Qui n’a pas fait taire un voisin bavard au cinéma, fait la queue en magasin avec un client mal embouché, été irrité par des touristes sans gêne ?
Autant de situations qui prouvent que les clients sont souvent les premiers destructeurs d’expérience. Quels en sont les signes et comment y apporter des remèdes ?
Incivilités et mauvaises manières
Selon la 3ème édition de l’Observatoire des incivilités TNS SOFRES pour la RATP, les voyageurs ont été les témoins de 74 incivilités en moyenne. Si ces incivilités baissent légèrement, le « niveau de gêne » quant à lui, est en stagnation.
Parmi le top 10 des incivilités, une bonne partie est destructrice d’expérience, comme par exemple « Parler fort dans son téléphone portable » (N°1 au classement avec 86 % de part de témoignages), « Laisser son journal sur un siège » (80 %), Rentrer dans le véhicule sans laisser descendre les autres voyageurs: (78 %), Manger à bord des trains ou des bus (73 %), Bousculer sans s’excuser en voulant rentrer ou sortir d’un véhicule (71 %) ou encore « Rester assis sur son strapontin en période d’affluence » (69 % de citations). Et pour tout ça on ne peut pas blâmer la RATP mais les clients eux-mêmes.
La Poste fait un constat identique et dénombre 7000 à 8000 incivilités par jour, dont j’imagine que la quasi-totalité constitue un élément détériorant l’expérience du client.
S’agissant des bonnes manières et de leur adoption, le sujet est plus délicat car tout est affaire de culture et d’éducation. Ainsi, le blog Gentlemen nous rapportait il y a quelques jours la liste des mauvaises manières des touristes chinois lors de leurs voyages et les initiatives du gouvernement chinois pour éduquer ses touristes (publication d’un guide listant les comportements adéquats comme ne pas se curer le nez en public ou cracher par terre, diffusion de spots à la télévision..).
Le fait est que le comportement de certains clients est préjudiciable à l’expérience. Lors d’une de mes visites dans une boutique Chanel à Paris il y a peu de temps, un touriste était assis par terre, le sac à dos sur les épaules, la casquette sur la tête et jouait avec son téléphone au milieu des sacs à 5000 euros et des clients outrés. Dans les grands hôtels parisiens, comme me le rapportait Alexandre Dubarry, l’auteur du livre « L’enchantement du client », il n’est pas rare de voir des clients appartenant à une famille ayant réservé un étage entier du palace se comporter comme à la maison dans les parties communes. Il m’est arrivé de discuter avec des clients de clubs de vacances haut de gamme qui sont effrayés par les clients dont le comportement est odieux ou inconvenant et en complet décalage avec le lieu. Ces distorsions de l’expérience sont récentes et le fait de la croissance du tourisme de masse venant de pays « nouveaux » (Chine +23% de touristes, Russie +14%…) n’ayant pas les mêmes codes que nous autres Français.
Les conséquences de ces incivilités et mauvais comportements sont nombreuses.
- Tout d’abord, ils détruisent l’expérience du client. En choisissant une compagnie aérienne, un restaurant ou un magasin de vêtements, on attend une certaine expérience et notre niveau de tolérance est variable selon nos choix et le contexte. On ne se plaindra pas des enfants un mercredi midi dans un fast food, ou de personnes âgées dans un centre de thalassothérapie.
- Les clients destructeurs d’expérience ruinent l’image de la marque. On en veut à une société de ne pas faire respecter les règles élémentaires de bonne conduite dans un lieu public, de ne pas avoir les équipements adéquats pour apaiser les relations ou un personnel formé pour faire face aux clients destructeurs. On finit par faire payer à l’entreprise qui ne donne pas les moyens à ses collaborateurs de gérer les clients discourtois ou dont le comportement va gêner les autres.
- Les clients destructeurs d’expérience démotivent les collaborateurs dont certains vont jusqu’à se mettre en retrait, abandonner la gestion des incivilités et laisser les clients entre eux. Une seule personne peut ruiner une semaine de vacances de centaines de personnes, un client irascible peut transformer une expérience d’achat ou une visite en cauchemar. Les clients en sont victimes mais les employés en souffrent lorsqu’ils sont démunis ou pas soutenus.
A l’opposé de ce dispositif, j’ai vu dans une boutique SFR au sein d’un magasin FNAC cette semaine une affichette posée ostensiblement sur le comptoir, comme une espèce de rempart. Elle dit : « Politesse et respect, l’affaire de tous. Respectons nous mutuellement. SFD (le nom de la société qui gère les boutiques) se réserve le droit de porter plainte en cas d’agression verbale ou physique envers ses équipes ». C’est une communication plus directe qui indique un environnement difficile, comme dictée par une sorte de résignation. Faute de pouvoir résoudre les vrais problèmes, on affiche une menace. Certainement utile aux collaborateurs, je ne suis pas certain de son efficacité.
De même, les personnes en contact physique avec le client doivent gérer les problèmes non résolus sur les autres canaux (par mail, par téléphone, sur le site…). On touche du doigt ici le cercle vertueux de la bonne relation client sur tous les canaux. Un client qui arrive dans un point de vente ou un lieu d’exercice pour gérer un problème non résolu auparavant a toutes les chances d’être encore plus irrité et détruire l’expérience des autres. L’expérience client est l’affaire de tous et sa dégradation a des conséquences bien plus grandes qu’on imagine.
Assurer une bonne expérience au collaborateur est la condition préalable à la création d’un environnement propice à une bonne expérience client.
Ce billet est pour moi l’occasion d’affirmer à nouveau que le concept du client roi est une hérésie. On a vu dans ce billet que de nombreux facteurs transforment un client en destructeur d’expérience. Lorsque toutes les conditions sont réunies pour assurer une bonne expérience, il restera toujours le client indélicat qui ne doit pas être traité comme un roi mais comme un sujet de l’expérience reine.