05 décembre 2012

Mon boucher du coin (Pascal Fillion) et le Sens du client

Si je veux me remettre les idées en place après tous les livres lus, les conférences faites, les interviews, les billets écrits à propos de la relation client, je vais chez mon boucher, dont nous sommes, mon épouse et moi, fidèles depuis plus de 10 ans. D’où l’idée de partager avec vous cet échange simple et sincère avec un commerçant, qui n’a pas l’habitude de parler de lui et de ce qu’il fait. Pour cette rare interview, je le remercie (et j’en profite pour le féliciter pour ses poulets aux herbes rôtis dont je suis amateur).
Pascal Fillion est un entrepreneur, c’est un homme qui m'a dit simplement « je rentre chez moi le soir en me disant que j’ai fait de mon mieux, et ça marche ». Il aime les choses simples, claires. Il défend l’honnêteté et le travail. Il cite Churchill à propos du courage (et là il touche une corde sensible chez moi, car en plus de mon inclinaison pour les poulets rôtis aux herbes, j’admire cet homme aussi). Je l’observe faire son métier avec application, je vois son caractère parfois rude, "taquin" selon lui, mais toujours remarquablement courtois. La caissière de la boucherie Fillion me dit bonjour et trouve le petit mot personnalisé qui va bien, les employés portent la cravate, écoutent leurs clients et quittent rarement des yeux leur table de travail, sauf pour vous sourire ou vous dire bonjour, au-revoir ou merci. J’entends beaucoup de professionnels de la relation client qui veulent faire comme "le boucher du coin", je leur offre l’occasion aujourd’hui d’apprendre ses recettes.

Qui êtes-vous ?

Je suis patron d’un commerce de détail de viande et volaille à Paris, ouvert il y a bientôt 50 ans par mon père. Je suis moi-même à la tête de cette affaire familiale depuis 1988.

Selon vous, pour une entreprise, qu’est-ce qu’ « avoir le sens du client » ?

Il faut trouver la bonne osmose.
Pour moi c’est simple, il faut d’abord un produit de qualité à un prix qui correspond. Puis un accueil du client que je qualifierais de "confortable", pas convivial…confortable. Le sens du client, c’est le respect du client, mais c’est aussi se faire respecter par rapport aux exigences de certains clients ; on ne peut pas plaire à tout le monde ! Et enfin, le client doit arriver en confiance, il doit savoir ce qu’il va trouver dans mon commerce, les yeux fermés, sans entourloupe.
Moi, je vends du quotidien, je vends du bonheur quotidien en quelque sorte. Quand on est patron, on doit savoir que sans le client, on n’est rien.

Que pensez-vous de l’évolution de la relation client ?

Je pense qu’on accueille mieux qu’il y a 25 ans globalement, mais je constate qu’il y a moins de courtoisie, moins d’élégance dans les rapports, certainement du au fait que les clients manquent de temps, tout doit aller très vite. Et la relation client -le relationnel- est fragile comme du verre. On met des années à le construire et on le détruit en une minute.  Dans les grandes sociétés –comme dans la téléphonie mobile par exemple-, on rentre facilement mais on sort difficilement : le client est un otage. Dans les commerces comme le mien, le client n’est jamais otage, il est libre de rentrer et sortir quand il veut. Tout peut s'arrêter en une minute.

Avez-vous une anecdote, un exemple de relation client remarquable ? 

Je n’ai que des petites histoires, des petites attentions, des échanges, presque des confessions avec des clients qui viennent depuis 20 ans chez moi. Dans mon métier avec un ticket moyen faible et une marge réduite, je ne peux pas faire d’extravagances. Mais en tant que client, je suis facile, je sais ce que je veux et j’aime les petites attentions. Un exemple ? Je suis retourné dans un hôtel en vacances et j’ai trouvé sur le lit des fleurs et un mot qui disait "Welcome back", voilà, c’est simple.

La boucherie Fillion se trouve 26 Rue des Belles Feuilles à Paris.

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