31 octobre 2015

Les cauchemars du client

J'ai trouvé une façon de célébrer Halloween sur mon blog cette année en faisant la liste -très subjective- des 10 pires cauchemars de client.

  • Comme un fantôme, je n'existe pas. J'arrive dans un magasin et je passe dans les rayons, je croise des vendeuses et des vendeurs comme un fantôme. Je suis devant le comptoir d'accueil et les employés mâchent un chewing-gum, utilisent leur téléphone portable ou discutent entre eux comme si j'avais revêtu ma cape d'invisibilité. 
  • J'attends tel un zombie. Comme une âme damnée, j'attends debout sans qu'on me dise combien de temps il me reste (ou bien quand je pourrais revenir sans faire la queue), sans qu'on me propose un verre d'eau, et pourquoi pas un café (mais les zombies ne boivent pas de café et les vampires ne boivent que du sang). Je téléphone, je galère dans le menu du serveur vocal, je perds mon temps, j'attends sur une musique insupportable (car personne n'a pris soin de faire mon parcours et de mesurer son caractère irritant) et pourtant mon appel est une question de vie ou de mort (de client).
  • Je suis marabouté par le traitement standard. Je ne suis pas le bienvenu dans ce magasin ou ce restaurant du fait de mon apparence. On ne prend pas en compte ma situation particulière, mon handicap, le temps ou le budget dont je dispose. On fait comme si je n'avais pas préparé mon achat de voiture et on essaye de me vendre le modèle en stock. On ignore le fait que j'ai pu préparer mon achat sur internet, on me méprise si je viens en magasin et que je fais mon achat en ligne. On me prend pour un imbécile ou bien on ne prend pas la peine de m'expliquer. On ne prend pas la peine de personnaliser la relation, la conversation. On ne me conseille pas dans mon meilleur intérêt mais on me vend quelque chose qui sert les intérêts de l'entreprise avant les miens. L'absence de personnalisation est un poison puissant !
  • Un sortilège m'empêche de comprendre. Je dois parler une autre langue, ou bien mon cerveau a été réduit comme par enchantement, mais je ne comprends pas comment valider ma commande en ligne, je n'ai pas assez d'informations pour passer ma commande (Est-ce la bonne taille ? Quelle est la dimension ? Quand serais-je livré ? Où dois-je cliquer ?). J'ai une notice, un plan d'accès, un ticket de caisse, une facture, un relevé de compte, un contrat, un accusé de réception entre les mains mais ils sont écrits dans la langue noire des sorciers de l'expérience client. On me demande mon numéro de client mais je n'ai qu'un numéro de ligne, de dossier ou de contrat. Je lis sur le paquet "ouverture facile" et un sortilège me fait tout déchirer à l'envers. Qui est le monstre ?
  • Je suis dans un labyrinthe. Je ne sais pas à qui m'adresser, je ne trouve pas le numéro de téléphone, l'adresse mail ou le formulaire de contact. Je dois répéter plusieurs fois ma demande à des personnes différentes par téléphone ou en face-à-face comme si je changeais de dimension. Je recommence à zéro, tout semble avoir été effacé ou tout a changé, et chaque interlocuteur me dit une chose différente comme dans un jeu infernal et aucun d'entre eux ne résout mon problème. C'est ça l'omni-cabale : un monstre à plusieurs têtes qui me fait vivre l'enfer.
  • Un maléfice m'a abandonné. J'ai écrit pour me plaindre et un maléfice m'empêche de recevoir une réponse, j'attends un livreur à la maison et il ne m'a pas dit qu'il ne viendrait pas, j'ai précisé au restaurant que j'étais pressé et le serveur a disparu, mon assureur ne me tient pas au courant de l'avancée de mon dossier : autant d'aiguilles dans une poupée à mon effigie.
  • Je suis maudit. Il manque une pièce à mon dossier, je n'ai pas bien lu les conditions générales écrites en minuscule, je n'ai pas le code barre découpé sur le produit ainsi que le ticket original pour bénéficier d'une offre de remboursement de 1 euro, la date d'échange possible ou de garantie est dépassée d'une journée, je ne fais pas la queue au bon guichet... Les conditions ésotériques, les explications fumeuses et l'absence de bienveillance rendent l'expérience client surnaturelle.
  • Je suis condamné à ne pas être reconnu. Ça fait pourtant une décennie que je suis client fidèle et on me parle comme si je venais d'arriver, comme si un sort m'avait fait changer d'identité ou de statut. Personne ne sait qui je suis, personne ne me considère et j'ai beau faire comprendre par mes visites ou mes achats que je suis fidèle, je reste un inconnu. Je suis comme enchaîné à ma banque et mon conseiller ne me dit pas que je compte pour lui, alors que je suis là depuis si longtemps à attendre un mot ou un geste plutôt qu'une potion commerciale.
  • Je suis dans l'enfer des promesses non tenues. Le vendeur m'avait pourtant promis une date de disponibilité, le site s'était engagé sur un délai, une personne avait pourtant demandé un remboursement pour moi, on m'avait dit que le problème serait résolu la prochaine fois, on m'avait dit qu'on me rappellerait, l'atelier m'avait fait un devis qui ne correspond pas à la facture... Ce sont peut-être les pires cauchemars du client car ils touchent la relation au quotidien mais ils concernent la promesse de la marque et toute sa magie publicitaire envoûtante (nous serons toujours là, nous sommes bien plus que..., vous faire vivre une expérience incroyable, vous offrir le meilleur) et trop souvent creuse comme une tombe vide.
  • Mes interlocuteurs sont envoûtés. Désagréables, pas souriantes, malaimables, malheureuses, infernales : les personnes qui doivent me servir me font vivre un enfer par leur désengagement, leur démotivation, leur désintérêt pour leur travail et pour mes problèmes. Les morts-vivants me transmettent leur agressivité et leur tristesse, je me transforme et je deviens moi aussi un client éthéré retrouvant des millions d'autres dans les limbes de l'indifférence.
Billet cauchemardesque écrit par Thierry Spencer, auteur du blog Sens du client et Directeur Associé de l'Académie du service. 

1 commentaire:

DBZ a dit…

Bonjour,
Très bon florilège, qui rend bien compte de ce que j'ai pu déjà vivre (et pas que moi, beaucoup d'autres dans la famille et chez les amis), auprès des fournisseurs de box Internet, chez les champions de la téléphonie 4G, chez les fabricants de téléphones mobile, sans parler des mutuelles complémentaires et de tant d'autres prestataires de "service" ...
Et finalement, en boutiques "brick and mortar", c'est beaucoup moins vrai, car les vendeurs sont exposés au contact direct, donc moins enclins à rester indifférent après le premier coup de gueule (et qu'ils doivent gérer, là, tout de suite, un problème qui se pose à eux : se débarrasser du client mécontent sans y laisser eux-mêmes des plumes).
Question, puisque vous avez l'air de vous y connaître un peu, est-ce une spécificité française ? Ou y a-t-il l'équivalent par delà les frontières ? Sachant que je ne crois pas que ce soit le seul fait des employés, mais également un état d'esprit conditionné et encouragé par un certain type d'encadrement ...