Plutôt que faire la chasse au Pokemon cet été, je me suis mis en quête des mots qui tuent dans les situations de relation avec le client. Bien entendu, cette liste n'est malheureusement pas exhaustive, c'est pourquoi je vous en propose une sélection de dix "mots qui tuent" pour commencer ma série.
Un billet écrit par Thierry Spencer, auteur du blog Sens du client et Directeur Associé de l'Académie du service.
- "Tout est là !". Vous êtes dans une boutique, à la recherche d'un vêtement d'une certaine taille, d'un titre de livre particulier ou d'un produit spécifique, et vous vous tournez vers l'employé en charge de la vente. A la question "avez-vous ce produit ?", il vous répond par cette formule qui tue : "Tout est là". Signe d'une grande fatigue ou d'une absence totale de motivation à rendre service, la formule conduit à l'abandon du client. Quand le client déçu entend "tout est là", il comprend "je ne vais pas vous aider à chercher", ou "je ne cherche pas à vous vendre quoique ce soit", ou encore "débrouillez-vous car je n'ai pas que ça à faire". On reconnaît facilement un bon vendeur par sa capacité à traiter les objections et trouver une solution pour le client. Le simple fait de montrer un minimum de considération pourrait même suffire à le satisfaire s'il est frustré par l'absence du produit qu'il cherche...
- "De rien !" est la réponse triviale utilisée parfois en réponse au "merci" du client. Si elle peut traduire une modestie de la part de son auteur qui signifie qu'il est naturel de rendre service, elle est vraiment inélégante et on lui préférera le "je vous en prie", ou le "avec plaisir" (comme à certains endroits dans le sud de la France), le "s'il vous plaît" en Belgique, ou presque le "bienvenue" québecois, traduction de l'américain "you're welcome". On peut lire ici et là des débats sur la toile à ce sujet qui me font dire que cette expression dépend du contexte et en quelque sorte du positionnement. On peut accepter un "de rien" dans le café du coin, mais pas dans un grand restaurant. On oublie dans la discipline du "design de service" qu'un beau décor, de belles tenues et de bons produits s'accompagnement de jolis mots qui enrichissent l'expérience du client.
- "Il y a beaucoup de monde aujourd'hui" (variante de "vous n'êtes pas le seul"). Vous avez attendu longtemps au téléphone, vous avez fait la queue pendant un certain temps ou bien vous êtes attablé et affamé, et la seule réponse à votre problème personnel est une réponse très impersonnelle qui vous fait bien sentir que vous êtes un numéro, un client parmi beaucoup d'autres. Cette situation est parfois la conséquence d'une mauvaise organisation ou d'une faiblesse dans la planification des équipes. C'est un aléa de tous les commerces que d'avoir un pic d'appels ou de fréquentation imprévu, et la gestion du "rush" est souvent un bon marqueur d'un management efficace. Le client peut tolérer à condition qu'on lui explique, qu'on trouve de bonnes façons de le faire patienter et qu'on soit tout à lui lors de l'échange.
- "Il faudra voir avec mes collègues" est une véritable perle dénichée lors de l'appel d'un concessionnaire automobile qui me proposait une révision (cf mon billet "irritant"à ce sujet). Lorsque je lui dis que je veux acheter une voiture, il me répond par ces mots. On entend cette phrase trop souvent lorsque la personne en ligne ou en face du client ne veut pas prendre en charge une demande ou s'assurer que le client sera dirigé vers la bonne personne. Dans la chaîne de service, voici une rupture préjudiciable aux affaires et le témoin d'une organisation en silo.
- "Ça va être compliqué !" est une formule de nature à ajouter au stress du client qui n'a pas trouvé la solution par lui-même, n'a pas compris quelque chose et reçoit par cette phrase la confirmation que ça risque d'être vraiment douloureux. "Ça va pas être facile", une variante classique, est aussi le témoignage de l'expert qui veut vous faire sentir que vous n'y connaissez rien. Généralement le client pense à ce moment "je vais me faire arnaquer sur le délai ou sur le coût".
- "Je ne sais pas qui vous a dit ça" est une tragédie mal vécue par le client qui est prêt à croire en la première personne experte. Fier de sa découverte, il l'expose à un second interlocuteur qui, plutôt que vous écouter attentivement, va mettre en doute la parole du premier. L'addition est lourde pour l'entreprise lorsque les deux interlocuteurs travaillent dans la même société. Le client pense -ou répond dans le meilleur des cas- "mettez vous d'accord entre vous car je ne sais plus qui croire". La conséquence est la perte de confiance dans l'entreprise.
