16 mars 2013

Parcours client e-commerce : les 13 étapes du chemin de croix

Alléluia ! Rendons grâce à iVentures Consulting qui nous offre une étude sur le parcours client dans l'e-commerce qu'on pourrait dans certains cas qualifier de chemin de croix, une image à laquelle je n'ai pas pu résister à quelques jours de Pâques...

Avant d'aborder les résultats de cette étude, je voudrais répondre à un de mes lecteurs qui me demandait récemment ma définition de "parcours client".
Le parcours client désigne toutes les étapes qui vont de l'identification du problème à résoudre pour un client jusqu'à sa résolution. Par exemple, c'est le chemin qui mène de l'étape "je veux placer mon argent" jusqu'à : "la souscription d'un contrat, les interactions qui suivront avec l'organisme choisi et la clôture du contrat". Ou encore de : "Je veux des chaussures pour courir" jusqu'à "l'achat d'une paire de chaussures" et éventuellement son service après-vente.
A chaque étape du parcours, on peut identifier des moments de vérité. Lorsque j'étais chez Pizza Hut en tant que Directeur marketing, je prétendais que la fermeture de la porte du réfrigérateur vide était la première étape d'un des parcours les plus fréquents. D’où la fabrication de magnets à coller sur la porte du frigo pour favoriser la présence à l'esprit et avoir le numéro de téléphone ou l'adresse du site pour commander. Le premier moment de vérité du parcours client étant la réponse à la question : "auprès de qui vais-je commander pour résoudre mon problème de frigo vide ?" (ce que Google appelle le moment de vérité zéro, le ZMOT).

iVentures Consulting a donc eu la bonne idée de comparer -avec l'aide de ESCP Europe- 113 marques avant, pendant et après l’achat, et d’identifier les meilleures pratiques. L’eShopper Index (c’est le nom de l’étude) est un indicateur qui mesure la performance des sites eCommerce de bout en bout du parcours client, décomposé en 13 étapes (une de moins que le traditionnel chemin de croix du Christ qui en compte 14).

Les 13 étapes du parcours client
Classées en 3 grandes parties, elles pèsent chacune environ un tiers dans la note globale (chaque étape a un poids dans la note, de 4% pour les médias sociaux ou le mobile, jusqu’au compte client 10% et l’ergonomie du site 12% :

AVANT L’ACHAT, une partie sur laquelle La Redoute est citée comme la meilleure (avec une bonne pratique identifiée sur la page produit), suivi de Net-a-porter.com et 3 Suisses.

1) SEO/SEM. Seulement 65% des marques font du SEM (référencement naturel et liens commerciaux). Je note que Vente-privée explique souvent ne pas recourir aux pratiques des liens commerciaux, ce qui s'explique par la nature de son concept. Ce n'est pas une obligation, mais dans la majorité des cas un site doit exister dans le fameux "moment de vérité zéro".
2) Medias sociaux. Les plateformes sociales privilégiées sont Facebook (96%), Twitter (84%) et Youtube (81%). Là encore, même si iVentures considère ce point comme une étape, je pense que les marques ont tout à gagner à créer leurs propres réseaux sociaux plutôt que de les envoyer ailleurs. En attendant, les 3 cités ici sont tout de même incontournables en recrutement et parfois en après-vente, car il faut aller pêcher là où il y a du poisson comme disait mon père.
3) Mobile. Peu de marques proposent une application M-commerce : 39% sur iOS et 27% sur Android. Voyages SNCF est cité en bon exemple pour son application. Parions que bientôt on ne parlera plus de e-commerce ou de m-commerce mais de commerce tout court sur tous les terminaux connectés. En voyant ce chiffre, je me dis que bientôt n'est pas égal à "l'année prochaine".
4) Ergonomie générale du site.
5) Page produit. 42% des marques n’affichent pas d’éléments de réassurance (paiement, livraison, retour etc…) sur leurs pages produits

PENDANT L’ACHAT, dont le meilleur site des 113 étudiés serait Clarins (dont la livraison -étape 11- est citée en exemple), suivi de Zalando et BrandAlley.

6) Communication. 63% des marques ont un dialogue de vente en moins de quatre clicks, loin du fameux "one click" d'Amazon.
7) Panier d’achat. 81% des marques proposent plus de 3 moyens de paiements et 51% des marques proposent entre 2 à 3 options de livraison
8) Dialogue de vente. Une étape dans laquelle, selon iVentures, Accor Hotels se distingue.
9) Service clients. Seulement 17% des marques ont un service clients disponible 24/7 et 72% des marques mettent plus de 9h à répondre aux emails. La disponibilité 24/7 tend à devenir un standard sur Internet, dès lors qu'avec bon sens, on sait qu'un client n'achète pas que pendant les heures d'ouverture, comme dans le monde réel.

APRES L’ACHAT, étape sur laquelle Yoox.com serait champion, suivi de Expedia et Four Seasons.

10) Communication suivi. 25% des marques vendant des produits n’envoient pas de mail de confirmation d’expédition, un chiffre qui m'effraie quand on sait à quel point la réassurance dans les "derniers mètres" (comme on dit en logistique) est essentielle.
11) Livraison / Colis. 55% des marques vendant des produits ne joignent pas de formulaire de retour à leur colis - Seulement 33% des marques vendant des produits proposent un retour gratuit - 59% des marques vendant des produits étendent la durée légale des retours (7 j). Rappelons que Zappos permet un retour pendant 365 jours, pour vous donner une idée de l'excellence...
12) Compte client. La FNAC s'illustre dans ce domaine selon le cabinet iVentures.

