Magazine il y a quelques jours. "Les expériences inconsistantes entre les canaux menacent la fidélité. (...) Les médias sociaux auront un impact significatif sur la fidélité du client, poussant les entreprises a être plus à l'écoute de la façon dont leurs produit sont perçus."

Les entreprises n'ont pas pris conscience encore du potentiel de la toile pour leur marketing client. Dialogue en après-vente, amélioration de l'offre, mesure de la satisfaction : l'expression du client en ligne est une richesse à ce jour encore majoritairement inexploitée.

Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels du marketing client.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Excellent article qui cadre parfaitement avec l'état actuel de l'utilisation des médias sociaux. Ce qui ne me surprend pas du tout, vu la qualité continue de votre blog.

Si les exemple Starbucks / Dell sont largement communiqués en France et décrits dans des séminaires à XXXXX euros (oui, 5 chiffres!) les marques françaises tâtonnent un peu sur le domaine.

La raison : elles ont énormément de mal à définir leur "personnalité Web"

Selon moi, c'est en travaillant sur le "positionnement humain" de la marque qu'on arrive à décliner une stratégie pertinente d'interactions Web (toute interaction avec un client étant par définition humaine et faite par des humains).

La clé : savoir identifier les valeurs humaines de son entreprise OU arriver à "humaniser" son entreprise.

La condition : être une entreprise humaine qui n'a pas oublié en route d'être performante (fournir un service de grande qualité reste le meilleur moyen de fidéliser) OU savoir évoluer d'une "personne morale" à une "entité sociale" utile à ses clients.

L'avis d'un tiers expérimenté peut s'avérer décisif pour faire éclore une stratégie opérationnalisable qui reposera sur l'intelligence collective d'un groupe.

En tant que professionnel de la "relation client" et des médias interactifs (consultant pour Velvet Consulting www.velvetconsulting.com), on peut aider les marques à définir un "positionnement humain" sur le Web qui sera en phase avec leur stratégie relationnelle, leurs moyens (canaux/campagnes/outils/budget) et leurs attentes clients.

Définir sa "personnalité Web" est un passage obligé pour enclencher sur Internet un climat favorable aux échanges humains avec ses clients/prospects/partenaires.

D'autres partent simplement du résultat (les fameuses best practises du marché de la fidélisation online).
Ca peut marcher, le résultat ne peut être négatif, tous admettront que c'est sans réelle personnalité. Et donc dur à "faire vivre"...

Pierre Miceli a dit…

Merci pour ce post interessant. J'aime bien le comparatif "boule de flipper" qui est très réaliste.