- "Vous pourriez me dire à nouveau de quoi il s'agit ?" est un irritant de première classe. Dans le fameux article de la Harvard Business review de 2010 qui posait les bases du CES (Customer Effort Score), on apprenait que 56% des clients appelant un service client doivent expliquer à nouveau leur problème. Le client s'attend à ce que son interlocuteur ait accès aux informations le concernant pour pouvoir résoudre son problème. Les conseillers sont alors dans une situation de souffrance égale à celle du client, conséquence des faiblesses d'un outil informatique qui augmente l'effort du client et du collaborateur.
- "C'est la procédure" est malheureusement très souvent entendue aussi de la bouche des collaborateurs qui se réfugient derrière la règle et montrent ainsi leur incapacité à gérer votre problème. Un mur se monte alors entre le client et son interlocuteur. Dans cette situation, le client peut comprendre n'importe quelle règle du moment qu'elle lui est expliquée. Exemple : à l'entrée d'un salon business d'une compagnie aérienne à Paris, je me présente avec une personne de ma famille qui a un billet classe économique, je demande à la personne de l'accueil si elle peut entrer avec moi. La réponse est négative et s'accompagne d'un très élégant "désolé mais c'est la procédure" qui est insupportable pour un client dont le billet a une valeur de 3000 euros. En dehors de ces situations, avec une forte attente de considération de la part de l'employé, il y a mille et une façon de faire preuve d'agilité pour le client. Le baromètre Cultures Services de l'Académie du service révélait d'ailleurs que l'attitude de service "Ils sont capables de s'affranchir des règles pour me satisfaire" était la moins bien notée par les Français.
- "C'est là-bas" est un irritant entendu en magasin lorsque vous cherchez un produit. L'employé qui a visiblement mieux à faire que de vous aider, vous envoie vers une destination floue, parfois lointaine et pénible (imaginez-vous avec un chariot plein et des enfants énervés). Au pire, le client s'attend à des indications claires, et au mieux qu'il soit accompagné dans le rayon, ce qui d'ailleurs est une bonne opportunité de le conseiller sur son achat ou de le remettre entre les mains du spécialiste du rayon.
- "Il va falloir repasser (ou rappeler)". Comme le dit l'auteur de "The best service is no service" (lire mon billet à ce sujet), on ne se lève pas le matin avec l’irrépressible envie d'appeler un service client ou bien d'aller en boutique pour résoudre un problème. Alors que vous avez planifié votre appel ou votre visite, que vous avec attendu et que vous vous êtes préparé à toutes les options, vous découvrez la mort dans l'âme qu'il vous manque un document ou que votre interlocuteur ne peut pas vous proposer d'autres options pour vous faciliter la vie et clore le sujet qui vous préoccupe. C'est la faute à l'absence d'options de service et souvent aux procédures rigides qui n'ont pas été conçues pour ce cas de figure. Le client s'attend à résoudre son problème en une seule interaction si possible. C'est d'ailleurs un très bon indicateur de performance de la relation client qui prend la forme du "once and done" (tout bon du premier coup) ou du FCR (first call resolution).
Je suis évidemment plein d'empathie pour toutes les personnes en charge de la relation client qui se trouvent dans des situations qui leur font prononcer ces "mots qui tuent", car souvent elles ignorent que leur expression va créer une insatisfaction. La responsabilité de prévoir des situations, mettre à jour des procédures et donner les moyens aux collaborateurs de gérer des situations difficiles incombent aux entreprises et à ses managers. Je fais le pari que la plupart des clients tolèrent des "mots qui tuent" de la bouche des collaborateurs mais que leur satisfaction et leur fidélité vis-à-vis de l'entreprise sont affectées. Sans parler du bouche-à-oreille qui est souvent alimenté de bonnes histoires de la part du client auprès de ses proches, ses collègues ou sa famille. Le mot qui tue de la part du client est alors : "Et tu sais ce qu'il m'a répondu ?".
Lisez la suite des mots qui tuent dans le billet suivant.
Lisez la suite des mots qui tuent dans le billet suivant.
2 commentaires:
Bonjour Thierry.
Ça serait bien pour vos lecteurs de mettre un lien vers la 2ème partie de votre article à la fin de la première parie de l'article.
Et ne me dites pas
"Vous n'êtes pas le premier à me dire ça"
"C'est pour quoi ?"
"Il faudrait écrire au siège / au service client / au service réclamation"
:-) :-) :-)
Excellente journée.
Tw : @ze_flower
Ah ah ah ! Merci de la suggestion, je viens de faire les modifications sur les deux billets.
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