14 septembre 2007

Des clients chauds : le nouveau dilemme d'Amazon

A chaque fois qu'on me pose la question "quel est ton site de commerce électronique préféré ?" je réponds sans hésitation : Amazon. J'y trouve toujours de bonnes idées de merchandising, de relation client et parfois comme aujourd'hui une source de contenu pour mon blog. J'avoue que je suis assez bluffé ce soir en voyant de nouvelles bonnes raisons d'aimer Amazon (ben quoi, j'ai bien le droit d'aimer regarder la plastique féminine, non ?). Je savais que certaines scènes de la série Desperate Housewives n'étaient pas diffusées aux Etats-Unis car elles étaient trop "chaudes" pour les américains, et donc qu'il y avait une différence entre nos moeurs et celles d'outre-Atlantique...
Je découvre ce soir sur le site d'amazon.fr en page d'accueil, avant de m'être identifié, une nouvelle façon de mettre en avant des produits : "les autres clients regardent en ce moment même"(cf photo). Après le fameux filtrage collaboratif, voici le partage de la navigation en direct : une excellente idée au demeurant.
Mais regardez bien cette capture d'écran : que voyez-vous en dehors de Vanessa Paradis, Harry Potter et Manu Chao ? Des DVD ou des livres à faire rougir Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon ! Il se peut que ce soit effectivement la réalité de la navigation de l'instant, auquel cas, celà conforte ce que j'ai pu voir dans mon expérience de la vente à distance à propos des livres, films et accessoires "pour adultes". Par définition, l'achat à distance -sans les regards du voisin dans le rayon du magasin- permet tous les excès sans culpabilité, et assure un confortable chiffre d'affaires.
C'est une nouvelle fonctionnalité qu'on retrouve sur tous les sites mondiaux d'Amazon : je viens de vérifier au Japon, en Grande Bretagne et au Canada avec "What Other Customers Are Looking At Right Now", aux USA avec "Most Wished For in DVDs" ou "For Books" et en Allemagne "Das interessiert Kunden aktuell". Sauf que le titre le plus hot que j'ai vu, c'est la correspondance de Mère Thérésa sur le site américain.
Il n'y a que notre bon vieux pays à montrer une telle sélection coquine et vraisemblablement bien réelle ! Et comme ce système est fait pour alimenter les ventes par des recommandations de ce genre, je parie que dans quelques jours l'éditeur du DVD "ce que veulent les hommes " et l'éditeur du livre "la foire aux cochons" vont être en rupture de stock. Dans quelques semaines si ça contnue, Jean-Jacques Pauvert va écouler ses stocks du Marquis de Sade et Brigitte Lahaie va devenir la marraine du site.

La puissance des outils d'Amazon va faire que ces titres "olé olé" -comme pourrait les qualifier ma mère-, ne disparaissent pas de la page d'accueil, car plus ils seront affichés, plus ils seront cliqués. Le système est fait pour durer !
Le problème, c'est que le joli postérieur de la demoiselle et le titre "je fais coucher ma femme avec d'autres hommes" apparaissent à côté de la sacoche Play Doh et de la malette Crayola à l'heure où j'écris ces lignes.
C'est l'heure du choix pour l'équipe marketing d'Amazon vis à vis des clients :

Première solution : la "tentation de la cuisse légère" comme j'oserais l'appeler poétiquement, avec son avalanche d'euros facilement gagnés. En voyant cette page d'accueil ce soir, je me dis qu'ils sont légion. Ce sont des clients satisfaits qui dépensent beaucoup pour découvrir des titres inédits livrés sous pli discret. Ces clients là ne réclament jamais et payent sans discuter. Le corollaire de ce choix : des mères et des pères de famille qui cherchent "Le monde magique de Winnie l'ourson" et qui sont un peu décontenancés par la page d'accueil. Au delà de l'aspect politiquement correct et moral de l'affaire, il y a des clients comme moi qui ne se reconnaissent pas dans cette page. C'est un risque mortel !

Seconde solution : la "tentation stalinienne", c'est à dire le retour à des règles de recommandation et de merchandising un peu encadrées pour toucher les populations les plus larges et ne choquer personne. Le problème c'est que nos amis d'Amazon seraient malhonnêtes s'ils censuraient la réalité du surf des clients et feraient baisser le chiffre d'affaires. Mais c'est le meilleur choix pour le bien de la marque. Quel dilemme !

Celà me fait immanquablement penser aux éléments du prisme d'identité de Jean-Noël Kapferer dont "le reflet" et "la mentalisation". Si une minorité surfe (beaucoup et à une certaine heure qui plus est) sur des produits pour adultes, la majorité ne se reconnaitra pas dans ce nouveau miroir déformant. Les clients ne veulent pas être confrontés à une telle image d'eux-même. Les nouvelles technologies ont tendance à mettre à nu la réalité des clients. Aux entreprises de gérer cette avancée et en faire un bénéfice pour tous... Le marketing client du 21ème siècle est décidemment beaucoup plus complexe.

Aucun commentaire: