Bill Price fait désormais partie de l'histoire de la relation client par sa contribution au lancement d'un site numéro de l'e-business selon le plus récent classement Fortune 500, avec 34 milliards de dollars. Faut-il rappeler ici qu'Amazon.com fait plus de chiffre d'affaires que Google, près de 4 fois plus qu'Ebay, près de 5 fois plus que Yahoo... Un succès qui s'accompagne d'une distinction exceptionnelle : un score de satisfaction client qui ne faiblit pas avec le temps. Selon l'American Customer Satisfaction Index, Amazon est toujours au dessus de la moyenne de satisfaction de l'e-commerce et de tous les secteurs d'activité depuis dix ans.
J'ai eu la chance de rencontrer Bill Price grâce à CCA International, et Philippe Tisserand en particulier que je remercie. Bill s'exprimera également dans les colonnes de l'AFRC MAG N°2, le magazine de l'Association Française de la Relation client, à paraître en octobre 2011, publication dont je suis membre du comité de rédaction.
Voici les réponses de Bill Price à mon questionnaire, traduites pour vous en français.
Qui êtes-vous ?
Lorsque j’ai été nommé l’un des premiers «Pionniers des centres d’appels» aux Etats-Unis en 1997, je n’imaginais pas à quel point combien je devais encore y contribuer, et mes quatorze dernières années ont vraiment été enthousiasmantes.
Avant 1997, j’ai été consultant en management pour McKinsey à San Francisco et à Stockholm, Directeur financier et Directeur des opérations pour Automated Call Processing Corporation un fournisseur avant-gardiste de SVI à San Francisco, puis le Vice-président et Directeur Général, créateur des services pour centres d’appels de MCI. Dans ce centre de profit de MCI, nous avons construit un centre d’outsourcing de 2000 positions + 16000 ports connectés au sein d’un réseau de SVI (avant que le «cloud» ne devienne le terme à la mode) + une offre de conseil, en utilisant la signature «Whatever it Takes !» (Tous les moyens pour y arriver) pour faire en sorte que les services clients de nos clients fonctionnent au meilleur niveau.
Quelque temps après mon prix “pionnier des centres d’appels”, j’ai rejoint Amazon.com en tant que Vice-président du service client (le premier dans cette fonction au niveau mondial), où j’ai passé presque 3 ans à construire les compétences clés et les process qui ont depuis servi Amazon plutôt bien et propulsé cette société au sommet de nombreuses enquêtes de service ou d’expérience clients. J’y ai connu une croissance de 15% par mois (90% durant le dernier trimestre) et la forte pression qui va avec, mais l’expérience était très gratifiante.
Dans les 10 dernières années, j’ai créé Driva Solutions et l’Alliance Globale LimeBridge (une alliance internationale de sociétés de conseil spécialisées dans la gestion de la relation client dont Activeo est le partenaire en France) dans 10 pays pour faire du conseil en service client orienté « best service » (le titre de mon premier livre) et « customer happiness» («le bonheur du client », titre provisoire du prochain), avec l’ambition de répondre aux questions du futur du service client visant l’excellence.
J’habite à Bellevue, à côté de Seattle dans l’état de Washington au nord ouest des Etats-Unis, j’ai deux filles qui font leurs études à Los Angeles et je suis marié à Lori Nelson Price, thérapeute du langage et du discours.
Selon vous, pour une entreprise, qu'est-ce qu'"avoir le sens du client" ?
J’ai deux réponses. C’est à la fois :
- la recherche permanente d’une plus grande fidélité client par :
- la reconnaissance, l’anticipation, l’action en réponse aux désirs et volontés du client sur tous les points de contact,
- la délivrance auprès des clients de produits, services ou résultats personnalisés et ayant du sens,
- la conduite de tous les éléments de l’organisation en connexion très étroite.
Ou aussi, de façon plus simple,
- présenter une société à un client, et un client à la fois à une société.
Dans les deux cas, il est important de voir le client comme nous nous voyons nous-mêmes, pas comme des numéros et certainement pas comme des «segments», tout en faisant correspondre les besoins du client et ce à quoi il a droit, aux bonnes combinaisons de produits et services. Le PDG et fondateur d’Amazon, Jeff Bezos appelait ça «écouter le client et inventer pour le client», dans son objectif permanent d’être « l’entreprise la plus orientée client du monde ».
Que pensez-vous de l’évolution de la gestion de la relation client ?
La gestion de la relation client (CRM, ou GRC) n’a pas été à la hauteur de ses promesses, d’une part à cause du mauvais postulat de départ – essayer de gérer les clients, et essayer de construire une relation- et d’autre part parce que le CRM a trop souvent été associé aux développements de systèmes mal conçus et aux mauvaises implémentations qui ne prenaient pas en compte tous les canaux utilisés par le client.
