08 mai 2015

IRRITANT (spécial automobile) : on a perdu l'atelier

Tout commence par un appel pour prendre rendez-vous chez mon garagiste, concessionnaire d'une grande marque, première étape du parcours irritant du client.
  1. "Ces gens là on ne les voit jamais". L'accueil est plutôt bon et le rendez-vous fixé dans un délai raisonnable. Lorsque je demande si, à l'occasion du changement des balais d'essuie-glace, on peut en profiter pour mettre du liquide lave glace, l'hôtesse me répond "il faudra l'acheter à la boutique vous-même" (j'ai du fantasmer le service). Puis je demande, exactement comme dans mon précédent billet Irritant spécial automobile "Est-ce que vous pourriez en profiter pour me faire une cotation de mon véhicule et une offre de reprise ?", la personne me répond "je vais le mettre en commentaires mais je ne peux rien vous garantir".  Je rétorque alors : "Comment ça ? Vous ne voulez pas vendre de voiture ? Vous ne voulez pas transmettre aux commerciaux ?". Elle m'assène un superbe "Vous savez, ces gens-là on ne les voit jamais".
  2. 38 minutes d'attente à l'atelier. Le jour dit, à 8h45 je me présente dans l'atelier D (comme indiqué dans mon SMS, ce qui est plutôt une bonne pratique) et j'attends 38 minutes montre en main. La personne derrière le bureau est plutôt débordée "M... je suis tout seul" lâche-t-il élégamment devant les 4 personnes entassées dans le bureau au milieu de l'atelier. Je remarque que la fontaine à eau est vide et que le bureau est sale et mal rangé. Au moment de m'entretenir avec l'employé pour qui j'ai beaucoup de compassion, mais qui est le destinataire de mon feedback sur l'attente, j'ai le droit au classique "ben oui mais j'suis tout seul ce matin". Je lui demande en faisant le tour du véhicule s'il peut remettre en place la barre de ma portière avant gauche. "Ben ça il faudra voir avec l'atelier carrosserie". Non merci.
  3. Le showroom fantôme. Comme le garage est conçu de sorte que vous devez passer par le showroom de voitures neuves pour sortir à pied, je croise un vendeur, puis un autre vendeur, et encore un autre vendeur. C'est le moment où le gobelet de café à la main, la chemise bien repassée avec la cravate de rigueur, ils se préparent à calculer leur prime mensuelle en parlant des résultats du match de la Ligue de champions de la veille (j'imagine les sujets bien plus important qu'un prospect qui passe en marchant le nez sur les capots rutilants). Le marché automobile bénéficie d'une reprise lors du premier trimestre 2015, ce qui de ce fait, doit les affranchir de me dire bonjour lorsqu'ils me croisent. Je suis complètement transparent.
  4. On a perdu l'atelier. Le deuxième jour de la révision de mon véhicule, je reçois un appel pour me demander si je veux remplacer les freins. J'obtempère et demande quand mon véhicule sera prêt. "Peut-être ce soir, vous recevrez un SMS me dit l'employé". Sans nouvelles à 17h, j'appelle le garage et la personne me dit "il n'y a personne à l'atelier, il faut rappeler demain".
  5. "Je vous rappelle lundi". Le lendemain, de passage à proximité, je me rends au garage. Je croise un vendeur, puis un autre vendeur et encore un autre vendeur (voir point numéro 3, situation identique). A l'atelier D, je me mets dans la file d'attente dans le petit bureau où règne toujours cette atmosphère électrique très symptomatique d'une totale désorganisation. Le pire étant que les 3 personnes qui sont avec moi adoptent le même comportement : on ne peut s'empêcher de regarder par les vitres de notre bureau préfabriqué et voir les allées et venues d'employés décontractés d'autres services. Lorsque mon tour arrive 30 minutes plus tard, l'employé me signale que mon accord pour les freins a bien été noté mais pas "rentré sur l'ordinateur". Donc la voiture est en stand-by. Je lui propose de garder la voiture le week-end car je n'aurais pas le temps de la récupérer. "Je vous appelle lundi matin sans faute Monsieur Spencer". Là j'avoue que je redeviens aimable car on m'appelle enfin par mon nom plutôt que par l'immatriculation de mon véhicule. Inutile de vous préciser que lundi matin, je n'ai pas reçu d'appel. Puis je sors en passant par le showroom, et comme dans le film "un jour sans fin", la même situation se répète, je croise un vendeur, puis un autre vendeur... (voir point 3).
  6. 3 minutes de service pour une semaine de révision. Le SMS arrive le lundi à 16h10 (l'atelier ferme à 17h45). Je vais chercher ma voiture, je passe par le showroom et je croise... (bon, je m'arrête car vous connaissez la rengaine), puis je récupère mon véhicule. Voyant que la baguette de la portière n'est pas remise en réglant la somme de 600 euros, je me fends d'un "Vous n'avez pas trouvé le temps en une semaine de remettre la baguette ?". L'employé embarrassé finit par prendre la baguette qui se trouve sur ma banquette et remet en place celle-ci en 3 minutes. Je repars avec l'idée du billet que vous lisez.
  7. 24.012 euros de moins en chiffre d'affaires. Pour revenir au point 1 et à mon précédent billet, je n'ai pas eu de cotation, pas reçu d'appel d'un commercial. Le prix moyen d'un véhicule neuf est de 24.012 euros, mais les commerciaux de cette concession ont d'autres choses à faire que de vendre...
Comme à chaque billet Irritant (celui-ci est mon 31ème), j'ai toujours conscience que mes mésaventures ne sont en rien représentatives de l'état d'un marché ou de la relation d'une marque. Cependant, si j'en crois les résultats du Baromètre Cultures Services "la qualité de service en panne" (un billet que j'ai écris moi-même sur le blog de l'Académie du service), on pourrait le penser. Dans mes sept étapes, le diagnostic du parcours client "je fais réparer mon véhicule" est complet et le bilan dramatique : cloisonnement des services, mauvaise gestion de l'attente, accueil médiocre, mauvaise maintenance des locaux, promesses non tenues, aucune pro-activité, injoignabilité, mauvaise utilisation des outils de gestion, absence de sens du service et de sens commercial.
J'ai une bonne recette pour sortir de la crise : avoir le sens du client.

