« La situation est sous contrôle » vient de déclarer le patron de SFR Jean-Bernard Levy. Alors que l’opérateur aurait perdu 274.000 abonnés au profit de Free, j’ai l’impression que ce vent de panique qui a saisit les leaders du marché n’a pas fondamentalement changé certaines pratiques opérationnelles.
J’en viens même à penser que les légions de clients qui s’abonnent à Free ont une motivation qui ressemble à une revanche. La preuve : quand on interroge les français sur les champions de la relation client, ils élisent Free, comme dans un effet de halo (biais cognitif qui affecte la perception) créé par l’économie qu’ils réalisent (lire mon billet et mon point de vue sur le sujet), oubliant leurs mésaventures en tant que premiers abonnés de Free mobile.

Ma mésaventure au téléphone
Laissez moi vous raconter mon aventure de client SFR (après celle du service client dans un précédent billet « le côté obscur du renouvellement »).
Je reçois hier un appel d’une personne de SFR. Au son et à la voix, je reconnais l’appel venant de l’étranger, le brouhaha du centre d’appel. C’est la voix que SFR a choisi pour me parler ; SFR est un des plus gros postes de dépenses de mon foyer, un fournisseur à qui ma famille laisse 2400 euros par an.
Après m’avoir demandé en suivant scrupuleusement son script si je suis bien titulaire de la ligne SFR ciblée par l’appel, il me propose une offre de parrainage de mes proches.
C’est à ce moment que je lui demande s’il travaille bien chez SFR, car s’il travaillait chez SFR il saurait que je suis titulaire de ma ligne sans engagement depuis la semaine dernière, titulaire de celle de mon épouse, celle de ma fille cadette (fin d’engagement le 3 juillet) et de ma fille aînée (qui n’est plus engagée). Tout le monde est chez SFR ! (j’ai aussi une ligne chez Orange…).
Il me demande si ces abonnements sont via une carte ou un forfait et me demande à nouveau si je veux parrainer quelqu’un.
Je lui réponds « non », sans me fâcher, avec une extrême compassion pour le pauvre opérateur à qui on a donné un numéro de téléphone, un siège, un casque, un bureau, un script, un objectif et un verre d’eau.
Ma fille aînée voulant s’équiper d’un nouveau téléphone et d’un abonnement internet à son domicile, je lui en fais part et lui demande plutôt s’il a des offres particulières pour elle.
C’est alors qu’il me répond gentiment qu’il ne propose que des offres de parrainage et s’empresse de me dire « aurevoir Monsieur Spencer ».
La situation est sous contrôle, je vous le confirme.
On sélectionne une série de numéros dans la base d’abonnés SFR, on prend un prestataire extérieur, on lui écrit un script et en avant pour faire l’objectif ! Tout est sous contrôle : script, durée d’appel, offre spéciale parrainage.
Sauf que derrière ce numéro de téléphone se cache un client, un client extrêmement rentable qui a quatre lignes dont 3 sans engagement. Plutôt que de me mettre dans le segment « client susceptible de parrainer d’autres personnes et de nous aider à vaincre la concurrence de Free », SFR aurait du me mettre dans le segment « client fidèle dont le foyer dépense 2400 euros par an présentant le maximum de risques et susceptible de partir immédiatement pour rejoindre Free », un client auquel il faut réserver un traitement particulier, à qui il faut faire une offre spéciale, un nouvel audit de toutes les lignes. Bien sûr, SFR risque de perdre de l’argent en revoyant presque tous les forfaits à la baisse, mais avec un bon vendeur, il n’est pas exclu que je signe pour 24 mois avec de nouvelles options.

Mais je comprends maintenant pourquoi l’autisme a été décrété grande cause nationale 2012.

Un appel de défidélisation
Cet appel est un pousse au crime, un appel de défidélisation organisé et imaginé par des personnes (ou des machines) qui au pire ignorent la réalité du client et au mieux ne savent pas faire de scores ni d’extraction de fichiers. Il me semble qu’une offre de parrainage est destinée à un client fidèle, satisfait et si possible engagé. Il y a erreur sur la cible.
Je ne sous estime pas la difficulté d’utiliser des systèmes d’information conçus il y a 15 ans à une époque qui ressemblait à celle de la conquête de l’ouest. On avance, on recrute, on verra la fidélisation plus tard…
Je n’ignore pas la panique qui doit saisir les services marketing à qui on donne comme objectif de stopper l’hémorragie et de retrouver la croissance sans délai.
Il n’empêche que la priorité des opérateurs de téléphonie devrait être de considérer la situation de tous leurs clients, et en particulier ceux qui présentent un risque immédiat et un potentiel de renouvellement.
Vous pourriez bientôt lire un billet sur ce blog à propos du traitement réservé aux nouveaux clients de Free. J’ignore encore la catégorie. Irritant ou Applaudissement ?

Billet Irritant écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.

Marketing client – Sens du client – CRM – Relation client – Culture client – Expérience client