Je me souviens d'une conférence à laquelle j'ai assisté aux États-Unis il y a 3 ans pendant laquelle le brillant invité nous parlait de marketing orienté client. A la manière des meilleurs speakers américains, il ménageait ses effets sur scène pour ravir l'audience. Son sujet était "marketing is design"* et il prétendait nous présenter un outil révolutionnaire qui tenait dans la poche de sa veste. "Le parfait outil d'auto-formation pour marketer du 21è siècle, plus léger qu'un iphone et plus efficace qu'un manuel de marketing" prétendait-il.
Avec un sens du suspens remarquable, il nous tint en haleine pendant un bon quart d'heure avant de sortir de sa poche un petit carnet papier tout simple. Après quelques rires dans la salle ponctués de plusieurs "oh my God !", il nous indiqua qu'il notait chaque jour deux choses sur son carnet. Sur la page de gauche, un "good design", sur la page de droite un "bad design".
Il prétendait avec un extraordinaire bon sens -que seuls une présence sur scène, les tempes grisonnantes et le background de vingt ans de marketing autorisent-, que tout était affaire de "design". Design au sens de "façon de concevoir les choses pour les utilisateurs, consommateurs, usagers ou clients".
Chaque jour, en tant que client, nous sommes confrontés à des situations avec des produits, des services, des magasins ou des sites qui nous enchantent ou nous irritent.
Rien de tel qu'en faire une liste chaque jour et s'y replonger pour apprendre ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter.
Je voudrais ouvrir pour vous mon carnet personnel, ou plutôt mon album photo de téléphone, et vous faire partager mes trois dernières expériences de bon et mauvais design.
Mauvais design : le TGV sud ouest.
Commençons par l'exemple qui mérite un livre tant il est catastrophique et embarrassant : les TGV "Christian Lacroix" (en photo à gauche). J'ai une pensée pour ce pauvre Monsieur Lacroix qui a mis son nom sur ce design des TGV desservant le sud ouest de la France. A vrai dire, il n'a signé certainement que les couleurs (plutôt réussies) et n'est en rien responsable de tous les irritants de ce moyen de transport rapide de la SNCF. On gagne un peu en look et en espace en seconde classe, mais le reste est dramatique.
Que diriez-vous d'une tablette qui n'a pas de rebord : idéal pour faire glisser son magazine ou son téléphone ? Que pensez-vous d'un séparateur d'appui-tête en plastique proéminent qui vous ruine le front quand vous dormez ou que vous voulez embrasser votre voisin(e) ?
Du reste, on dit parfois d'un objet qu'il est "design". Vu par un bureau d'étude sur un écran ou dans un beau magazine, c'est certain. Mais vécu par un utilisateur, c'est autre chose. Il arrive même que pour acquérir soi-même un objet "design", on sacrifie le confort et l'usage quotidien : un comble ! (ou alors appelons ça une œuvre d'art).
Autre absurdité : comment appuyer dans les toilettes sur un bouton métallique déclenchant le sèche-mains avec des mains mouillées ?
Si les sièges s'inclinent légèrement, ils sont deux fois moins épais et confortables qu'un siège du train Corail Paris Caen (et je sais de quoi je parle).
Les petits accoudoirs au bout en plastique se replient au moindre mouvement du coude, les poubelles vous restent dans les mains, les rangements individuels n'ont pas d'intérêt évident...
La bonne nouvelle est que ces rames vivront moins longtemps que les autres, tant elles vieillissent mal. Jetez un oeil aux sièges, aux tables en verre du wagon bar et vous verrez où mène un "bad design".
Je ne vais pas m'énerver plus sur ce sujet et voudrais partager avec vous deux petites et bonnes idées de la semaine, conçues par des personnes ayant le sens du client. Le Sens du client est selon moi une capacité à se mettre à la place du client tout simplement. Celà vaut pour les spécialistes du marketing mais également pour tous les concepteurs, les architectes, les créateurs et les designers de notre quotidien. Qu'ils soient bénis ou pendus, que leurs oreilles sifflent chaque jour ou leur influence sur les choses fasse des heureux, vous ne pouvez pas les ignorer.
