27 février 2012

Baromètre Intimité client 2012 : changement d'époque

Nous avons une chance extraordinaire. Chaque semaine ou presque, une étude est publiée sur le thème de la relation client et les résultats nous sont offerts sur Internet. C'est un formidable moyen de se comparer et de diffuser au sein de sa propre organisation des éléments tangibles pour diffuser la culture du client.

Cette semaine je vous propose une analyse et quelques extraits de la deuxième édition du Baromètre Intimité client 2012 réalisé par TNS Sofres pour la société de conseil CSC. Réalisée à partir de questionnaires administrés à 80 directeurs ou responsables marketing, commercial, distribution ou relation client de 7 pays européens, l'étude se nomme "Tout se transforme", en référence au contexte de crise "durable et imprévisible" pour citer les auteurs.
Ce que je vois dans les résultats, c'est que la transformation ne me semble pas aussi rapide que les changements de l'environnement des entreprises, un peu comme si ces dernières n'avaient pas conscience de changer d'époque comme le personnage principal du film "The Artist" en illustration de ce billet.

Un parcours pas encore assez fluide et multi-canal.
L'étude nous révèle les différents positionnements des organisations sur la gestion du multicanal. Alors que j'affirme dans mon billet de tendances 2012 "Le client sera rebonds", les entreprises n'y sont pas prêtes à en juger par les réponses qui illustrent un manque de fluidité dans le parcours client :
  1. Propose aux clients plusieurs canaux d’interaction, interopérables (39%)
  2. Propose aux clients plusieurs canaux d’interactions pas réellement interopérables (26%)
  3. Est majoritairement monocanal. Cela correspond aux attentes clients (23%)
  4. Est majoritairement monocanal. Les clients ont pourtant de réelles attentes en matière de multicanal (17%)
Les remontées spontanées font jeu égal avec l'écoute organisée
Autres chiffres issus de l'étude : les dispositifs d'écoute "contribuant le mieux à la compréhension des attentes clients" d'après les entreprises interrogées. Ces dispositifs sont autant de signes de présence du client dans l'entreprise, ce qui me faisait dire "Le client sera stakeholder" dans mes tendances 2012.
La progression d'une année sur l'autre des outils de mesure me fait dire qu'on utilise davantage la pléiade d'outils pour écouter le client. Je distingue deux types d'écoute et j'observe que les remontées organisées stagnent globalement et que les remontées spontanées progressent. Ces deux types de remontées font jeu égal en terme de poids. Je déplore en revanche que la matière première de la "voix du client", (les verbatims, remarques et commentaires quotidiens écrits ou oraux) ne soient pas encore des dispositifs majeurs. On sait en lisant le livre du Vice Président d'Amazon "Best service is no service" (lire mon billet à ce sujet) que l'étude des feed-backs spontanés et quotidiens est un des secrets du leader mondial de l'e-commerce, champion de la relation client.

Ecoute organisée, feed-back sollicité (au même niveau que l'an passé) :
  • Administration périodique de baromètres de satisfaction (39% vs 34% l'année dernière)
  • Réalisation d'enquêtes adhoc (21% vs 15%)
  • Administration systématique de questionnaires de satisfaction post-achat (20% vs 23%)
  • Mise à disposition des clients d'outils de recueil dédiés (5% vs 12%)
Ecoute non structurée, remontées spontanées (en progression) :
  • Remontée depuis le réseau physique (29% vs 14% en 2011)
  • Traitement des courriers papier, mails (27% vs 16%)
  • Comptes-rendus de visites des commerciaux «terrain» (23% vs 25%)
  • Analyse et présence sur les réseaux sociaux (15% vs 12%)
  • Remontée depuis les centres de relation client (CRC) (13% vs 16%)
La toujours timide diffusion de la voix du client
Comme on peut le constater dans la cartographie des services clients de l'AMARC (lire mon billet), ou encore dans l'étude commanditée par ERDIL (lire mon billet), les principaux usages des informations collectées, c'est à dire la diffusion de la voix du client est inégalement réalisée.
1 entreprise sur 10 ne semble pas se soucier des données disponibles, et seulement 2 entreprises sur 10 utilisent les informations pour concevoir de nouveaux produits. Est-ce à dire que 8 chefs de produit sur 10 ne se soucient pas de la voix du client ? Je vois ici les traces d'une culture ancienne et de réflexes d'un marketing éculé qui se distingue par la méconnaissance des bienfaits de l'orientation client.
Le tableau n'est pas si noir car globalement on voit s'inscrire les informations données par le client dans une logique d'amélioration de la qualité. Mais pas encore assez à mon goût !
  1. Partage de l'information collectée avec les autres départements, utilisation pour améliorer globalement la qualité des interactions (45%)
  2. Utilisation des informations de manière réactive pour améliorer l'offre (38%)
  3. Utilisation des informations de manière très réactive pour corriger des problèmes d'organisation ou de processus (37%)
  4. Intégration systématique des informations dans les phases amont de conception de nouveaux produits (22%)
  5. Utilisation des informations collectées à des fins principalement marketing (12%)
  6. Très faible utilisation des informations (collecte «au cas où») (10%)
L'amélioration du service comme axe stratégique 
Autre résultat de l'étude CSC TNS Sofres : "l'exploitation de l'intimité client pour développer une politique de services". On voit se dessiner dans ces réponses (qui restent du "déclaratif") l'axe stratégique et les progrès des organisations. Les entreprises cherchent à mieux délivrer leur prestation et près d'un tiers d'entre elles se déclarent en avance par rapport aux concurrents. On lira à ce sujet l'excellent livre "Servir ou disparaître" qui vient de sortir et dont j'ai fait une chronique sur ce blog.
Les réponses 2012 concernant la politique de service sont :
  • Proposition de services identiques aux concurrents, mais meilleure performance du "delivery" (64% vs 50% en 2011)
  • Forte innovation en matière de services, très en avance par rapport aux concurrents (29% vs 18%)
  • Proposition de services de base, en ligne avec les concurrents en termes de qualité des prestations offertes (7% vs 22% l'année dernière)
Faible culture et cloisonnement : éternels freins à l'orientation client
CSC et TNS Sofres ont pu identifier les principaux freins/difficultés rencontrés dans le développement de "l'intimité client". Ces difficultés illustrent la pesanteur des organisations qui peinent à s'orienter client et à mettre en place des outils idoines pour y arriver.
Les freins liés à la culture, au management pèsent pour presque un tiers
Culture tournée vers l’Excellence Opérationnelle ou la Supériorité Produit (28%)
Les freins liés au cloisonnement et au faible alignement pèsent pour un quart
Organisation compartimentée, difficulté à définir des objectifs et une politique commune autour du client (15%)
Grand nombre de partenaires dans la production de l’offre, objectifs insuffisamment alignés sur le client (12%)
Les freins liés aux moyens mis en oeuvre comptent pour un quart
Sous-investissement en termes de systèmes d’information (15%)
Systèmes de pilotage axés sur la rentabilité «produit» plus que «client», vision trop courte-termiste (10%) Les freins liés à la clientèle elle-même pèsent pour 20%
Attentes clients basiques rendant difficile une différenciation par la personnalisation de l’offre (20%)

Je vous invite à télécharger le baromètre complet, lire les analyses (assez complexes) de CSC, découvrir les résultats de l'étude TNS Sofres et les nombreux témoignages de professionnels qui y sont attachés.

Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.

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