13 décembre 2009

Le service consommateurs est mort, vive le service communautés !


"Les actionnaires, le Président et l’ensemble du Comité de Direction ont la douleur de vous faire part de la mort du Service consommateurs.
Ses capacités d'écoute, son sens du client et sa fidélité aux valeurs de la marque doivent rester pour nous comme un exemple à suivre dans les temps obscurs qui nous attendent.
Même si ses méthodes semblaient par trop artisanales et que son empathie paraissait exagérée, il n’a pas failli dans sa mission au service du plus grand capital de notre société : nos clients.

C'est l'homélie que j'ai envie de prononcer en cette fin d'année comme diacre auto-désigné de l'Eglise du client. Le service consommateurs, tel que nous l'avons connu, est mort.

Fini les gadgets, la gestion prend le dessus
Il est grand temps de repenser le rôle de ce service au sein des entreprises. Je lis les nombreux articles dont celui de Cédric Deniaud (lire son billet ici) qui cherche à clarifier les rôles de ce que l'on nomme Social Media expert ou Community manager, une nouvelle fonction qui a fait son apparition avec le développement des réseaux sociaux.
L'heure est à la gestion sérieuse des communautés au sens large, à la méthode rigoureuse et encadrée.
C'est ce que pense Jackie Huba sur son excellent blog Church of the customer (un nom de circonstances...) lorsqu'elle annonce "Social Media 2010: it's time to get boring" (Média sociaux 2010, le moment est venu d'être ennuyeux). Elle pense comme moi que l'ère du compte Twitter et de la fan page Facebook comme gadgets sont révolus, il est temps de gérer sérieusement le sujet. Fini la rigolade !
Mitch Joel sur son blog pense, quant à lui, que le marketing sera plus difficile en 2010 dans son billet "Conversation is not community"

Comme je le prétendais dans un de mes billets  -"le nouvel âge de la relation client"- qui avait donné lieu à une intervention lors d'une convention de l'AMARC (Association pour le Management de la Réclamation client), l'expression du consommateur -satisfait ou mécontent- change de lieu, de vitesse et surtout d'audience. Bien sûr, il faudra toujours répondre aux clients mécontents qui s'adresseront à l'entreprise en direct (la mission d'un service consommateurs, service client, customer care...) mais il va falloir traiter et gérer la masse de conversations, d'expressions venant de toutes part qui concernent la marque, l'entreprise ou l'enseigne. Le service consommateurs ne peut plus travailler seul et la gestion des communautés ne peut pas rester une action ponctuelle et mal (ou pas du tout) organisée, comme c'est le cas dans de nombreuses entreprises.

Quelle organisation ?
A tous ceux qui cherchent dans quel service on place le fameux Community manager, je leur conseille de repenser rapidement leur organisation et créer un service qu'on pourrait baptiser "gestion des communautés".
J'y verrai naturellement, outre le service consommateurs, les fonctions rattachées aux relations publiques et à la communication institutionnelle.
De qui doit dépendre ce nouveau grand service destiné à gérer toutes les communautés extérieures à l'entreprise ? De la Direction générale directement, selon moi.
Pourquoi ? Parce que ce nouveau grand service communautés doit prendre la parole au nom de l'entreprise et doit avoir un accès direct au plus haut échelon de management de la société. Etre rattaché au plus haut manager, c'est s'assurer que l'information va arriver rapidement dans les deux sens. On ne peut pas attendre qu'un bouche à oreille (un buzz) négatif monte, qu'un retour clients (un feed back) devienne récurrent pour alerter toute la hiérarchie et se trouver dans une position défensive pour gérer une crise ou des retombées négatives majeures. Etre en direct avec le patron ou la patronne, c'est lui assurer d'être en phase avec l'environnement de la marque qu'il gère.
Donnez à ce service des outils de veille et de gestion (j'ai eu dans les quinze derniers jours deux belles démonstrations de prestataires qui pensent déjà au futur de la relation et de la réputation : Viavoo et Vecteur d'image pour ne citer qu'eux). Ces prestataires sont très orientés Internet, car c'est principalement sur ce canal que les interactions se développent à grande vitesse et sur une échelle planétaire. Et bientôt des sites proposeront un dialogue organisé entre les marques et leurs clients...

Repenser le service consommateurs
Si j'ai voulu être provocant dans le titre de mon billet, c'est parce que je vois un lien évident entre les capacités d'un service consommateurs et celles que l'on recherche chez les fameux Community managers. Etre à l'écoute, réactif, transversal, au fait de l'actualité commerciale de l'entreprise, être capable de mobiliser des ressources internes et savoir prendre la parole pour le compte de la société : voilà le savoir-faire d'un service consommateurs.
Ajoutez y la culture web, la capacité à produire du contenu (comme le service Relations Publiques) et gérer des liens entre l'entreprise et ses communautés : nous ne sommes pas loin du périmètre cible.

Pour réussir la mutation de l'organisation et surtout l'évolution des personnes, il faut cesser de cloisonner et de penser que les Community managers sont une espèce à part, sortie d'un monde de geeks natifs numériques ("digital natives").
Les capacités, les compétences existent déjà dans l'entreprise, il suffit d'orienter l'action de tous les services sur d'autres terrains. D'où l'idée de la mort du service consommateurs tel que nous le connaissons...

Le Community manager prendra sa place dans un service de management des communautés, de façon transversale qui plus est. A lui de gérer la parole de l'entreprise sur Internet, de prendre part à la conversation si besoin, favoriser l'expression et alimenter le contenu généré par les internautes, influenceurs, blogueurs ou simples clients (sur les médias sociaux ou ailleurs). Il lui faut les capacités du service consommateurs et les pouvoirs du service relations publiques.

