07 mars 2013

IRRITANT : l'esprit de service des kiosquiers acariâtres à Paris


On compte environ 350 kiosques à journaux dans la capitale, une des 170 villes proposant ce commerce de proximité en France.
Parmi eux, j'en ai repéré deux qui font montre d'un esprit de service tout à fait extraordinaire, digne de nos chers chauffeurs de taxis parisiens assis sur leur monopole, dont je pensais qu'ils conservaient leur honorable et légendaire record d'antipathie.
Alors que le marché de la presse papier poursuit son déclin, quelques 15.000 diffuseurs bénéficient d'une aide exceptionnelle de 4.000 euros pour survivre, et deux d'entre eux ont décidé de donner raison à ceux qui ne veulent que des relations digitales.
En lisant les conditions d'attribution de l'aide aux diffuseurs de presse, je me demandais si on ne pouvait pas ajouter à celles-ci une qualification en relation client. On prétend pourtant sur le site Union presse que la "relation client" fait partie des connaissances requises pour devenir diffuseur de presse, une subtilité qui a du échapper à nos deux grincheux...

Ces deux affiches sont des bijoux
On peut lire sur ces deux kiosques deux belles affiches.
La première dit "Pour éviter tout malentendu, on ne donne plus de renseignements !" et la seconde, plus directe, annonce "1€ TTC le renseignement", qu'on pourrait presque élever au rang de saillie drolatique, avec cette subtilité au second degré du "TTC" pour "toutes taxes comprises".
La première prend soin de conclure par "Merci de votre compréhension", ignorant sans doute la superbe étymologie, du terme latin comprehensio pour "saisir ensemble", comme un appel à s'entendre, à partager. Il nous parle en outre dans sa phrase soigneusement calligraphiée en lettres capitales d'un potentiel malentendu. Est-il donc si sourd au monde qui l'entoure et qui a besoin de relation humaine ?

C'est d'abord le sourire qui me vient en lisant ces magnifiques panneaux et je m'empresse de prendre une photo à chaque fois. La kiosquière qui vend ses renseignements me dit alors, comme pour magnifier son image bien écornée à mes yeux : "Je ne vous ai pas donné l'autorisation de faire une photo !".
Sans commentaire.

Je suis effondré devant de tels comportements. Alors que Paris vient de battre son record en 2012, avec 29 millions de visiteurs, j'ai même honte quand je pense aux pauvres touristes perdus en quête de renseignements (rappelons qu'ils ont eu le droit à un accueil de grande classe à la frontière, lire mon autre billet irritant à ce sujet "bienvenue en France"). Certes, ces deux kiosquiers ne sont pas représentatifs de la population mais ils sont très emblématiques d'un comportement de refus de la relation courtoise et non tarifée. Si les kiosquiers ne doivent se cantonner qu'à la vente de journaux, pourquoi ne pas les remplacer par des machines ?

Mediakiosk (filiale de JCDecaux), qui gère en délégation de service public ce parc déclare pourtant que le kiosque est "Un commerce de proximité essentiel à la vie de quartier".
Quel commerce refuse de rendre service ? Quel commerce se ferme à la relation humaine ? Quel commerçant sur la voie publique refuse de répondre au chaland qui passe ? Quel commerçant ose afficher un tel refus de communiquer ?

Quelle vie pour ces deux acariâtres ? Une vie de tiroir caisse, de mise en place de piles de journaux et de magazines et de vente de friandises ?

Ces exemples malheureux me font penser que notre niveau d'exigence n'est pas assez élevé en France. La relation client n'est que trop souvent une belle promesse, une posture sans fondement.
Je me demande ce que le responsable de secteur de Mediakiosk pense de ces kiosquiers, a-t-il simplement les moyens de leur expliquer que ce n'est pas un standard de comportement ? A-t-il simplement le réflexe de s'indigner ?
Il est de bon ton de se moquer des américains qui nous servent du bonjour, du au-revoir et du merci à tout va, le sourire au lèvres, mais il n'empêche qu'ils partagent des standards de comportement et ils savent à quel point un client est précieux, même lorsqu'il n'achète rien...

