04 juillet 2010
De l'esprit de service aux attitudes de service
«De l’esprit de service aux attitudes de service» était le thème de la 21ème convention de l'AMARC (Association pour le MAnagement de la Réclamation Client).
Quelques jours avant cette convention, Orange lançait par le plus grand des hasards sa campagne de communication dans les grands médias sur le thème "le sens du service" (en illustration de ce billet). Un hasard qui n’en est pas un et qui prouve que ce sujet est d’actualité.
Lors de cette convention, l’introduction revenait à Raphaël Colas, de la direction de la qualité du groupe La Poste, puis Benoît Meyronin, Professeur de marketing à Grenoble Ecole de Management et Directeur R&D de l’Académie du Service (Groupe Accor). Maria Flament responsable de la voix du client de Leroy Merlin (lire son interview) a fait une présentation, puis j’ai moi-même participé à une table ronde avec Laurent Garnier de KPAM, Benoît Meyronin et David Soubielle, consultant en qualité de service et ancien dirigeant de Challenge-Qualité.
Ce que j’ai retenu de ces échanges :
NOUVEAU SENS DU SERVICE
Benoît Meyronin nous rappelait en introduction le changement de paradigme, illustré par l’exemple des stations de sports d’hiver qui "ne vendent plus des remontées mais des descentes" ou par les compagnies aériennes qui ne vendent plus un transport rapide mais un service à bord. Presque toutes les entreprises et tous les salariés sont concernés par la relation de service (entre 1993 et 2003, la part des salariés en contact avec le public est passé de 63 à 71%), nouvel élément de différenciation aux yeux des clients. N’est-ce pas ce que nous montre Orange dans sa nouvelle campagne de communication ? Plutôt que de vanter la qualité de leur réseau, ils veulent s’illustrer par le service rendu au client.
SERVUCTION
L’universitaire nous rappelait ensuite le concept de "servuction" (pour service et production) qui décrit le process de création d’un service en relation avec le client. Notion illustrée avec IKEA et ses meubles conçus pour être transportés et vendus moins cher puis montés par le client chez lui. Autres exemples pris par cet universitaire : le site d’entraide de Bouygues telecom (dont Pierre Schaller parle dans l’interview qu’il m’a accordé) et l’opérateur de téléphonie anglais GiffGaff, qui en a fait un positionnement comme le fait comprendre sa signature : "the mobile network run by you" (le réseau mobile que vous dirigez).
Non seulement le marketing des services est prédominant mais le client est invité à participer à l’élaboration des services qui lui sont destinés. Le danger que j’y vois parfois, et que j’ai soutenu dans mon intervention, (illustré par mon billet sur les tendances du sens du client 2010 : "le client sera seul"), c’est que le client se retrouve vraiment tout seul.
La multiplication des canaux et leur automatisation accrue est synonyme dans certaines entreprises d’abandon du client. Certaines entreprises font l’erreur de développer le self care, créer un agent virtuel conversationnel en fermant d’autres canaux, alors que les progrès de la technologie devraient rendre un meilleur service et faire en sorte que les canaux soient complémentaires. Chaque canal a son usage dans la relation client et la plupart du temps, ils se complètent sans se remplacer complètement.
ATTENTES FONDAMENTALES
Laurent Garnier de KPAM (lire l’interview de Laurent Kollen, son associé) a présenté les quatre attentes fondamentales des consommateurs vis-à-vis des marques. Les consommateurs jugent leurs expériences de marques par ce prisme, et, selon lui, ces attentes représentent les piliers de ce que KPAM nomme "l’enchantement relationnel" :
1) La facilitation
2) La transparence
3) La confiance
4) L’humilité
Retrouvez le détail de cette présentation sur leur excellent blog « lien ».
SYMETRIE DES ATTENTIONS
Dernier point clef des discussions et qui est la vraie conclusion de ces présentations et débats : la symétrie des attentions. Un concept sur lequel l’universitaire qu’est Benoît Meyronin et la praticienne qu’est Maria Flament se retrouvent dans leurs interventions. Ce n'est ni plus ni moins que de "prendre soin des équipes pour qu’elles prennent soin des clients".