Plutôt que de parler de CRM, pourquoi ne pas utiliser CMR comme le prétend un de mes collègues : «customer-managed relationships» (relations gérées par le client). Si l’on permet à ses clients de nous gérer, si on leur donne le sentiment de plus de contrôle, alors la promesse sera respectée plus facilement.
Et quelle est cette promesse ? C’est pour moi : « s’assurer que les clients obtiennent ce qu’ils veulent », sans service du tout, ce qui constitue le postulat de mon premier livre, « L’absence de service est le meilleur service », ou comment libérer les clients du service client, les rendre heureux et contrôler les coûts), paru aux Editions Wiley/Jossey-Bass en 2008. Par définition, les clients ne se réveillent pas un beau matin en voulant contacter une société pour demander de l’aide, ou se plaindre lorsqu’ils ne comprennent pas quelque chose ou que quelque chose est cassé ; au lieu de cela ils veulent «se sentir mieux et faire plus», comme je le prétends dans mon prochain livre.
Si les systèmes de CRM pouvaient collecter et traduire ce que les clients ne disent PAS au centre d’appels, par exemple via les réseaux sociaux, avec les employés du magasin, sur des sites internet, par SMS, nous pourrions alors prétendre mieux répondre à la promesse. Les outils de CRM échoueraient encore dans la mesure où ces contacts seraient contrôlés et pris en compte, au lieu de traiter les problèmes au tout début pour rendre les choses plus simples et plus faciles pour les clients.
Avez-vous une anecdote, un exemple de relation client remarquable ?
Il y a sept ans, une société américaine fournisseur de programmes de radio qui se nomme XM, a connu une panne qui a affecté des millions d’abonnés, les empêchant d’écouter une centaine de chaines de musique, sport et informations. XM a immédiatement envoyé un email à tous ses abonnés les informant de la panne et promettant une réparation en moins de 18 heures. Le lendemain matin, XM a du envoyer un autre email confessant qu’ils avaient identifié le problème qu’ils essayaient de résoudre, mais que le service ne serait pas rétabli avant 6 à 8 heures, au-delà de leur première alerte ; XM informait en outre ses clients que la plupart des stations étaient disponibles en ligne. Plusieurs heures plus tard, la société envoya un troisième email avertissant ses abonnés que le service était rétabli en révélant l’origine de la panne, rappelant aux clients d’attendre encore 5 minutes pour que le signal satellite puisse retrouver toutes leurs stations préférées.
Pourquoi XM a fait tout celà ?
La société faisait en sorte que les clients n’appellent pas en masse le centre d’appels pour se plaindre ou faire part de leur frustration, elle rappelait le fait qu’on pouvait accéder au service en ligne et qu’elle voulait tenir étroitement au courant ses clients de l’évolution de la situation.
Quelle fut l’attitude des clients ?
XM a révélé plus tard que l’impact sur le centre d’appels fut minime, qu’elle n’a perdu aucun client (un point essentiel, sachant que la concurrence avec Sirius, un autre fournisseur de services radio, était féroce et qu’ils perdaient de l’argent à cette période) et enfin que le retour des clients était plutôt favorable, faisant de la plupart de futurs promoteurs.
Dans mon premier livre, cette anecdote est dans le chapitre intitulé « Principe numéro 3 : soyez proactif ». Lorsque vous savez que vous avez tord, que quelque chose est cassé, que la situation est peu claire, partagez avec vos clients de façon à ce qu’ils soient informés, qu’ils aient le choix et puissent être encore plus heureux.
Interview réalisée par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.
2 commentaires:
"Be proactive". Enfin !
Le nombre de direction de services clients qui m'ont dit "Oula non ! Grand dieu ! On préfère que 20% de nos clients nous appellent quitte à les traiter plutôt qu'avouer à 100% d'entre eux (et particulièrement ceux qui n'ont pas remarqué) que le service était interrompu".
Un jour, ça va changer :)
Bravo pour cet interview qui illustre bien les enjeux du service clients aujourd'hui.
L'exemple de XM et de l'impact de la pro-activité est encore malheureusement bien rare.
Dans mon domaine, la livraison aux particuliers pour le e-commerce, je constate que cette attitude est encore très rare. Les e-marchands anticipent encore trop peu pour informer les destinataires en cas de dysfonctionnement de livraison.
Je considère que cette pro-activité constitue probablement un des grands facteurs de différenciation entre les e-marchands aujourd'hui. Beaucoup de produits sont identiques sur la toile et le service, notamment l'étape de la livraison, constitue un moyen très puissant pour fidéliser.
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