13) Retour et Remboursement. 61% des marques vendant des services permettent d’annuler une commande jusqu’au jour de la réservation. Puma est cité en bon éléve dans cette étape, ainsi que Amazon pour la qualité de sa fonctionnalité de retour et remboursement. Je cite souvent Amazon dans mes conférences et je montre à l'écran la page d'explication du retour de produit : c'est une page simple avec 3 dessins !

Le classement des sites 

Voici les 10 premiers du classement des 113 sites issu de l'étude :
  1. Net-a-porter.com
  2. Zalando
  3. Amazon.com
  4. Voyages SNCF
  5. Clarins
  6. Tati
  7. La Redoute
  8. Lacoste
  9. Brandalley
  10. Adidas
Observations
  • Amazon est le seul site dont le parcours est qualifié de fluide (avec quelques points d'amélioration) sur les 3 grandes parties. Je suis très triste de lire dans l'avant dernier numéro du magazine Le Point que "Amazon est le fossoyeur du livre français", et peiné de lire l'interview de Paul Auster (un de mes écrivains préférés) dans le magazine ELLE dans laquelle il prétend que "La disparition des librairies me cause une tristesse énorme. Amazon détruit tout.". On pourra toujours taxer Amazon de dumping fiscal - ce qui est avéré-, il n'empêche qu'aucun libraire ne me prévient de la date de sortie de votre prochain livre Monsieur Auster, peu de libraires ne me font vivre une bonne expérience de client, peu de libraires m'aident à trouver un livre rare, ne me reprend mon livre sans discuter, ne me fait partager les avis d'autres lecteurs, ne me permet d'écrire ma propre critique, ou encore d'avoir une liste d'envies... Ma dernière visite à la librairie du coin dont le plafond détruit n'a pas été changé depuis plus d'un an et les vendeuses derrière la caisse n'ont pas su m'aider, ni même montrer un semblant d'intérêt pour moi, me font effectivement craindre le pire. Les librairies vont mourir, c'est un fait. Ne survivront que celles qui sauront tirer partie de leurs forces, en l'occurrence la relation client, la relation humaine et l'animation du point de vente (oopss j'ai dit un gros mot, on ne vend pas des livres, on défend le patrimoine culturel en France).
  • J'observe que les sites distingués au sommet de ce classement ne sont pas tous des "pure players" d'Internet" et iVentures fait remarquer dans son étude que les marques "bricks and clicks" (qui ont une existence physique et une présence en ligne) ont rattrapé les pure players de l’ecommerce.
  • Je note que beaucoup de vendeurs de prêt-à-porter sont bien notés sur le parcours client, cela est du à l'impératif de minimiser les retours, l'enjeu essentiel de la vente à distance de ce type de produit. La vente doit se faire sans accroc et le client doit être informé et rassuré sur son achat jusqu'au dernier click.
  • Le cabinet d'études fait remarquer que "du coté des bricks and clicks, l’enjeu des marques est d’assurer une cohérence et une complémentarité entre le monde digital et le réseau physique" (ce que je prétends dans mon billet de tendances 2013 et dans mon billet à propos du ROPO et du multicanal). iVentures note également que, "par exemple, les clients en ligne sont en attente d’information sur la présence d’un produit dans le magasin le plus proche, ou encore de se faire rembourser ou échanger des produits achetés en ligne dans les magasins physiques, ou bien encore de se faire livrer à leur domicile un produit indisponible dans le magasin physique où ils se trouvent."
  • Ce que note ce cabinet de conseil dans son rapport (extrait de l'étude disponible par souscription) : "certains acteurs privilégient la mise en place de goodies (Pinterest, wishlist, flash,…), plutôt que l’amélioration de l’expérience client (navigation fluide, réponse immédiate du service client, livraison rapide, process de retour simple, remboursement rapide…)". Les commerçants cèdent à la tentation du gadget, là ou le client n'attend qu'efficacité dans son parcours. Si vous observez d'ailleurs plus en détail les sites gagnants, et notamment Amazon,vous observerez que leur force réside souvent dans leur simplicité, et comme chacun sait, il est souvent difficile de faire simple.
  • Et enfin, "les parcours clients sont jugés souvent complexes et présentent de nombreux points de rupture (modes de navigation et d’accès aux offres)" : il s'agit là du chemin de croix auquel je fais référence. L'e-commerce gagne en maturité et de nombreux acteurs font désormais jeu égal du point de vue du client avec le leader mondial Amazon qui signe toutes ses communications par la phrase "Nous nous efforçons de bâtir l'entreprise la plus centrée sur ses clients". Les distributeurs traditionnels qui font l'expérience d'Internet ont tout intérêt à garder leur sens du client en ligne, mettre le meilleur de leur savoir-faire dans les outils digitaux et d'en adopter les codes. C'est un des éléments que j'aurai l'occasion de développer la semaine prochaine devant des centaines de distributeurs à Venise lors du Retail Connections organisé par Cegid, dont le thème n'est rien d'autre que "One consumer, one commerce" !

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