J’ai eu la chance cette année encore de concevoir le programme des plénières du Salon Stratégie Clients qui s’est tenu au mois d’avril dernier à Paris. L’une de ces sept conférences réunissait trois grandes marques françaises sur le thème « Face-à-face avec le client, vers une relation augmentée » dont je vous propose une synthèse sous l’angle des enjeux de l’expérience client.
Animée brillamment par Claire Morel, Journaliste, cette conférence réunissait Albin-Dorian Julliard, Directeur de la relation client de Leroy Merlin, Martine Coupet, Directrice relation clients de Decathlon et Mathieu Bellamy Directeur Stratégie marque et expérience clients de Citroën.
Les enjeux de l’expérience client
Mathieu Bellamy (Citroën) :
« Dans une activité aussi diversifiée que la nôtre, l’enjeu est de garder la maîtrise complète de notre activité. Des intermédiaires s’insèrent dans l’expérience entre la marque et le réseau, et nous devons garantir une expérience aussi positive et agréable que possible pour garder la maîtrise, de la construction à la livraison d’un véhicule. »
Martine Coupet (Decathlon) :
« Notre premier enjeu est le respect des engagements clients. ce qui est dit doit être vrai, ce qui est dit doit être fait. Et ça passe par exemple pour un distributeur comme nous par le respect des stocks, le respect des délais. Notre deuxième enjeu est la reconnaissance du client à chaque étape de son parcours, du magasin au centre de relation client. Et enfin, je dirais que, étant donné que nous sommes une des enseignes préférées des Français, que nos clients nous aiment, nos collaborateurs doivent le rendre au client, à distance comme dans les points de vente. Cela signifie pour nous travailler sur la dimension émotionnelle de l’expérience client. Au delà des produits, ce sont les échanges humains qui comptent. »
Albin-Dorian Julliard (Leroy Merlin) :
« Chez Leroy Merlin on investit sur l’expérience collaborateur autant que sur l’expérience client. On vise l’équation gagnante entre efficacité opérationnelle et enchantement client. Sur l’efficacité opérationnelle, nous visons le parcours sans couture. Sur l’enchantement, nous cherchons à garantir l’identification, la reconnaissance et la personnalisation de la relation client. Pour atteindre ça, l’enjeu est la bonne autonomie donnée aux collaborateurs pour qu’ils surprennent les clients à des moments du parcours à forte « valeur relationnelle ajoutée ». C’est ce que je nomme la relation 3.0, la relation à distance pour accompagner le client afin qu’il ait un lien permanent avec l’enseigne. »

A propos des nouveaux parcours client
Mathieu Bellamy (Citroën) :
« Notre difficulté, c’est  que nous n’avons plus de parcours client. Aujourd’hui, on ne sait plus où est le client, il change, il alterne. On sait qu’il commence par se renseigner sur internet avant d’aller chez le concessionnaire. C’est la marque qui a le premier contact. Depuis un siècle, les clients appartenaient au concessionnaire qui avait le premier contact. Il y a désormais une multitude d’allers-retours entre les canaux. L’enjeu est de ne pas perdre le client, lui offrir une expérience simple pour l’emmener chez le concessionnaire. Nous sécurisons au maximum le parcours sur internet pour faire en sorte que le client prenne la peine de se déplacer en point de vente. »
Martine Coupet (Decathlon) :
« 90% des clients vont sur le site avant d’aller en magasin, ils cherchent des informations et nous devons faire preuve d’agilité à chaque instant car il nous faut accompagner le client d’internet jusqu’au magasin. Sachant que 60% des clients qui commandent en ligne viennent chercher le produit en magasin, chaque détail du parcours client compte.
A partir du moment où le client est sur internet, nous devons être capable de répondre à toutes ses interrogations. Chat, mail, réseaux sociaux, téléphone, le client s’attend à une réponse rapide. J’observe que les clients nous appellent davantage pour avoir des conseils avant-vente, sur leurs pratiques. La consultation d’internet est globale mais la relation est de dimension locale, attachée au magasin. »
Albin-Dorian Julliard (Leroy Merlin) :
« Quand on parle d’expérience, on pense à un habitant qui a un projet vs un client qui fait un achat. Le parcours de l’habitant comprend un certain nombre d’étapes clés : inspiration, apprentissage, conception, le « bien acheter », la réalisation du projet et enfin le moment ou le client va « habiter son projet ». Dans chacune de ces étapes stratégiques nous tissons des relations, des liens spécifiques et nous avons des propositions de valeur spécifiques.
Quand on interroge les jeunes clients par exemple, on apprend qu’ils pensent d’abord projet, usage et autour de ces derniers il y a différents canaux possibles dont le magasin. Le magasin n’est pas une destination mais une étape. Le projet est la seule destination du client. Il faut donc penser les choses différemment. »