Billet écrit par Thierry Spencer, auteur du blog Sens du client et Directeur Associé de l'Académie du service. 

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Avez-vous pensez à envoyer un email au Directeur de cette concession avec ce post en lui précisant que ce n'est que votre expérience client mais que potentiellement cette expérience s'est révélée aussi pour 4 autres personnes (qui étaient dans la file d'attente)
Pascal

Schiavon a dit…

Je suis d'autant plus sensible à ce billet que je suis moi-même dans l'automobile. La situation que vous décrivez est particulièrement juste et je dirai sans doute encore plus auprès des constructeurs généralistes. Le problème de l'automobile est assez complexe les marges sont basses les charges financières élevées, la pression des constructeurs terrible les groupes financiers ne font que du court terme et oublient que c'est le client qui nous fait vivre ! Le métier est compliqué, voitures neuves, voitures d'occasions et entretien après vente tout cela sous le même toit, ce n'est pas simple surtout lorsque tous les politiques et médias nous serines à longueur de journée que l'automobile est chère et sale... (ce qui est faux de nos jours) et c'est là le challenge de satisfaire le client d'être à son écoute et se mettre à sa place.
La situation que vous décrivez avec les vendeurs est loin d'être rare... Il est plutôt même symptomatique. Je pense que cela vient du manque de valorisation dans tous les sens du terme de ce métier.
En attendant continuez comme cela je prends à chaque fois une bonne piqûre de rappel que je transmet à mes équipes.
Nicolas Schiavon