20 novembre 2011

Paroles d'experts vs attentes clients : une étude exclusive

Si vous êtes un lecteur averti de ce blog, vous n’avez pas pu passer outre la question rituelle que je pose à mes invités, depuis 2005 : "Selon vous, pour une entreprise, qu'est-ce qu'avoir le sens du client ?".
Au moment où le blog Sens du Client fête sa 100ème interview, j'ai sollicité KP/AM (le spécialiste de l’analyse linguistique des verbatim consommateurs) pour analyser les réponses de mes invités et surtout pour les confronter en quelque sorte à ce que, étude après étude menées par KP/AM, les consommateurs français disent de leurs attentes relationnelles vis-à-vis des Entreprises.
Nous considérons que la centaine de personnes qui a accepté de répondre au questionnaire du Sens du client est représentative de la communauté des professionnels de la relation client, que nous avons baptisé "les experts".
Laurent Garnier (à droite sur la photo, prise de vue réalisée lors du salon SEMO 2011) a mené cette étude exclusive à partir des 100 réponses de mes interviews, pour produire une comparaison entre les paroles des professionnels révélatrices des intentions des entreprises, et les attentes réelles des clients.
Il a bien voulu rédiger la synthèse qui suit et je l'en remercie. Je suis maintenant heureux de la partager avec vous en exclusivité :

"Chers experts, il est temps d'investir confiance et prévenance !
L’idée de cette étude est simplissime : les 5 attentes majeures exprimées systématiquement par les consommateurs (Facilitation, Transparence, Confiance, Humilité et l’émergente Prévenance) sont-elles parfaitement, partiellement ou faiblement intégrées par les experts de la relation client ?

