30 septembre 2007

FNAC, CAMIF : l'effet boîte de nuit.

Vous connaissez cette sensation que procure le fait de passer devant les autres avec votre carton d'invitation, la délicieuse fierté d'être sélectionné(e) par le videur à l'entrée ? Lorsque vous serez à l'intérieur, il est fort à parier que vous allez consommer plus de boissons et rester plus longtemps : c'est ce que j'appelle l'effet boîte de nuit.
Dans la discipline du marketing, la notion de club puise ses fondements dans nos instincts grégaires et renvoie directement à cette image. Il y a quelques enseignes qui sont nées avec ce concept destiné à une communauté : l'accès est (ou était) réservé. Je citerai METRO, la SERAP, la CAMIF et la FNAC.
Si j'en parle aujourd'hui, c'est que j'ai entendu hier à la radio un spot de publicité pour les 60 ans de la CAMIF (3ème entreprise de VAD française). En 1947 , la Coopérative était réservée aux personnels de l'Education Nationale et devait alimenter une caisse de solidarité pour les sociétaires adhérents à la MAIF. Les grandes heures de l'économie sociale d'après guerre, l'esprit militant caractéristique d'une France qui allait connaitre les 30 glorieuses faisaient écrire comme slogan du catalogue de 1951 "même si c'est plus cher, j'achète à la CAMIF" ! A peine croyable aujourd'hui.
Pour revenir à ce spot de radio, j'y ai entendu la phrase terrible et vide de sens : "on peut être ouvert à tout le monde et ne pas faire comme tout le monde !'. La CAMIF a en effet ouvert son catalogue aux autres membres de la Fonction publique au début des annés 90, première grosse altération du concept. Les enseignants, fidèles à leur catalogue qui était un vrai signe d'appartenance à l'époque, perdaient l'exclusivité des produits et services. Fatalement, ces derniers perdaient de leur attrait car ils ne leur étaient plus réservés. A quoi il faut ajouter le fait qu'en prétant leur catalogue à leur voisin facteur ou militaire avant cette époque, ils bénéficiaient d'une ristourne sur les ventes totales versée en fin d'année.
Deuxième coup mortel en 1993 : la CAMIF crée un bout de plastique et package deux ou trois avantages et l'appelle "club CAMIF". Les fidèles sociétaires depuis des dizaines d'années, enseignants détenteurs d'une part sociale, ne comprennent plus rien. La même année c'est l'ouverture discrète au grand public pour finir d'achever nos chers enseignants.
Quelques années plus tard, la bataille des prix dans l'électroménager, la chute du prix des produits électroniques et l'avénement d'internet éloignera encore plus les nouveaux et jeunes enseignants de leur club. Un club tellement extraordinaire qu'il n'avait pas besoin de s'appeller "club". Alors quand j'entends cette phrase dans ce spot de pub qui ne veut rien dire, quand je reçois un email de la CAMIF le 27 août dernier qui m'annonce "votre cadeau gratuit" (une formule qui aurait valu il y a quinze ans un blâme à un rédacteur du catalogue), j'ai de la peine pour ce concept et pour ses clients. La CAMIF négocie un virage difficile : elle vient de réduire son offre pour s'éloigner de la concurrence frontale d'avec La redoute et les enseignes de prêt-à-porter, c'est une bonne décision (il s'agit en fait de revenir à l'offre d'origine...). Réussira-t'elle a garder cette relation unique avec ses clients et faire valoir ses différences, à la manière de la MAIF qui s'affirme "assureur militant" ?
Pour parler de la FNAC, elle vient de lancer il y a quelques jours la Fête des adhérents. Une espèce de machine arrière par rapport à la CAMIF (même s'il ne s'agit que d'une opération promotionnelle), une façon de retrouver l'esprit de la Fédération Nationale pour l'Achat des Cadres créée en 1954 et son matériel photo vend à prix discompté pour ses adhérents.
La notion de club est favorable à la relation client. L'altération du comportement à la manière du client de boîte de nuit, a aussi comme corollaire le niveau d'exigence qui augmente. Lorsque le club a un vrai contenu (pas les gadgets habituels), lorsque la relation est maîtrisée et suivie dans la durée, celà donne des clients heureux et des entreprises profitables !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour cette analyse professionnelle qui conforte parfaitement l'impression que j'ai de la CAMIF en tant que client depuis 1998. La direction a-t-elle confondu vendeurs et videurs ? En tout cas la boîte se vide: réduction du catalogue (flagrante autant dans la mode que l'audio/vidéo/multimédia), réduction du personnel (p. ex. trop peu de caisses ouvertes au magasin même en période de soldes, queue interminable), pas de tentative de retrouver la satisfaction des clients mais plutôt le contraire (p.ex. plateforme téléphonique avec serveur vocal et attente sur numéro surtaxé donc hors forfait...)
Normalement on sort en boîte pour faire la fête, l'ambiance permet d'accepter de payer une bouteille plusieurs fois son prix. Mais ici quelle ambiance ? La CAMIF finira-t-elle comme le mammouth ?

Anonyme a dit…

C 'est fait c mort - il est dommage que personne n'est entendue ce message avant. A moins que cela n'est servi des intérêts particuliers.