Extrait de la série Palace de Jean-Michel Ribes.
Qui ne connait pas cette phrase prononcée par Marcel Philippot dans la série Palace de Jean-Michel Ribes (avec le regretté Philippe Khorsand dans le rôle du Directeur) et reprise dans les spots de publicité pour la MAAF ? Il incarne l’archétype du client insatisfait et pointilleux, celui qu’on nomme le client râleur.
Il s’adonne au «sport préféré des français» selon un sondage OpinionWay pour MAAF et METRO, réalisé en avril dernier qui nous apprend que 93% des Français s’accordent à dire qu’en général, ils râlent souvent. Cependant, à titre personnel, 48% d’entre eux déclarent râler « de temps en temps », 37% avouant râler souvent et très souvent (je me compte dans cette catégorie).
En dehors de l’irritation conjugale, les principaux sujets d’agacements des Français sont les problèmes rencontrés avec leurs administrations, leurs banquiers ou assureurs (56%), avec les transports (49% dont 58% à Paris), les sujets politiques (48%) et le coût de la vie/ la hausse des prix (47%). La technologie qui plante (ordinateur, mobile), les pannes de véhicule ou les oublis (pertes d’objets) les font râler « énormément ou beaucoup » (respectivement, 42%, 41% et 33%). Viennent ensuite les embouteillages, le bruit et les problèmes professionnels.
C’est donc de façon très maline et très cohérente avec sa communication que MAAF Assurances a lancé le 9 mai le Championnat de France des Râleurs (un concours de vidéos en ligne sur le thème via une chaîne dédiée sur le site de YouTube). Chaque internaute peut y poster sa vidéo pour râler sur un des 9 thèmes proposés par MAAF. Résultat le 5 septembre 2010, date à laquelle un jury élira le Champion de France des Râleurs. En plus d’une dotation en euros, le Champion sera invité à figurer dans un prochain spot de pub de MAAF. Je me demande bien pourquoi je ne fais pas partie du jury, je pense que je vais râler dans un courrier de réclamation à la MAAF…
Si le client français semble disposé à s’exprimer et principalement râler, est-ce que les entreprises sont prêtes à l’écouter ?
3% des entreprises considèrent que l’écoute client (l’analyse de ce que disent ou écrivent les clients) n’est pas une source de progrès. Ce chiffre minuscule est issu d’une étude BVA commanditée par ERDIL. Il n’y aurait donc que quelques entreprises, dirigées par des autistes de la relation client, qui seraient aveugles et sourdes. Dans les résultats aux allures soviétiques, on trouve que la Relation client est une dimension "Très importante» ou «assez importante» pour 99,6% des entreprises interrogées.
Dans le secteur de la relation client il n’y a pas de déficit. 93% de râleurs d’un côté et presque 100% d’entreprises orientées client. Comme disait Voltaire, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, et ces chiffres "déclaratifs" du côté de l'entreprise montre bien à quel point le fait d'être orienté client est devenu une dictature.
Pour autant, si j’approuve l’idée de répondre à tous les clients qui s’expriment et je soutiens le principe d'être à l'écoute active de ses clients, je serais assez d’accord pour dire qu’il ne faut pas toujours écouter ses clients. Avoir le sens du client, c’est répondre à tous ceux qui se déclarent satisfaits ou insatisfaits, une simple politesse de base (qui n'est pas toujours mise en oeuvre, lire mon billet à propos du Nouvel âge de la relation client). Avoir le sens du client, ce n’est pas se plier à tous les désirs des clients, faute de quoi on finit par délivrer un service ou fabriquer un produit qui fait plaisir à tout le monde mais ne satisfait personne. Il faut abolir la dictature du client roi !
Il y a trop de bulles dans le Coca, je ne peux pas lire Flash sur l’IPAD, Il n’y a pas assez de photos dans le journal Le Monde, l'intérieur d'une Mercedes est un peu austère, Mylène Farmer est trop ambigüe dans ses paroles, Lady GAGA est trop dénudée sur scène, il faut faire des kilomètres dans les magasins IKEA… Que seraient ces marques (ou ces artistes) sans des choix forts et déterminants ? (lire mon billet à propos de Mylène Farmer et Steve Jobs).
Le marketing se définit comme le fait d’avoir une action sur un marché (un verbe anglo-saxon construit à partir du mot market qui signifie marché). Agir signifie faire des choix et segmenter sa clientèle. Plus les choix seront forts, plus les détracteurs seront virulents et les aficionados motivés.
On remarquera que les services consommateurs des entreprises mal positionnées ont les plus grandes peines du monde à répondre aux clients à propos des choix de l’entreprise.
A l’inverse, un client râleur d’une entreprise dont les choix sont clairs sera vite éconduit et finira par comprendre que ce produit n’est pas pour lui.
Vouloir satisfaire le plus grand nombre est une dangereuse illusion. Avoir pour ambition de faire de tous les râleurs des fans est une bêtise. N’est-ce pas au final la moralité de la série Palace dans ses sketchs d’origine ? Le Directeur a toujours une bonne raison et le client continue à se comporter comme un râleur insatisfait…
Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels du marketing client qui respectent les râleurs mais ne les écoutent pas aveuglement.
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