C’est un "torture test" impitoyable pour nos experts professionnels de la relation client interviewés par Thierry Spencer, auxquels on accordera d’emblée certaines circonstances atténuantes ! Il est en effet extrêmement difficile dans cette volonté de concision et de synthèse qui caractérise la plupart de leurs réponses d’embrasser les 5 attentes simultanément.
Donc, ce n’est pas un par un que nous allons confronter nos experts (Thierry n’aurait plus le moindre volontaire dans ce cas !), mais collectivement, histoire de voir de ce que la communauté des experts perçoit de la collectivité "consommateurs".
L’attente la plus mentionnée par ces experts est sans conteste le besoin de facilitation (tout ce que l’entreprise pourra mettre en œuvre pour faciliter l’expérience du client avec la marque, en limitant au maximum les choses à faire pour leur client dans chacun des processus, et en se montrant arrangeante, disponible, hyper réactive). 33% des experts y font référence, et cela donne lieu à un discours bien alimenté autour des thématiques suivantes:
  • La capacité de l’entreprise à s’affranchir des procédures, à se rendre flexible. 
  • La nécessité de personnaliser au maximum la relation. 
  • La prise de conscience du besoin d’hyper réactivité du consommateur, et la façon d’y répondre. 
  • La capacité à se démener, à se ‘plier en quatre’ pour satisfaire la demande client. 
La capacité de l’entreprise à faire preuve d’humilité (les clients aspirent à ce que les entreprises montrent de l’humilité, en sachant s’excuser sincèrement, en proposant spontanément des gestes commerciaux, etc…) est spontanément abordée par 20% des experts. Ces derniers l’évoquent notamment au travers de la nécessité de dédommager comme il se doit le client, de le respecter (ne pas le considérer comme acquis), de tenir ses promesses et engagements, de ne pas lui tenir un discours trop technique, trop juridique, trop abscons.
Comme on peut le voir, Facilitation et Humilité, sont bien intégrées par les experts. On va voir que les trois autres attentes le sont beaucoup moins :
  • La référence au besoin de transparence des clients (attente consommateur d’une information objective, non-commerciale, non biaisée pour pouvoir faire ses choix de consommation en toute connaissance de cause, besoin grandissant de confirmations écrites des accords verbaux, transparence tarifaire, etc…) apparait de façon plus marginale (exprimée par moins de 10% des experts). 
  • L’attente de confiance (consommateurs qui attendent des marques qu’elles leur fassent ‘a priori’ confiance, en évitant de remettre en cause leurs dires) est ,elle, quasiment absente du discours….et pourtant certaines Marques commencent à la mettre en avant dans leur communication ( cf. dernière pub du Crédit Agricole).
  • Enfin, quatre experts (sur 100 !) seulement font référence au besoin de prévenance des consommateurs (capacité de la marque à anticiper et donc prévenir proactivement les possibles moments de vérités ou de crises, à se substituer à la vigilance du client). 
A leur décharge, cette attente de prévenance commence juste à apparaitre dans le discours des consommateurs (2010).
Leur relatif ‘silence’ sur les thématiques de "transparence" et de "confiance" est plus surprenant.
La volonté de transparence inonde la société aujourd’hui et ne peut en aucun cas ne pas être sur le radar de nos experts. Ce "silence" relève à l’évidence plus des difficultés liées à convaincre l’interne de se plier à cette exigence de transparence qu’autre chose :
  • La transparence tarifaire des frais bancaires a été exigée par la loi, sans quoi elle n’aurait sans doute pas vue le jour.
  • La transparence tarifaire des secteurs de l’énergie est particulièrement compliquée à mettre en place car difficile à expliquer simplement.
  • Les entreprises ‘neutres’ que sont les distributeurs ont un mal fou à donner une information objective à leurs clients (ce que ceux-ci appellent de tous leurs vœux), sans risquer de s’attirer les foudres des Marques qu’il distribuent.
  • Plus fondamentalement, les Entreprises ont un mal fou à s’ouvrir vers l’extérieur car elles ont souvent le sentiment de s’exposer. L’exemple de Starbucks qui a rendu totalement transparente la réclamation de ses clients et l’expose délibérément sur le net est un exemple qui fascine autant qu’il effraie ici en France !
La faible intégration de l’attente de confiance relève aussi d’un phénomène culturel aussi. Les Entreprises françaises restent très suspicieuses à l’endroit de leurs clients. Face à un client réclamant, bien souvent, la posture première consiste encore trop souvent à douter de la version du client, de façon à surtout ne pas se faire avoir! Combien de fois, en tant que client, avez-vous le sentiment de devoir vous conformer à des processus iniques mis en place par les entreprises pour lutter contre la fraude…..avec ce sentiment qu’on applique à 100% de la clientèle ce qui relève de 0,01% des clients. Les récents progrès de certains assureurs (qui ne font plus systématiquement passer un expert en cas de ‘petits’ sinistres) sont le signe d’une évolution importante sur ce terrain là.
Pour conclure, il faut aussi tenir compte du fait que le "Sens du Client 2005" a, aussi, peu à voir avec le "Sens du Client 2011". A l’image de clients dont les exigences changent rapidement, le discours des experts a fortement évolué en 6 ans ! Les notions mises en avant jusqu’à 2008 ("communauté", "proximité"…) se sont quasiment effacées des réponses…
…pour laisser place à d’autres champs d’exploration : la "conversation", ou le "multi canal". De même, le souci de "faire émerger la voix du client", de "penser client" se substitue peu à peu à la nécessité de répondre aux ‘attentes, aux besoins des clients’, plus prégnante lors des interviews les plus anciennes. A l’image des exigences du consommateur, le discours des experts ne cesse d’évoluer, de s’affiner.
Au fil des ans, ces experts ne sont plus eux-mêmes dans la déclaration d’intentions, mais dans une logique de preuves ! (attendue par les consommateurs).
Au final, félicitations à Bill Price (Amazon) et Xavier Quérat-Hément (La Poste) pour avoir évoqué, chacun en un seul commentaire, trois des attentes clés exprimées par les consommateurs !"

Synthèse rédigée par Laurent Garnier de KP/AM, invité par le blog du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.

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