31 juillet 2010

Michel Gallet (livre Relation client dans les transports) et le Sens du client

Michel Gallet me fait le plaisir de répondre au questionnaire du Sens du client. Un homme qui consacre son activité au domaine du transport de voyageurs. Sociologue, ingénieur, blogueur et consultant, son récent livre "Améliorer la relation client en transport de voyageurs" est tout à son image : sérieux, iconoclaste, abordable et enrichissant. Il m'a fait par ailleurs l'honneur de plusieurs citations du blog du Sens du client dans son livre que je viens de lire.
Ce livre s'adresse par son aspect très didactique à tous ceux qui s'intéressent à la relation client en général. Même si les exemples sont issus du domaine du transport, le propos est assez large pour intéresser des étudiants, des débutants dans le domaine et des professionnels qui apprécieront la clarté du propos et la fraicheur du point de vue. Vous y trouverez un chapitre intitulé "Comment acquérir le sens du client" qui m'a ravi ; je partage en effet avec Michel Gallet la conviction que le sens du client est d'abord une affaire de valeurs d'entreprise et de management des ressources humaines. Dans son brillant chapitre "les onze recommandations de la relation client" il ose des références allant de Cicéron à Starbucks et prend position sur un de mes thèmes de prédilection : "Servir n'est pas être servile" (Lire à ce propos mon billet "De l'esprit de service aux attitudes de service"). A propos de la nécessaire implication du management, il reprend une citation de Gérard Mulliez, le fondateur d'Auchan : "Le management doit s'aimer pour aimer les gens et pour que les personnels aiment leurs clients". J'aime beaucoup sa proposition de "Serment d'Hermès" pour les professionnels du transport ; des engagements de moyens vis-à-vis des clients, à la manière des médecins et leur serment d'Hippocrate. Dans son avant dernier chapitre "Mettre en œuvre la relation client" il nous propose aussi bien une démarche très construite que l'apport de la culture zoulu par l'Ubuntu dans la relation client. Voilà qui est très rafraichissant et iconoclaste : tout ce que j'aime ! Vous avez compris, j'aime ce livre et je vous le recommande, que vous soyez professionnel du transport ou pas.

Qui êtes-vous ?


Je suis ingénieur (INSA, TH Stuttgart) et sociologue, disciple et assistant d’Abraham Moles à l’université de Strasbourg, fondateur et gérant d’un cabinet de conseil en transport de voyageurs. Mes clients sont des entreprises et des collectivités organisatrices. Je suis en particulier l’auteur du livre « améliorer la relation client en transport de voyageurs» paru aux éditions Celse (Paris) et je tiens un blog sur ce thème.

Selon vous, pour une entreprise, qu’est-ce qu’ « avoir le sens du client » ?

Le client est une valeur pour l’entreprise, quelle qu’elle soit. Il en est le cœur quand il s’agit de services, il est son âme dans l’aérien, le ferroviaire, le routier. Scott Mc Cartney, un spécialiste, dit que les relations d’un client à l’entreprise qui le transporte sont celles du patient avec le médecin ; il lui confie son sort. Au transport qui met en œuvre une chaîne de services complexes et qui doit être sûr, efficace, conforme, le sens du client apporte la chaleur et la sincérité d’un investissement personnel. Avoir le sens du client, c’est avoir compris le fait qu’en valorisant l’échange personnel, on s’enrichit soit même.

Que pensez-vous de l’évolution de la relation client en France ?

Deux choses m’ont frappé. Après les excès de l’automatisation de la relation client, on voit le retour au «langage naturel» et autres vecteurs de valeur humaine dans la mosaïque des relations avant, pendant et après le service. Et puis le fait que commencent à sortir des tabous des concepts « new-age » comme l’écoute, l’amour du métier, le courage, la fierté de servir, d’être utile. Suivant les philosophes et sociologues, Pierre Naville, Gilbert Simondon et Abraham Moles, on veut faire des techniques des vecteurs d’humanisme. On perçoit l’émergence d’attitudes respectueuses de l’individu, qu’il s’agisse du personnel ou du client. Sur ce point nous avons créé le concept « Proud of » de fierté d’entreprise, que l’on applique en interne comme en externe.

Avez-vous une anecdote, un exemple de relation client remarquable ?

Une longue attente aux guichets banalisés de Roissy. Il y a eu la veille pas mal d’annulations et de reports de vols. Un couple avec enfant billets en main pour Miami. L’agent de guichet « nous ne sommes pas sûrs de pouvoir vous enregistrer ». Colère et stupéfaction… « nous avons pris nos billets il y a un mois ». Une hôtesse s’approche, impeccable, chaleureuse. Monsieur, nous devons embarquer des passagers débarqués hier. L’homme : mais c’est du surbooking ! C’est exact monsieur, nous sommes obligés de vendre toujours plus de billets que de places parce qu’en moyenne une vingtaine de passagers ne se présentent pas à chaque vol. C’est une arnaque ! Non monsieur, cela nous permet d’avoir moins de sièges vides, donc de diminuer les prix. "Estimez-vous avoir payé cher ?", "Non non, mon agence m’a dit que c’était vraiment un bon prix !", "Vous voyez !".
"Je vous fais partir demain et je m’occupe de vos correspondances, Voici vos bons d’hôtel et de repas. En plus je vais tout faire pour vous surclasser. Alors ?", "....alors merci !".

(N.D.A. : Michel Gallet m'a envoyé une autre anecdote en me laissant le choix. J'ai préféré publier les deux qui sont très parlantes).

Un petit bus, un « community bus » à la gare routière d’une grande ville de l’Ouest du Canada. Le conducteur n’a pas de monnaie, le voyageur non plus. Pas de distributeur à proximité, le bus doit respecter l’horaire et le voyageur est fatigué. Un grand sourire, allez montez !, et le conducteur émet un billet tout à fait règlementaire. Regardons-le de plus près. Il y figure la mention « 00 $ Courtesy ». Il y a donc, sur ce réseau, un vrai sens du client. La latitude donnée aux conducteurs, non pas de faire passer gratuitement, amis et connaissances, mais d’offrir un billet au nom de la compagnie. Ce sont là bien les deux aspects du sens du client, l’un vers le client l’autre vers les personnels. Ici, l’on a compris qu’un geste commercial envers un client valorise l’agent qui en a la charge.

Interview réalisée par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels du marketing client.

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