Vineet Nayar, le Président de HCLT (55 000 collaborateurs, 2,5 milliards de $ de CA), est l’homme qui est à l’origine -selon le magazine Fortune- du « management le plus moderne du monde ». De passage à Paris cette semaine, j’ai eu l’occasion de le rencontrer grâce à Dominique Gibert de Diateino, l’éditeur français du livre « Les employés d’abord, les clients ensuite ». J’attendais la sortie en français de son livre, que j’ai lu dans sa version originale à sa sortie, pour en faire la chronique. Pourquoi j’aime ce livre ?

  1. Parce que son auteur est un homme bon. Vineet Nayar est un indien qui me rappelle un de mes anciens patrons, le directeur marketing monde du Groupe Yum! (Pizza Hut, KFC…), Micky Pant. Ces deux hommes ont en commun une humilité dont peu de patrons font montre de nos jours. Cette humilité se double d’une qualité d’écoute remarquable et d’une insatiable curiosité, qui les poussent à développer la créativité autour d’eux. Pas de propos péremptoires dans ce livre, pas de grandes leçons d’un chef imbu de sa personne. Vous ne trouverez que des pistes de réflexions, des doutes, des questionnements de la part d’un PDG tourné exclusivement vers l’avenir, à l’image de son pays.
  2. Parce que le sujet de ce livre est d’actualité. Je le prétendais dans mon premier billet de l’année 2011 (et dans un plus ancien en 2008) et je l’ai entendu plus d’une fois cette semaine lors d’un séminaire auquel je participais chez EDF. La façon la plus efficace -et la plus puissante- d’améliorer la relation client est de se préoccuper des gens qui sont en relation avec eux. C’est ce que Vineet Nayar appelle « la zone de valeur », le pivot de toute son organisation. Les personnes en relation avec le client sont les vrais créateurs de valeur, et la hiérarchie ne doit pas peser sur eux comme une contrainte ou un frein mais comme un facilitateur, un environnement favorable et épanouissant.
  3. Parce que chaque initiative vit grâce à un outil. On objectera que ce livre ne concerne que les sociétés de service dans le domaine B2B (on s’amusera d’y trouver des tonnes d’acronymes, une des caractéristiques du métier…), sauf que, pour y avoir moi aussi travaillé dans le passé, c’est un secteur parfois peu orienté vers ses collaborateurs, où les femmes et les hommes sont qualifiés d’ETP et facturés au TJM. On qualifie même certaines de ces SSII de « viandards » (vendeurs de collaborateurs au kilo). L’intérêt des expérimentations de Vineet Nayar est que celles-ci sont toutes accompagnées d’outils modernes et technologiques que nous verrons un jour dans nos entreprises ; je pense notamment au réseau social d’entreprise, aux outils de gestion des connaissances, forums et autres solutions de « crowd sourcing » interne dont il parle longuement.
  4. Parce qu’il traite de la transparence indispensable. Il y a dans ce livre des vraies leçons de management moderne et on ne s’étonnera pas que le patron de Zappos (mon entreprise américaine « orientée client » favorite) ait fait partie des premiers à en faire l’éloge ; « Le livre nous raconte comment le management peut laisser la place au leadership des employés pour favoriser l’émergence de l’engagement et de la productivité » déclarait Tony Hsieh. Un des points clefs que Vineet Nayar développe est la transparence totale avec tous les collaborateurs, au point de partager avec eux par exemple sa propre revue de performance (le « 360 »), et les inciter à noter son orientation client.
  5. Parce qu’il écoute la nouvelle génération d’employés et de clients. Vineet Nayar, dans son analyse « Mirror Mirror » (référence à la sorcière dans Blanche Neige ; l’auteur trouve les bonnes formules dans le style des livres américains), observe ses collaborateurs et en fait trois groupes : les transformeurs, les âmes perdues et les attentistes (« assis sur la barrière »). Plutôt que de se concentrer sur le « ventre mou » de l’opinion générale interne et ses suiveurs, il décide d’écouter plus attentivement la minorité la plus exigeante, la moins impliquée et parfois la plus visionnaire. Il constate que la génération Y est très représentée parmi les « transformeurs ». Les nouveaux collaborateurs dont on ne sait quoi faire dans certaines entreprises tant ils n’adhérent pas aux cultures d’entreprises qui favorisent une hiérarchie pesante et une concentration des pouvoirs et de l’information au sommet. Ce sont eux qui montrent la voie du partage, de l’échange, de la transparence et de l’engagement. Selon l’auteur, c’est vers eux qu’il faut se tourner car ils incarnent l’avenir et adoptent les comportements des clients les plus exigeants. Pour ces collaborateurs comme pour beaucoup de clients, la transparence est la condition de la confiance.
