Un jour de décembre 1990, Jean-Louis Ferry me reçoit dans son bureau chez Manuel NOAO, agence de Marketing direct. Au terme de deux heures d’entretien, j’étais éreinté. Cet homme sec et flegmatique, aux allures de Bill dans le film éponyme de Quentin Tarantino, m’avait bien confirmé que mon profil ne l’intéressait pas. « Vous êtes un touche-à-tout, vous avez un CV de deux pages à 24 ans, vous allez faire peur aux entreprises ».
Une semaine plus tard, je décrochais mon premier job grâce à lui dans une autre entreprise et mon patron de l’époque m’avouait que Jean-Louis Ferry lui avait dit que « J’étais un touche-à-tout et que j’avais déjà un CV de deux pages et que j’étais une chance pour une entreprise ».
Trois ans plus tard, après avoir lu les livres de Jean-Louis Ferry (en illustration de ce billet), échangé avec lui des anciens numéros du magazine Pilote (dont il était collectionneur -une collection parmi d’autres), je retourne le voir pour lui dire que je cherche du travail sur Paris. Il me dit « vous êtes trop jeune, trop peu expérimenté, trop énervé. Je suis désolé je n’ai rien pour vous. » Je repars dans les Deux-Sèvres et une semaine plus tard le téléphone sonne. Une entreprise m’appelle, et je décroche mon deuxième job. Mon nouveau patron, avant de me nommer Directeur marketing à 28 ans, me dit « Jean-Louis Ferry m’a dit que vous étiez jeune, plein d’énergie et que, malgré votre courte expérience vous étiez très capable de prendre ce job ».
Vous me pardonnerez de raconter ici une histoire très personnelle, mais je ne pouvais pas vous épargner ces anecdotes aux allures de conte initiatique.

Je dois en effet ma carrière à cet homme avec qui j’ai entretenu des rapports fidèles et amicaux dans les 18 dernières années.
C’est grâce à lui que j’ai choisi ce métier passionnant à l’époque ou l’acronyme CRM n’existait pas, ou les agences disaient qu’elles faisaient du marketing direct, et pas du marketing opérationnel, du marketing services ou du 360… Si les outils ont connu une grande évolution avec la technologie, si le vocabulaire du marketing s’est enrichi, les leviers de la conquête du client ou de sa fidélisation sont les mêmes, quelque soit le canal.
Diplômé d’HEC, Jean-Louis Ferry a été Président de CBS avant de créer avec Bruno Manuel l’agence de marketing direct Manuel NOAO (qui est devenue ensuite Publicis Direct). Il a écrit plusieurs livres sur le sujet, donnant naissance à des centaines de vocations dans la profession. Dans son impressionnant « Track record » on compte également la co-fondation de l’enseigne « GOLDY les montres » avec ses amis Bernard Brochand et Bernard Grégoire. Parmi ses clients historiques, on comptait par exemple le groupe Prisma Presse ou les Editions Atlas pour qui il a réalisé des milliers d’actions de marketing direct. En quittant son agence, il a continué à exercer en tant que consultant free-lance pour de nombreuses enseignes, et j’ai eu l’occasion de travailler à nouveau avec lui.
Je me souviens de plusieurs de ses histoires et citations qui résonnent comme des mantras. Je vous en livre trois :
– En 1988, au patron du premier réseau de téléhonie mobile qui était un de ses clients : « Votre marque, ce n’est pas Radiocom-2000, c’est Radiocom2000-Ne-quittez-pas ! ».
– A un patron d’enseigne de distribution en 1993 : « Vous voulez faire un programme de fidélité ? Avant de vous lancer là-dedans et si j’étais vous, je travaillerais d’abord à mon mix marketing et à la qualité de mon offre perçue par le client. Si votre prestation n’est pas bonne, je ne vois pas l’intérêt de parler de fidélité à vos clients. Il n’y a pas de fidélisation sans produit ou service fidélisant. »
– Il prétendait dans un de ses livres que si l’on veut réussir sa communication directe, il faut penser au lecteur qui lit son horoscope en cherchant ce qui le concerne à titre personnel. Le texte lui semble écrit pour lui alors qu’il a été conçu pour 12 signes du Zodiaque, équivalent aux segments d’un envoi par exemple.

Pour mon Maître qui vient de disparaitre ce week-end, je ferais référence à une de ses grandes passions avec une citation de Pierre Rosenberg :
«Tous les collectionneurs vont au paradis».

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