Tout ce petit monde va devoir plancher sur des sujets transversaux et des cas concrets comme : un client envoie un mail de réclamation, laisse un avis sur un produit, ce dernier est publié sur twitter, donne lieu à la création d'un groupe sur Facebook, puis repris sur un blog et enfin cité par un journaliste. Le tout en moins de 24 heures !

Si les entreprises veulent adopter une position offensive, maîtriser leur prise de parole, leur influence et leur réputation, c'est le moment de repenser d'abord leur organisation.

Pour en savoir plus, ma sélection d'articles sur le sujet :
Community manager, un métier en trois dimensions
Qu'est-ce qu'un Community manager ?
Fiche métier : community manager
L'influence en ligne, c'est un vrai métier
Le blog du community management
Billet écrit par Thierry Spencer du blog Sens du client.

6 commentaires:

Unknown a dit…

très bon article...community manager! je sens qu'on va en entendre parler en 2010 !! c'est très puissant surtout avec tout les outils qui sortent ces derniers mois, qui facilite la création de communautés et la possibilité d'intégrer des milliers de widgets différents. Comme je l'ai entendu sur un autre article, un réseau social est fournisseur d'identité, ce genre de poste (community manager) je me demande quelle sera la direction, les stratégies pour créer une cohésion dans un réseau commercial. J'expérimente pour l'instant la création d'une communautés de blogueurs et amateurs de l'actualité numérique. Ce serait un honneur d'avoir ton avis ! si c'est possible, je t'exposerai mieux mon idée. Merci d'avance...

Thibault a dit…

C'est un point de vue intéressant, qui se tient si on considère le community management comme un outil, une action de veille sur l'eréputation de l'entreprise.
En revanche, selon moi le community management va au délà. Un community manager doit aller vers les communautés, prendre la parole au nom de l'entreprise et lancer des actions de recrutement et de fidélisation de clients comme on peut le faire plus traditionnellement en pub ou en emailing. Une fan page Facebook qui rassemble 200 000 fans n'est-elle pas à considérer comme une base de donnée clients ?
Où le place t-on dans ce cas ? Logiquement dans la direction marketing.
Au final, plus j'y pense et plus je me dit que le community management ne peut et ne doit pas forcement être porté que par une seule et unique personne dans l'entreprise. Je le vois plus comme une compétence qui devrait à terme être maîtrisée par plusieurs acteurs dans une société:
- la marketing pour le recrutement et la fidélisation client
- la com' instit pour la veille sur l'ereputation de la marque, qui peut et sait réagir très vite en cas de crise.
- le service client pour gérer et répondre aux critiques et plaintes faites à l'encontre de l'entreprise
Qu'en pensez-vous ?
Merci,
Thibault

Thierry Spencer a dit…

Je suis d'accord avec vous. Merci de votre contribution.
Le "community management" doit en effet être un nouveau savoir-faire, une nouvelle compétence de l'entreprise.
Une seule personne pour occuper cette fonction, c'est ce qu'on voit apparaitre aujourd'hui dans l'entreprise ou chez un prestataire. En intégrant cette fonction, il faut revoir l'organisation et y compris celle du marketing, selon que l'on considère les réseaux sociaux comme des canaux de relation comme les autres ou bien qu'on les traite à part.
Mais des membres d'un groupe ou des fans sur Facebook ne sont pas forcémment des clients ! Le job consiste à les nourrir d'informations, d'offres et les transformer en clients.

Anonyme a dit…

Bel article qui résume beaucoup de choses intéressantes.
Vaste débat sur le périmètre de la relation ou communication "extérieure" d'une entreprise. Beaucoup d'entreprises ont du mal à casser les chapelles internes.
On parle de clients, de journalistes, mais aussi d'actionnaires, de prospects, de fournisseurs, de concurrents... tous ces acteurs doivent avoir des informations cohérentes et adaptées à leurs domaines.
Que ce soit en ligne directe avec la DG, c'est évident. Faut-il un nouveau poste ? Est-ce que cela doit être un service à part entière ou transversal ? pris directement par la DG ? That is the question...
Pour moi, il n'y a pas de modèle idéal et reproductible. Cela dépend de la culture de l'entreprise, sa taille et sa stratégie. Evitons lss effets de mode.
On a déjà eu le même débat sur la place de la Direction Client dans les organisations et les comités de direction.
En tout cas, les communautés avancent vite. Il faut donc se bouger à la mesure des impacts.
JMH

daouda a dit…

Très bel article, avec des idées novatrices et très pertinentes.
Néanmoins, j'ai des doute sur la gestion à long terme des communautés.
M Spencer, vous avancez la genèse des services communautés certes, mais ne pensez -vous pas qu'il y'a un risque grave si on sait que les Communautés ont une durée de vie éphémère, voire "inconstante" dans certains cas.

Thierry Spencer a dit…

@ Daouda. Le caractère éphémère des communautés est un point crucial et réel. Je vous invite à lire mon billet de tendances du sens du client 2010 "le client sera plusieurs" dans lequel je cite Adrian Slywotzky "les nouveaux segments sont devenus un fait acquis, alors demandez-vous : comment concevrais-je mon organisation si je savais que dans les cinq prochaines années, 5 ou 6 segments émergeront pour occuper plus de la moitié de mon chiffre d'affaire ?"