03 février 2008

Société Générale : le client s'éloigne

Si mon arrière grand-père ne s'était pas caché dans les toilettes publiques de Chantilly le 25 mars 1912 à 10h30, je ne serais peut-être pas en train d'écrire ce billet. Mon grand-père me racontait que les coups de feu des malfaiteurs en fuite partaient de l'automobile de Dion Bouton pour éloigner les gendarmes à cheval (et à vélo) sur la place Omer Vallon après avoir fait le premier hold-up motorisé de l'histoire de France.
C'était la fameuse "bande à Bonnot" qui venait de dévaliser l'agence locale de la Société Générale dans des circonstances tragiques. Trois employés avaient trouvé la mort dans ce fait divers célèbre repris en couverture du Petit journal (cf illustration de ce billet).
Les clients de la banque s'inquiétaient alors de l'or et des billets envolés mais il fallut peu de temps pour rassurer les clients cantiliens.
Aujourd'hui, presque un siècle après, les dix millions de clients de la Société Générale en France ne semblent pas s'inquiéter du plus récent fait divers, si j'en crois les quelques articles parus sur le sujet (lire La croix). Il faut dire que dès qu'on parle de plusieurs milliards d'euro, la réalité n'est plus palpable pour le client de base. Comment peut-on se figurer une telle somme ?

La banque vient de faire paraître dans la presse une lettre rassurante intitulée "Message à nos clients" (que vous pouvez lire ici). Si certains rares clients vont vraisemblablement fermer leurs comptes en banque, les autres pourront effacer leurs craintes irrationnelles en pensant à la Loi de 1999 qui a créé le fonds de garantie afin de protéger leurs dépôts en cas de défaillance de la banque (à hauteur de 70 000 euros).
Ce scénario ne semble pas du tout envisagé pour la banque -centenaire et réputée solide- qui "renouvelle sans réserve les engagements de services pris à l'égard de l'ensemble de nos clientèles (...)" pour citer le communiqué.
Rien à voir donc avec Northern Rock en Angleterre, établissement spécialisé dans l'immobilier, qui a vu ses clients affluer au mois de septembre dernier dans un mouvement de panique. (lire l'article des Echos à ce sujet).
Il faut dire qu'en France, les banques ne sont pas très inquiètes sur la mobilité des clients. Je vous invite à lire le chapitre intitulé "le consommateur captif des banques" dans le livre d'Alain Bazot "Consommateur si tu savais" (lire mon billet à ce sujet). On y apprend que le taux de clôture des comptes est de moins de 5%, mettant ainsi la France parmi les pays occidentaux aux plus faibles taux d'attrition. Les deux raisons qui expliquent ce phénomène, selon le Président d'UFC Que choisir, sont :
- les clients ont du mal à faire des comparaisons entre les nombreuses prestations des banques (on dénombre, selon l'UFC, 180 types de frais facturés par les banques).
- les coûts de migration se révèlent supérieurs aux gains issus du changement (une étude de l'association de consommateurs avait révélé en 2004 que le coût complet était estimé à 335 euros, sans compter la lourdeur administrative à laquelle le client doit faire face).

Si BNP Paribas se rapproche la Société Générale (une option envisagée aujourd'hui sur laquelle les cadres se sont exprimés favorablement), un acteur du marché va disparaitre et avec ce mouvement le jeu de la concurrence s'en trouvera affaibli. On pourra voir alors s'éloigner les belles idées évoquées par Alain Bazot du type : la portabilité des comptes bancaires (obtenue de haute lutte dans le domaine de la téléphonie mobile) ou encore la prise en charge par un organisme officiel et indépendant des démarches administratives de changement de banque.

Les 135000 collaborateurs de la Société Générale vont devoir gérer désormais des clients qui vont s'éloigner de leur banque, créant une distance davantage psychologique et affective que matérielle, entendons-nous bien. C'est la confiance qui va se dégrader et la frustration du client lambda qui va augmenter au quotidien.

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