9 commentaires:

Marc van Loey a dit…

Vous parlez d'or ! J'ai passé ma vie dans les métiers de service, dont une bonne partie dans la formation aux compétences relationnelles. Je fais, comme vous, le constat que l'on se plaint en France de la dégringolade des affaires. Un proverbe que l'on dit chinois, nous enseigne que "l'homme qui ne sourit pas ne doit pas tenir boutique". Quelle sagesse ! Et si on retient que l’immense marché chinois du tourisme est à nos portes... Mais, comme vous le dites, évitons les stéréotypes : de nombreux kiosquiers sont des gens bien ! Espérons que ce soit contagieux!

Anonyme a dit…

L'esprit de service des kiosquiers est effectivement une expérience à nulle autre pareille. Votre article m’a rappelé le choc culturel que j’ai vécu à mon retour à Paris suite à mon premier voyage en Corée du Sud il y a quelques années.
Conditionné (mal) par le sens de service des coréens qui devançaient même mes attentes (il suffisait que je sorte une carte sur la voie publique pour que plusieurs coréens s’arrêtent afin de m’aider à trouver mon chemin), j’ai eu l’outrecuidance de demander un renseignement à un kiosquier. La décence m’empêche de rapporter ici la réponse de ce joyeux drille.
Pour être équilibré dans mes propos, il faut souligner que les demandes des uns et des autres ne sont pas toujours formulées avec la politesse nécessaire, le simple « Bonjour, Monsieur » ou « Bonjour, Madame » est souvent oublié … ça c’est un policier portugais qui me l’a appris mais c’est une autre histoire.

Antoine Lacroze

Unknown a dit…

Vu du Canada, voilà précisément l'image que je me fais de Paris: des tenants de kiosques antipathiques, des serveurs de café suffisants, etc. Votre blogue me réconcilie un peu avec les standards français, mais ne vous en faites pas: ça fait partie de la signature parisienne! ;-)

Thierry Spencer a dit…

Merci Antoine, Mathieu et Marc pour vos commentaires. Je sens que vous êtes comme moi sensibles aux irritants de la relation client. C'est à se demander s'il faut une inclinaison naturelle pour ces métiers, une culture, un état d'esprit et si on peut les acquérir...

Anonyme a dit…

Très bien observé et analysé. Les bureaux de tabac sont parfois pas mal aussi dans l'erreur. Je ne fume pas mais on peut y acheter plein d'autre choses (confiserie, carte de stationnement, timbres poste ou fiscaux, jeux de hasard...). J'en connais un qui a multiplié les affiches sur son comptoir : "pas ce ceci, pas de cela !". Appoint obligatoire... code monétaire et financier à l'appui. Refuse même des billets de banque ayant cours légal puisque la coupure est trop grosse à son goût ! Finira par fermer boutique. Tant mieux !!!

Emmanuel Zychowicz a dit…

Bonjour,

Ce côté bombe aérosol anti-client me fait penser à un de mes irritants personnels. Je trouve que les sites commerciaux (les administrations, pour l'instant, n'ont pas ce travers) donnent le sentiment de fuir le contact avec les clients, ou (pire) les prospects. Beurk.

Pour le dire rapidement : je ne supporte plus de recevoir des mails dont l'expéditeur est donotreply@... ou sa version française nepasrepondre@...

Pourtant moi, je leur ai donné, mon adresse. J'ai accepté de recevoir leurs messages, chez moi ou avec moi en mobilité ! Eux me somment de trouver un autre canal si leur message me donne envie de commander/me renseigner/questionner.
Quoique. Commander est généralement facile...
Invoquer le prétexte de la raison technique est de la paresse, de mon point de vue. Il est possible à un stagiaire d'habiller chaque mail avec une adresse apparente pouvant rediriger une éventuelle réponse(selon le thème du mail d'origine) vers une équipe au choix.
Et qui, donc, soit plus avenante que celle servant au paramétrage du robot de mailing de masse, c'est aussi de la politesse.