Les outils de la relation 
Albin-Dorian Julliard (Leroy Merlin) :
« Il nous faut savoir capter un client le plus tôt possible, comprendre ce qu’il vient faire sur internet. Nous mettons des outils facilitants pour cette expérience ; les images, les informations, la pédagogie doivent répondre à la première étape, celle de l’inspiration. Sachant que 70% des simulations sont faites en dehors des heures d’ouverture du magasin, comment en magasin on prend connaissance de cette expérience anté-achat. Comment fournir des outils connectés les uns aux autres, entre mon ordinateur chez moi et mon mobile en magasin ? Après l’achat, les clients veulent être accompagnés, considérés jusqu’à la réalisation de leur projet. Par exemple avec Frizbiz, nous mettons en relation des bricoleurs entre eux.
Les vendeurs sont accompagnés depuis 5 ans à cette nouvelle relation client. Les collaborateurs vont tous chez le client, c’est ce qu’on appelle les visites habitant, un rituel chez Leroy Merlin. 100% des conseillers sont formés à la nouvelle relation avec le client en point de vente, pour faire face à un client expert qui connait très bien les produits ou un client connecté à son mobile.  Nous étions historiquement derrière les comptoirs, puis nous avons offert le libre-service et désormais nous allons au devant du client. Les vendeurs ont des outils ouverts : un smartphone avec les mêmes fonctionnalités que celles du client, un outil qui s’utilise avec le client, un outil qui permet d’entrer en relation avec le client. Chaque conseiller est un animateur de communauté locale. Chaque vendeur a une adresse professionnelle, les magasins ont des pages Facebook. Sur certains magasins, on teste les sms, le messaging. Il faut avoir en tête que le collaborateur gère un flux et un portefeuille. Tout est dans l’ordonnancement des tâches entre la relation physique et la relation à distance. »
Mathieu Bellamy (Citroën) :
« Notre vision d’industriel qui veut tout dire et bien faire est challengée par la vision client sur internet, par ses nouveaux modes de recherche. Nous modifions actuellement profondément notre site pour répondre aux questions du client qui va chercher par exemple davantage en fonction de son budget et de sa localisation, alors que nous proposions un catalogue de produits. Par ailleurs pour assurer la continuité du parcours client, lorsque le client configure son véhicule en ligne, il doit être reconnu en point de vente pour y retrouver son projet.
Autre initiative : nous avons lancé Citroën Advisor il y a 3 ans (lire mon billet à ce sujet). Il permet au client de noter le point de vente, les produits et bientôt les vendeurs ! Cela ne se fait pas dans l’automobile, c’est une révolution, et pourtant on note son chauffeur Uber, son vendeur sur Ebay ou sur Amazon. Nous ne voulons pas digitaliser le passé mais concevoir des outils interactifs nouveaux. Nous avons demandé par exemple aux vendeurs d’avoir un profil Facebook professionnel pour entrer en relation avec le client qui veut choisir les gens avec qui ils sont en affinité. La discussion peut se poursuivre par chat, le vendeur peut animer sa communauté. »
Martine Coupet (Decathlon) :
« Chez Decathlon, on peut noter son magasin en ligne depuis un an.  Par ailleurs, à n’importe quel moment, lorsque le client est sur une fiche produit en ligne il peut s’adresser à un client qui a acheté ce produit. Les clients répondent en moyenne en deux heures, avec une grande qualité de réponse.
Nous sollicitons également les clients sur leur achat. Un produit noté 3 ou moins, et l’avis est transmis au chef de produit de manière automatique afin qu’il réponde lui-même. Si le produit est noté 3 en moyenne sur plusieurs avis, il est tout bonnement retiré de la vente pour être amélioré. Nous avons eu le culot d’en faire une campagne de publicité (lire mon billet à ce propos).
Dans le magasin, smartphone et tablettes sont des outils à disposition des vendeurs qui offrent une base de connaissance. Mais il n’est pas rare que les vendeurs donnent leur carte de visite. Les magasins animent localement leurs communautés de sportifs. »

Je retiens au travers de ces témoignages les cinq principaux enjeux de l’expérience client :

  • L’enjeu de connaissance client : comment permettre l’identification du client à chaque étape de son parcours.
  • L’enjeu de cohérence : comment on assure au client la continuité de son parcours entre les différents canaux.
  • L’enjeu de maîtrise : comment ne pas perdre le client pendant son parcours avant et après l’achat.
  • L’enjeu d’écoute : comment permettre au client de s’exprimer pour résoudre des problèmes en instantané et comment tirer parti de l’expression du client pour améliorer sa prestation.
  • L’enjeu de symétrie : comment rendre les collaborateurs capables d’être les meilleurs interlocuteurs pour le client (lire mon billet sur la symétrie des équipements).

Billet écrit par Thierry Spencer, auteur du blog Sens du client et Directeur Associé de l’Académie du service. 

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