Dans le TGV de 5h45 qui m’emmenait cette semaine de La Rochelle à Paris, j’avais peu dormi et je redoutais le voyage dans ce train dont le design a été fait par des personnes peu soucieuses du client. Fauteuils léger et instables, tablettes sans rebords pour laisser tomber ses affaires, espace entre la tablette et le siège pour perdre ses objets, support de lumière pour se cogner, pas de prise électrique en 2ème classe, appui-têtes amovibles qui ne résistent pas au poids de la tête, bref le pire design de rames à la décoration signée Christian Lacroix (lire mon billet à ce sujet). Les contrôleurs à la mine aussi grise que leur uniforme exécutent leur tâche avec zèle : réveiller les passagers endormis. Un irritant capital du voyage en train : les contrôleurs devraient être renommés les réveilleurs (du nom d’un poème perdu de Rimbaud). Avouez qu’il n’y a pas pire voyage.
Et pourtant, un homme, un seul homme, employé par une société sous-traitante (en l’occurrence Crémonini) comme hôte de bar TGV depuis 11 ans peut transformer la mauvaise expérience de dizaines de personnes en voyage enchanté.
Cet homme, c’est Stéphane, dont vous pouvez admirer le sourire sur cette photo et l’incroyable noeud papillon réalisé par ses soins (il a bien voulu se prêter à l’exercice de la photo souvenir, le combiné/micro en main)
C’est en imitant la voix de Karl Lagerfeld au micro qu’il vous invite à découvrir cet accessoire de mode et sa gamme de viennoiseries. Il conclut le voyage en citant le générique de Candy « au pays de Candy, comme dans tous les pays, on s’amuse on chante on rit… » et vous invite à écouter Boby Lapointe et aller voir des clowns le week-end.
Rendez-vous au bar et -plutôt que parler à un employé acariâtre comme seul notre pays sait en fabriquer-, vous allez commander votre petit déjeuner accompagné d’un mot sympathique, d’une bonne histoire parfois et toujours d’un sourire.
Ajoutez à cela le fait qu’il propose aux clients de remplir un formulaire destiné à Crémonini pour y faire des remarques (ce que j’ai fait bien sûr).
Stéphane enchante votre voyage, sans script établi et validé par la SNCF, sans autorisation officielle, bref en désobéissant.
Stéphane pense qu’on peut rendre la vie des gens qui voyagent à 5h45 du matin plus agréable, Stéphane a des convictions sur la relation qu’il entretient avec ses clients, Stéphane se moque du système établi et des procédures écrites par des personnes qui ne voyagent pas dans un TGV mal conçu.
Stéphane est-il exceptionnel ?
Oui. A l’exception de quelques conducteurs de rame de métro (cf mon billet à propos de la RATP et un commentaire suivant celui-ci), de contrôleurs fous et d’hôtesses ou hôtes de bonne humeur, il est très rare de trouver dans notre pays dans un moyen de transport des personnes qui enchantent votre voyage. Rappelons que IdTGV cherche à changer celà avec une certaine réussite. J’ai fait l’expérience aux Etats-Unis, dans le métro, en train et en avion d’hôtesses et hôtes qui sortaient des sentiers battus (dont une fois avec l’hôtesse d’avion qui chantait une chanson).
Je profite de ce billet pour féliciter la société qui l’emploie pour son courage. Le courage de l’avoir embauché, de le laisser sortir des sentiers battus des annonces micro et de servir avec bonne humeur ses clients.
L’expérience du client n’est que trop rarement envisagée comme un ensemble ayant pour ambition simple de rendre la vie des gens plus agréable, avec des points de contact essentiels, tels que les annonces au micro.
Et rares sont les sociétés qui incitent leurs employés à s’exprimer librement, à désobéir pour rendre un meilleur service.
Que Stéphane serve d’exemple à tous ceux qui me lisent et qui cherchent des moyens d’insuffler le sens du client dans leurs entreprises.
Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client qui aiment l’enchantement.