La clef de la réussite de la relation client est bien là, d’autant que nous devons faire face à deux grands écueils de notre société :
1) Nous avons mis au pouvoir aveuglément les ayatollahs du client roi, ceux qui voudraient imposer la dictature de la satisfaction client à 100%. Cette posture absurde apporte de l'eau au moulin de certains universitaires et idéologues qui nous ressortent le couplet tout aussi absurde sur les "nouvelles servitudes". Les entreprises sont méchantes, les employés sont exploités et asservis au bénéfice d’un client qu’il faut contenter coûte que coûte. Je vous recommande à ce sujet l’excellent article de Xavier de la Vega sur le site Sciences humaines « sens du service, une question d’organisation »
2) Seconde difficulté, je pense qu’en France, il est encore fortement ancré dans les esprits que le fait d’être au service de quelqu’un est dévalorisant. Parler la langue du touriste qui visite notre pays, faire un sourire au client ou tout simplement savoir lui dire bonjour ou merci sont des notions basiques qui sont aux yeux de beaucoup de personnes trop dévalorisantes (lire mon billet "les français handicapés de la relation client ?").
Je regardais à ce propos à la télévision hier soir un reportage sur le Palace français Eden Roc « le paradis des stars » sur France 3. On y voyait des employés heureux de rendre service et de faire la renommée de leur entreprise. Mais on y entendait son patron dire (je cite) à propos de son personnel : "ce sont les anges qui font le paradis". Si en lisant cette phrase vous souriez ou vous me considérez comme naïf, fermez les yeux et remémorez vous les trop rares moments de votre vie de client français ou vous avez eu un vrai bon service. Votre corps se détend, vous êtes bien, vous mettez en perspective l'héritage culturel français de l'esprit critique et vous sentez le sens du client vous envahir...il ne vous reste plus qu'à vous abonner à mon blog et à adhérer à l'AMARC.
Hum, bon pardon...
Revenons à cette notion de symétrie des attentions. La conséquence de la dictature du client amène à négliger ceux qui sont en contact avec lui ou ceux qui le servent. Et le mépris commun pour les attitudes de service rend la tâche encore plus complexe.
La seule solution est d’investir aussi bien sur les employés que sur les clients. Je n’ai pas pu m’empêcher une fois encore de citer Zappos, sa culture et ses valeurs au bénéfice du client et des employés (lire mes billets à ce sujet).
Alors que les occasions de faire la différence se raréfient et que chaque contact humain devient un enjeu pour l’entreprise, les attitudes de service mises en œuvre par chaque personne en contact avec le client sont capitales. Nouvelle preuve : selon une étude IFOP parue la semaine dernière sur la culture du service en France, la 1ère raison d’abandon d’un achat en magasin est l’attitude du vendeur à 65%.
Les meilleures attitudes de service sont rendues possibles par plusieurs facteurs fondamentalement humains :
- Les valeurs de l’entreprise, et au delà, la capacité à les faire vivre et faire en sorte que chacun se les approprie.
- L’exigence dans le recrutement des collaborateurs. Tout le monde n’a pas le sens du service, tout le monde n’est pas empathique.
- La formation des collaborateurs. Le sens du service s’enseigne et s’enrichit par le partage des meilleures pratiques au sein de l’entreprise.
- L’exemplarité et courage du management. Les dirigeants ne doivent pas seulement sauter sur leur chaise comme des cabris en décrétant l’orientation client mais en faire un outil de management et veiller au bien être des salariés. Il faut par exemple savoir se séparer de clients nuisibles, odieux et inutiles et prendre la défense de ses équipes (1 salarié sur quatre en contact avec le public subit des agressions verbales).
Il faut donner un sens à son action, des valeurs et renforcer pouvoir et liberté des collaborateurs au contact du client.
La campagne d’Orange en illustration de ce billet est très représentative de cette nouvelle vague de communication des entreprises de service. On met un scène un employé (qui sort de son agence Orange) et on montre son état d’esprit qui doit à la fois éduquer, inspirer les collaborateurs (il y 20 000 personnes chez Orange au service client) et envoyer un message au client : "nous sommes à votre service et nous en sommes fiers". Je ne dis pas qu'il ne reste pas encore du travail à faire, je dis juste que nous sommes sur la bonne voie !
Pour compléter la lecture de ce billet, vous pourrez aussi lire "les clients viennent en second" et "les dix commandements de la relation client".
Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels du marketing client et du bien-être des collaborateurs.
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1 commentaire:
Billet très intéressant qui renvoie sur des articles qui le sont tout autant.
En troisième année d'école de commerce sur Grenoble, je réalise un dossier sur la satisfaction client de La Poste en interne et je dois dire que cela m'a beaucoup aidé dans l'approche notionnelle de mon sujet.
Merci,
Samantha O.
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