J'ai ainsi le choix : le passage obligé par les méandres d'une FAQ/filtre avant de dénicher, désabusé, le précieux formulaire de contact (car comprenant bien, étant de la partie, que je suis en train de leur mâcher le travail).
Ou le choix d'appeler.
Mais je n'ai pas ce temps à consacrer à cette question, ou ce n'est pas leur heure, ou ce n'est pas si urgent, ou tant de raisons qui font que j'aimerais entrer en contact autrement qu'en téléphonant.

Combien lisent ce blog, et se creusent la tête pour faire baisser cet indicateur du nombre d'appels reçus par dossier ? Permettre, à ceux qui le souhaitent, de leur écrire à la place est une piste qui fleure le bon sens. Plus de mails, moins d'appels.

Donc laissez moi répondre à vos envois : vous aurez non seulement un retour exploitable individuel moins cher qu'un community manager, mais vous donnerez en plus la preuve que je suis bienvenu en tant que client que vous venez de solliciter.

Pour boucler la boucle, c'est pareil pour le kiosquier. Fermé à tout dialogue, plein d'exigences qui ne servent très visiblement que son confort, que récolte-t-il ?

Mais cet autre, qui accueille le voisinage (ses clients quotidiens) avec amabilité, les reconnait, développe son affaire en s'intéressant à leurs goûts & habitudes ? Qui est disponible pour renseigner ceux de passage ? Les touristes et les gens perdus achètent des guides, des plans, des tickets de transport, des cartes de téléphone, à boire, des bonbons pour l'haleine, des souvenirs, etc.
Je l'imagine ayant un quotidien plus épanouissant que de se sentir seul contre tous.

Et tout ça pour une petite affiche, ou une maladroite adresse mail...

Anonyme a dit…

Parisien de toujours, je vois ces deux cas comme des exceptions car je n'ai quasiement jamais eu affaire à des kiosquiers antipathiques, ce qui ne les empêche pas de disparaître à grande vitesse (dernière victime, celui de la porte de Champerret qui n'a pas rouvert après les vacances de Noël)
En revanche, côté serveurs et chauffeurs de taxi, il y a encore des efforts à faire !

Ange Gagliani a dit…

"Si les kiosquiers ne doivent se cantonner qu'à la vente de journaux, pourquoi ne pas les remplacer par des machines ?"

J'adhère entièrement à votre phrase!

C'est le même débat que pour les caisses en magasin. L'être humain doit apporter de la valeur ajoutée notamment en terme de relationnel, sans ça, une machine fait aussi bien le travail.

Il est marrant de voir que le Kiosquier ose apposer l'affiche mais n'accepte pas les photos...

Essayez d'acheter 1 carte postale dans un Kiosque si vous n'avez pas de monnaie...Ce n'est pas toujours facile.

Ça fait plaisir et c'est rassurant de retrouver, via ce billet et les commentaires, des personnes sensibles aux irritants et à la qualité de service. On se sent moins seul!

Je n'oublierai jamais la fois où des clients, parisiens, m'ont gentiment dit "Vous n'êtes pas parisien, ça se voit" alors que je les servais avec attention en terrasse.

Valentine a dit…

Jusqu'à la fin, j'avais espéré que le 1 euro était une blague?
Mais j'ai rencontré déjà plus d'une fois l'affiche "pas de renseignements" placardée devant un kiosque. Et moi même quand je suis perdue j'évite formellement de m'adresser aux kiosquiers pour ne pas me faire éconduire.
Je comprends que ce soit agaçant surtout quand on est situé à un endroit comme Opéra, de répondre à 20 questions à la minute, dans des langues qu'on ne comprend pas et surtout quand en parallèle on ne vend rien. Un renseignement occasionnel oui mais quand vous passez votre journée à le faire alors que ce n'est pas votre métier, vous devenez l'office du tourisme. De là à décréter un tarif !!!