Bon design : à l'hôtel et chez le dentiste
Félicitons donc les heureux inventeurs de deux aménagements du quotidien, en illustration de ce billet.
Tout d'abord, la poignée de porte qui n'en est pas une dans un hôtel B&B. On ouvre la porte des toilettes avec le coude grâce à un système ingénieux et assez intuitif qui vous permet de ne pas partager vos microbes avec vos congénères. Etonnant, non ?
Seconde idée, née de l'esprit d'une personne qui a imaginé comment améliorer le quotidien du patient d'un cabinet de dentiste -en se mettant littéralement à sa place- : l'écran fixé au plafond au dessus du fauteuil qui diffuse des films apaisants. N'est-ce pas une idée toute simple et magnifique ?
Plusieurs précisions : "*marketing is design" est aussi le nom de l'excellent blog d'Alice Blondel que j'ai le plaisir de connaitre grâce à Antonia et Stéphane. L'hôtel B&B se trouve à Laval et le dentiste (de ma fille cadette) à Paris 51 rue de la pompe pour les amateurs de bon design et d'excellent accueil.
Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels du marketing client et du bon design.
5 commentaires:
Bravo !
C'est tellement vrai.
Je crois que cette philosophie d'un design utile a été défendue et illustrée par Philippe Stark qui s'est attaché depuis toujours à rendre beaux et agréables à utiliser, les objets de notre vie quotidienne. Je me rappelle en particulier ses brosses à dents.
Un irritant absolu : toujours au passif de la SNCF qui enregistre à son propos d'innombrables récriminations à chacune de ses enquêtes de satisfaction : le bouton de la porte du bar des premiers TGV Est (et oui Thierry, tout le monde n'a pas la chance de pouvoir se plaindre des nouvelles versions habillées par Christian Lacroix!). Les habitués voyageant pour se retrouver facilement, dans la voiture contigüe, savent se rendre utiles en aidant les béotiens à utiliser ce bouton vert, souvent copié, jamais égalé, qui n'accepter d'officier qu'avec une pression égale à 5G et seulement sur sa partie supérieure. A éviter si vous transportez votre café brûlant dans son godet en plastique !
Tout a fait d'accord Thierry, autant sur l'intervention de ton américain /écrivain, dont le credo est totalement en phase avec le mien, que sur ta vision du TGV ouest, que j'avais expérimenté et commenté ici : http://aliceblondel.blogsmarketing.adetem.org/archive/2007/06/07/le-casse-t%C3%AAte-du-cale-t%C3%AAte.
Le bon marketing c'est celui qui conçoit ou "designe" un produit en prenant le point du vue du client.. !on en revient toujours là..
A bientôt!
Pour en revenir à la poignée de porte qui s'ouvre avec le coude, elle a été mise au point par une petite société et révélée notamment avec le spectre de la grippe A. Je n'avais jusqu'à présent vu cet accessoire que dans des entreprises, en interne pour leurs propres salariés.
Le concept est cependant réellement intéressant dans les hôtels et félicitons l'hôtel concerné pour ce choix.
Tout à fait d'accord avec ton analyse Thierry. Je me permets d'ajouter un point en complément : l'ergonomie. Cela paraît essentiel pour éviter des "bad design".
YC
ps : Pour les TGV "Christian Lacroix" la place pour les jambes est quand même un vrai bonheur par rapport aux anciens TGV (en 2ème classe en tout cas)
On ne doit pas oublier dans tout cela que la forme fait la fonction et que le design est une réflexion sur le quotidien et la façon de l'aborder avec un sens esthétique. Pour ce qui est du TGV, le train possède un design mais Lacroix ne fait que de l'habillage. La poignée répond plus au terme de design, une forme répond à une fonction. Le mot design est souvent galvaudé en marketing aujourd'hui et a perdu de sa valeur prospective pour être réduit à argument de vente. Avant de parler design, il me semble évident de parler bon sens. Les chaises design restées dans l'histoire ne sont elles pas avant tout confortables?
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