  6. Parce qu’il cherche à se défaire des schémas traditionnels. Vineet Nayar a expliqué lors de sa conférence un point développé dans son livre -à l’aide de nombreuses anecdotes- : la conception de la hiérarchie telle qu’on l’applique est révolue. Les dirigeants ne peuvent plus être ceux qui retiennent les informations et concentrent tous les pouvoirs. La conduite de projet, l’innovation, le service rendu au client s’améliorent quand les employés ont une plus grande liberté d’action, quand on leur fait confiance. Il force en outre son organisation et sa vision marketing à se défaire de l’obsession du « what » (« Ce que je produis ») pour se concentrer sur le « how » (« De quelle manière je délivre ma prestation au client. » ou « quelles relations j’entretiens avec lui »).
  7. Parce qu’il fait le pari de l’engagement des employés. Le patron d’HCLT raconte comment il a lancé les comités « employés d’abord », véritables communautés internes à l’entreprise sur des sujets libres, animés par des personnes élues. 2500 leaders de ces comités aident les collaborateurs à partager leurs passions avec les autres, à se rapprocher. A la manière de Zappos; dont j’ai visité le siège aux Etats-Unis, HCLT part du principe que les employés doivent s’épanouir au bureau et ne pas être une personne différente que celle qu’ils sont à la maison. Dans cette logique, il ne mesure plus la satisfaction des employés mais leur engagement. Dans sa conférence, il insistait sur ce point en déclarant : « un employé responsabilisé et écouté sera mieux dans son travail, son attachement à l’entreprise grandira et il aura fatalement une meilleure relation avec les clients. »
  8. Parce qu’il défend la conversation. Pouvoir s’exprimer, faire part de ses difficultés, de son désaccord à haute voix et sans être jugé : un des paris de Vineet Nayar depuis qu’il a pris les commandes de l’entreprise en 2005. Les clients s’expriment de plus en plus ? Ils veulent entrer en conversation avec les marques ? Les employés doivent pourvoir le faire aussi librement. Là encore il s’agit du concept de « symétrie des attentions » : réserver à ses collaborateurs le même traitement qu’aux clients.
  9. Parce qu’il repense le rôle du dirigeant. L’obsession de Vineet Nayar est de mettre en cause tous les attributs du plus haut responsable de l’entreprise et d’inverser la pyramide. Il veut voir son organisation comme une étoile de mer, plutôt qu’en araignée qui meurt quand on lui coupe la tête. Pour lui le PDG n’est pas dans la zone de valeur (cf mon point 2), il souffre d’éloignement avec le client final, il handicape la rapidité d’action et il concentre trop d’informations. Pour lui, les 8000 managers de sa société doivent partager la stratégie, l’enrichir, la faire vivre auprès de tous leurs collaborateurs. Et il énumère dans son livre les nombreux « Yes, but… » (« oui, mais… ») qu’il a pu entendre ces six dernières années en réponse à cette décision.
  10. Parce qu’on a tous à y gagner. Vineet Nayar raconte à la fin de son livre sa rencontre avec le patron d’une chaîne d’hôtels qui ne saisissait pas le concept des « employés d’abord ». Trop tourné sur lui-même, trop effrayé par l’idée de partager son pouvoir, trop sûr de sa croissance, trop figé dans son organisation et de ses effets durables sur les clients. Une « âme perdue » comme dirait l’auteur. Ce livre, qui est une démonstration par l’exemple, défend un point de vue qui est malheureusement trop considéré comme l’agitation d’une baguette de sorcier dérisoire par des managers qui n’ont pas le sens du client ! Comme il est de tradition sur ce blog, vous pouvez gagner un exemplaire de ce livre en laissant un commentaire (non anonyme et jusqu’au 29 mai) à la suite de ce billet à propos des employés d’abord. Deux commentaires seront tirés au sort lundi 30 mai pour deux personnes à qui les Editions Diateino offriront un exemplaire du livre « les employés d’abord, les clients ensuite ».
Billet écrit par Thierry Spencer, du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client qui mettent les employés d’abord ! Merci à Nathalie Rémi Beaucé pour son aide lors de la conférence. Commandez ce livre en suivant ce lien.
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